Avec mon ami Andreas Schockenhoff, président du groupe d’amitié Allemagne-France au Bundestag, je me rendrai demain à Izieu, dans l’Ain, pour la commémoration des 70 ans de la rafle des 44 enfants juifs et des 7 adultes qui veillaient sur eux. 70 ans qu’un matin de printemps, les troupes de la Gestapo, sur l’ordre de Klaus Barbie, s’emparèrent de ces enfants pour les conduire à la mort. Ils furent d’abord retenus à la prison de Montluc à Lyon avant d’être transférés vers le camp de Drancy, puis d’entamer le chemin vers les camps de la mort au départ de la gare de Bobigny. 42 seront gazés à leur arrivée à Auschwitz-Birkenau. Le plus jeune d’entre eux avait 4 ans. Deux autres enfants furent déportés à Tallinn où ils disparaitront.
L’histoire des enfants d’Izieu me bouleverse depuis le jour où je l’ai apprise, suivant le procès Barbie dans la presse au temps de mes études. Ces enfants étaient de différentes nationalités, venant d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique et de France. Leur histoire était celle de l’Europe en feu. A Izieu, ils étaient hébergés dans la colonie fondée par Miron Zlatin et son épouse Sabine pour sauver et protéger les enfants juifs. Jusqu’en 1942, le petit village d’Izieu se trouvait dans la zone non-occupée à proximité de la Suisse, puis fut intégré à compter de novembre 1942 et jusque septembre 1943 dans la zone d’occupation italienne. C’est la disparition de la zone d’occupation italienne qui livra la colonie d’Izieu à la cruauté de Barbie et de la Gestapo.
Je me souviens encore des paroles de Sabine Zlatin lors du procès Barbie, de son émotion, de sa dignité, de sa rage, de son combat pour que chacun connaisse cette épouvantable tragédie et se souvienne. Ces paroles résonnent encore en moi. C’est à son initiative et à celle de la communauté juive de Lyon que fut fondé le Musée mémorial des enfants juifs exterminés, situé dans la maison et les dépendances ou vivaient les enfants, et inauguré par le Président François Mitterrand en avril 1994. C’est un lieu poignant, où vit la mémoire des enfants. C’est un lieu de souvenir, avec des écrits, des dessins, des photos. Un lieu qui raconte l’innocence et le bonheur. Un lieu qui bouleverse à jamais.
L’an passé, j’étais venu à Izieu à l’occasion de la journée nationale de la déportation. Je ne suis qu’un parlementaire parmi des centaines. Mais je suis celui qui compte dans sa circonscription en Europe centrale les camps d’extermination et de concentration du second conflit mondial. Comme également les lieux où furent retenus, puis assassinés des dizaines de milliers de femmes et d’hommes durant le conflit en ex-Yougoslavie. Le crime contre l’humanité n’est pas un chapitre pour de vieux livres d’histoire. Il exige un constant devoir de mémoire car le pire n’est jamais à exclure, au-delà des époques, des pays et des gouvernants. J’ai décidé de consacrer une part de mon activité à ce devoir de mémoire, à l’Assemblée nationale comme à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.
En avril dernier à Izieu, j’étais entré dans la maison avec la présidente de l’association, Hélène Waysbord. J’avais avec moi mon épouse et mon petit garçon. Nous étions seuls. Le silence m’avait bouleversé. Dedans comme dehors. Je me souviendrai toujours de ces moments, quand l’émotion submerge. Marchant seul le long du quai de Birkenau il y a deux semaines, distinguant au bout les ruines des chambres à gaz, j’avais les enfants d’Izieu avec moi. Dimanche, avec Andreas, député français et député allemand, nous représenterons nos deux assemblées. Avec émotion, solennité et espoir aussi. Nous retrouverons le Président du Parlement européen Martin Schulz et un représentant du gouvernement français, peut-être le nouveau Premier ministre Manuel Valls. Pour nous souvenir, pour rendre hommage, pour dire plus jamais cela.
Et sans doute aurons-nous au cœur quelques images, peut-être même une musique. Pour moi, ce sera « Die Kinder von Izieu », la chanson composée par le chanteur allemand Reinhard (Frederik) Mey il y a 20 ans. La voici :
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