La semaine passée, 59 députés membres du groupe d’amitié France-Allemagne, issus de tous les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale, ont écrit à la Ministre de l’Education nationale pour lui dire leur émotion et opposition à la suppression des classes bi-langues et des sections européennes à la rentrée scolaire de septembre 2016. Quelques heures après l’envoi de ce courrier, la réponse (jointe ci-dessous) de la Ministre était adressée à tous les signataires. S’il faut remercier la Ministre d’avoir réagi aussi rapidement et de proposer une rencontre d’une délégation du groupe d’amitié avec son cabinet, il est permis également de regretter que sa réponse soit, à peu d’éléments près, la même que celle qu’avaient reçu, quelques semaines plus tôt, les premiers parlementaires, dont j’étais, qui avaient fait part de leurs craintes et interrogations. Cela, malheureusement, montre que l’impasse demeure. Je le regrette beaucoup.
Tous les milieux attachés à l’apprentissage de l’allemand dans notre pays sont mobilisés depuis des semaines. La pétition lancée par l’association des professeurs d’allemand approche les 30 000 signatures. Enseignants, étudiants, parents d’élèves, animateurs et militants des comités de jumelage écrivent mails, courriers et tribunes. J’en reçois énormément. Les milieux politiques allemands s’inquiètent et le font savoir avec la prudence diplomatique que l’on peut comprendre. Faut-il considérer ce mouvement comme insignifiant, ne pas entendre les inquiétudes, les questions, le désarroi ? Faut-il le ramener à une simple réaction corporatiste, comme on me l’a opposé, impliquant subtilement, entre les lignes, que je me tromperais de combat, voire même que je serais un peu manipulé. Non, ce qui se passe est sincère, profond et lourd de sens. Il est nécessaire de vouloir l’entendre et le comprendre.
Je ne doute pas de la volonté de la Ministre d’agir pour que plus d’enfants français apprennent et maîtrisent l’allemand. Je doute par contre que la direction et les mesures proposées dans le cadre de la réforme du collège y conduisent. Il ne suffit pas, même si c’est louable, de proposer plus largement l’apprentissage de l’allemand, il faut une volonté politique de privilégier cet apprentissage. L’allemand ne peut ni ne doit être une langue parmi d’autres pour les écoliers, les collégiens, les lycéens et les étudiants de France. Elle est la langue de notre premier partenaire politique et économique, ce pays avec lequel nous avons construit, depuis janvier 1963, un projet citoyen inédit dans l’histoire. Alors que sévit chez nous un chômage de masse qui pénalise notre jeunesse, il y a en Allemagne des emplois et des carrières qui ne trouvent pas de candidats. Parler allemand ouvre déjà des opportunités et ces opportunités se feront de plus en plus nombreuses en raison de la faiblesse de la démographie outre-Rhin.
Peut-on apprendre l’allemand, entrer dans la langue et la culture, uniquement en l’étudiant en LV2 à raison de 7,5 heures hebdomadaires étalées de la 5ème à la 3ème ? Oui, mais à l’évidence moins bien que si cet apprentissage reposait sur les 16 heures hebdomadaires offertes aux collégiens qui suivent de la 6ème à la 3ème l’enseignement d’une classe bi-langue et d’une section européenne. Pour beaucoup de collégiens (et d’anciens collégiens), la passion de l’allemand est venue d’un échange scolaire. Or, je crains que l’apprentissage de l’allemand en LV2 seulement ne conduise à un recul considérable de ces échanges qui, faut-il le rappeler, dépendent de l’engagement des seuls enseignants, ces mêmes enseignants dont la Ministre annonce certes la relance du recrutement, mais que la suppression des classes bi-langues conduira à l’avenir à se partager entre plusieurs établissements, fautes d’heures de cours suffisantes.
Parlons franchement. Si l’apprentissage de l’allemand en 6ème grâce aux classes bi-langues a pu se maintenir, c’est parce que l’allemand ne s’y trouve pas en concurrence avec l’espagnol. Tel n’est pas le cas en LV2. Là où les deux langues sont proposées, c’est entre 85% et 90% des collégiens en 4ème qui choisissent l’espagnol. Pourquoi en serait-il autrement en 5ème ? L’expérimentation de l’apprentissage de la LV2 en 5ème en cours dans les académies de Toulouse et de Rennes ne montre aucun résultat inverse probant, malheureusement. Dès lors, il est permis de douter sincèrement que l’apprentissage précoce de la LV2, pendant à la suppression des classes bi-langues et des sections européennes, conduise à un progrès quant au nombre de collégiens qui apprendront l’allemand et au niveau de langue qu’ils pourront acquérir au collège. Et je ne crois pas davantage, a fortiori en l’absence du moindre chiffre, que le développement des cours d’allemand au cours préparatoire créera un flux suffisant de germanistes pour le collège.
Voilà pourquoi je pense que la Ministre de l’Education nationale se trompe. L’affaissement rapide de l’apprentissage de l’allemand en France que je redoute si les dispositions en cause de la réforme du collège étaient adoptées sans amendement est une perspective redoutable et inacceptable. Je ne saurais m’y résoudre, pas seulement parce que l’Allemagne et l’allemand font depuis toujours partie de ma vie, vie professionnelle hier, vie parlementaire aujourd’hui, mais parce que je ne peux imaginer d’avenir pour notre pays et sa jeunesse sans ce lien particulier avec l’Allemagne. Voilà pourquoi je fais mien, avec tant d’autres, ce combat pour l’apprentissage privilégié de la langue allemande en France. Voilà pourquoi j’attends de la Ministre et du gouvernement qu’ils entendent enfin tous les acteurs de cette mobilisation.
réponse de la ministre au Groupe d’Amitié
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