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Imposition à l’étranger : poncifs et vraies questions

Un discours de Jean-Luc Mélenchon, prononcé ces jours derniers et apparemment assorti d’une promesse de taxer les Français établis à l’étranger, a conduit le candidat de l’UMP dans notre circonscription à annoncer urbi et orbi que la gauche, présentée au sens le plus large, s’apprête à venir hanter nos nuits de contribuables. Pour résumer, c’est tous aux urnes, chers compatriotes, la gauche veut nous piquer nos sous ! Dans le genre raccourci, poncif et amalgame, on ne fait guère mieux.

Que les choses soient claires : François Hollande pas plus qu’Eva Joly ne proposent de taxer les Français de l’étranger. Prétendre l’inverse est un pur procès d’intention.

Rappeler les propositions de Dominique Strauss-Kahn en 2007 et de Jérôme Cahuzac en 2010 en faveur d’une taxation inspirée de l’exemple américain, tout en passant sous silence le projet, heureusement avorté, de François Baroin au printemps dernier de taxer les résidences secondaires des non-résidents en France est une réécriture avantageusement sélective de l’histoire. Le projet Baroin aurait ainsi conduit un Français locataire d’un logement en Allemagne et par ailleurs propriétaire d’un petit pied-à-terre en France, le plus souvent obtenu en héritage, à payer une lourde taxe sur ce bien !

A-t-on oublié qu’Edouard Courtial, Secrétaire d’Etat aux Français de l’étranger, auprès de qui tous les candidats UMP aux législatives à l’étranger se pressent actuellement pour se faire photographier, faisait partie peu de temps avant son entrée au gouvernement en septembre 2011 des députés UMP signataires d’une proposition de loi visant ni plus ni moins à retirer la nationalité française aux Français de l’étranger non-assujettis à l’impôt en France, soit à plus de 90% d’entre nous ! Lequel Secrétaire d’Etat, à peine nommé, s’est empressé de faire disparaître rétroactivement sa signature de ce texte embarrassant…

Tout cela pour dire que les développements électoralistes sur le thème de la présumée rage taxatoire de la gauche à l’étranger ne font pas illusion. Candidat du Parti Socialiste et d’Europe Ecologie Les Verts aux élections législatives, je suis hostile à toute mesure fiscale qui discriminerait les Français à l’étranger. Je me suis d’ailleurs clairement exprimé à plusieurs reprises sur mon blog sur ce sujet (notamment dans ce post d’octobre 2010 relatif à la proposition de Jérôme Cahuzac ). Les Français établis en Allemagne et dans le reste de la circonscription y sont dans leur très grande majorité contribuables. Il est hors de question qu’ils paient un impôt en France.

Mais allons plus loin : que veulent dire ces retours réguliers, à droite comme à gauche, de propositions de parlementaires ou même de Ministres en faveur d’une taxation des Français de l’étranger ? Que ces derniers n’ont pas la moindre idée de ce que sont nos vies à l’étranger. Ce qui les conduit à proposer peu ou prou n’importe quoi, spontanément ou parfois aussi avec un petit calcul électoral en tête. De ce point de vue, les 11 députés des Français de l’étranger permettront, entre autres, de rétablir les vérités nécessaires au moment des débats budgétaires et aussi au-delà.

Il existe, reconnaissons-le, une perception diffuse que les Français à l’étranger sont un coût pour la France et c’est ce qui motive ces propositions de taxation. Dans mes réunions publiques, il est arrivé que des compatriotes m’interrogent sur la légitimité des engagements de l’Etat que je défends ou réclame au motif que la plupart d’entre nous ne paient pas d’impôts en France. A cela, je réponds invariablement que les Français à l’étranger sont une chance pour notre pays et que, loin de lui coûter, ils lui rapportent bien plus que les quelque 900 millions d’Euros de dépenses des deux programmes (151 et 185) de l’action extérieure de l’Etat.

Je m’explique : plus de 500 millions d’Euros par an sont déjà collectés par le Centre des Impôts des Non-Résidents. A quoi il faut notamment ajouter le produit des impôts locaux et taxes foncières payés par les compatriotes de l’étranger ayant un bien ou une adresse en France et même de l’impôt supérieur à celui acquitté par les résidents en matière de revenus immobiliers et de plus-values sur les cessions immobilières. On avance donc bien vers les 900 millions d’Euros. Et on les dépasse largement lorsque l’on reconnaît que l’export, auquel de nombreux compatriotes collaborent depuis l’étranger, pèse pour une belle part dans les revenus commerciaux soumis en France à l’Impôt sur les Sociétés.

Dès lors, l’on est sacrément fondé à s’interroger sur le sens politique des économies budgétaires réalisées sur le dos des Français de l’Etranger par la droite au pouvoir depuis 10 ans. Que nous dit l’UMP là-dessus ? Rien. Pourtant, pour ne parler que de notre circonscription, c’est du lourd : disparition des activités consulaires à Stuttgart, Sarrebruck, Düsseldorf, Hambourg et Cracovie ; réductions d’effectifs dans tous les autres consulats ; suppression des comités consulaires pour l’action sociale et des comités consulaires pour l’emploi et la formation professionnelle en Allemagne ; fermeture des Instituts culturels de Francfort, Hanovre, Rostock, Fribourg et Sarrebruck, fermeture de la section de langue de l’Institut de Vienne.

N’est-ce pas abandonner les Français de l’étranger que de sabrer ainsi dans les effectifs et le service public au nom d’une seule logique comptable, en passant par pertes et profits le lien citoyen que nous désirons plus que tout transmettre à nos enfants ? Et cela au nom d’une politique folle de non-remplacement de 3 fonctionnaires sur 4 au Ministère des Affaires Etrangères, alors même que la population française à l’étranger a pourtant crû de plus de 60% ces 10 dernières années ! Méritons-nous ces politiques en peau de chagrin, qui ruinent à petit feu nos réseaux, consulaires, d’enseignement et culturels ?

Peut-on se satisfaire que, par manque de 15 000 malheureux Euros de crédits, l’on ait dû attendre la fin novembre 2011 pour que les Français en Allemagne reçoivent la lettre prête dès le mois de juin pour les informer de la clôture des inscriptions sur la liste électorale au 31 décembre ?

Voilà les vraies questions, bien au-delà de vaines polémiques sur l’imposition. J’attends de la campagne électorale, présidentielle comme législative, qu’elle porte ces sujets en débat, pour diagnostics, explications et surtout propositions. C’est cela qui fera la richesse de notre rendez-vous démocratique du printemps.

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