L’Assemblée nationale vient de mettre en place une mission d’information sur la simplification législative, composée d’une quinzaine de députés. Je suis l’un d’entre eux. Je me réjouis que ce sujet soit abordé. Depuis mon élection, je m’interroge sur l’inflation législative et les débats à rallonges auxquels je participe le matin, l’après-midi, le soir et la nuit, sans jamais ou presque prendre le temps du recul et de l’analyse. J’ai l’impression de légiférer le nez dans le guidon. Je ne peux me résoudre à ce que la loi soit davantage un effet d’annonce ou une posture politique que l’organisation pensée et construite d’un progrès partagé. Combien de textes de lois, votés à la hâte et sous la pression, n’ont jamais vu la couleur de leur décret d’application ? 90% des textes pénaux en vigueur sont tombés en désuétude, mais n’ont jamais été abrogés. En ces temps de fêtes, le propriétaire d’un magasin pourrait ainsi être condamné à de la prison ferme pour l’éclairage nocturne de sa vitrine ! Ce texte, adopté juste après le premier choc pétrolier de 1973, n’a en effet pas été rapporté…
L’état du droit en France, c’était en 2008 10 500 lois, 127 000 décrets, 7 400 traités internationaux et 17 000 règlements, directives et décisions européennes. Notre Journal Officiel compte plus de 23 000 pages en rythme annuel contre 15 000 il y a 30 ans. Le code du travail pesait 500 grammes au début des années 1980 et approche 1,5 kg aujourd’hui. Dur dans ces conditions de rappeler que « nul n’est censé ignorer la loi » ! Cette inflation législative et normative a pour conséquence de rendre le droit illisible et, pire, inapplicable. La vie des citoyens et des entreprises s’en ressent rudement. Il faut simplifier tout cela. La simplification législative et normative est urgente pour la compétitivité de la France et la qualité de ses services publics. Ancien investisseur germano-américain en Allemagne, puis en France, j’ai vu in situ – malheureusement – combien le maquis normatif français plombe notre pays par rapport à ses partenaires et concurrent européens.
Depuis deux législatures, l’Assemblée nationale s’est penchée sur la simplification du droit. Entre 2002 et 2007, le Parlement avait autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnances à des simplifications. Entre 2007 et 2012, les députés UMP Laure de la Raudière et Jean-Luc Warsmann avaient remis deux rapports sur la simplification de la réglementation et l’amélioration de la compétitivité industrielle pour l’une et sur la simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi pour l’autre. Tout récemment, depuis 2012, notre collègue député PS Thierry Mandon a remis au Premier Ministre un rapport intitulé « Mieux simplifier : la démarche collaborative ». Ce rapport préconisait notamment d’engager une démarche de simplification collaborative à partir des attentes exprimées par les entreprises et coproduites avec elles ainsi que d’associer étroitement le Parlement à la simplification. Nous avons élu Laure de la Raudière et Thierry Mandon respectivement présidente et rapporteur de notre mission d’information en raison de leur expérience.
Qu’allons-nous faire ? Travailler à la réduction, voire à la suppression de dispositions redondantes, complexes ou tombées en désuétude. Et agir aussi sur le flux normatif et la rationalisation du processus législatif. Nous devons légiférer moins et produire des textes compréhensibles, applicables et surtout efficaces. Le travail législatif doit être sain (ce qu’il n’est pas toujours) et serein (ce qu’il n’est malheureusement jamais). Dans ce cadre, quelques sujets me tiendront en particulier à cœur. L’un d’entre eux est l’élaboration systématique d’une étude d’impact sérieuse et fouillée du texte proposé. Rares sont en effet les études d’impact qui, à ce stade, sont confirmées une fois un texte appliqué. Ce qui pose clairement la question de leur sérieux. Il devrait aussi y avoir une étude d’impact préalable des principaux amendements présentés dans le cadre de la procédure législative.
J’entends aussi mettre l’accent sur le respect du droit européen. Nous ne sommes pas en France les champions de l’application du droit européen, disons-le clairement. Tant à la fois pour la transposition des textes (en témoigne la consternante saga sur l’application de la directive nitrate et les multiples condamnations de notre pays par la Cour de Justice de l’Union européenne depuis 20 ans) que la conformité de nos propositions législatives avec le droit européen existant. Si nous avions un contrôle sérieux ex ante de celles-ci, nous n’aurions jamais voté l’assujettissement des revenus immobiliers des non-résidents à la CSG et à la CRDS dans le projet de loi de finances rectificative de juillet 2012. J’insisterai pour que ce type de contrôle soit mis en place et que la transposition des directives passe par une méthode législative et non plus administrative.
Seul député des Français de l’étranger au sein de la mission d’information, j’aurai à cœur de mettre l’accent sur le « benchmarking » international. La France n’est pas une île et tous les exemples étrangers de simplification législative et normative doivent être recensés, étudiés et appréciés. Je me permets ici de lancer un appel à celles et ceux qui, à l’étranger, sont intéressés par ce sujet à me faire parvenir leurs idées, expériences, contributions, réactions et propositions. Je les présenterai devant la mission. Cet échange nous sera éminemment précieux. Par ailleurs, la mission devrait pouvoir se déplacer durant les 6 mois impartis à son travail. Les pays listés sont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas. Nous tiendrons une réunion hebdomadaire à compter du 9 janvier 2014 et présenterons notre rapport au mois de juillet prochain.
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