J’ai participé hier soir à Bonn à l’inauguration de la médiathèque de l’Institut français. Il y avait du monde, il y avait de la musique, il y avait surtout beaucoup de bonheur. Car voilà plus de 6 années que ce premier étage de l’Institut n’avait plus vu de visiteur. Les lieux étaient fermés, cachés même par de grandes toiles sombres. La bibliothèque n’existait plus et ses quelque 15 000 ouvrages étaient destinés au pilon. Voilà la réalité que je découvris un jour de décembre 2012 quand, de retour d’une visite au Maire de Bonn Jürgen Nimpsch, je fis une halte à l’Institut pour saluer sa nouvelle directrice Françoise Rétif, qui venait d’arriver de l’Université de Rouen. Sur le chemin du bureau de Madame Rétif se trouvait la bibliothèque, que je demandai à voir. Il y avait encore des ouvrages sur les étagères, mais la plupart se trouvaient déjà dans des cartons, promis à une destruction prochaine. Je me souviens de la pénombre dans la bibliothèque, du désordre des cartons empilés, de l’odeur de poussière et de vieux livres mêlés. J’en feuilletai quelques-uns qui n’avaient à l’évidence jamais été lus. D’autres avaient à l’inverse beaucoup vécu et portaient même, pour certains d’entre eux, le bouleversant cachet d’un stalag.
Comment peut-on en arriver à décider de la fermeture d’une bibliothèque et à donner l’ordre fou d’en détruire les ouvrages ? Pareille situation défie l’entendement. Un livre n’est pas n’importe quelle marchandise. Il porte un message, une histoire. Neuf ou vieux, il est destiné au partage. Je comprends que l’on puisse vouloir moderniser un fond de bibliothèque, voire la transformer en médiathèque. Mais pas au prix de la fermeture de celle-ci et de la disparition de ces ouvrages acquis par milliers au long de décennies ! Si un livre ne plait plus, il peut être donné, il doit être transmis. Un livre peut toujours avoir une autre vie. Au milieu des cartons, je fis une proposition à Madame Rétif : en retour de la promesse de ne détruire aucun livre, je vous donne sur ma réserve parlementaire les fonds nécessaires à la construction de la médiathèque. Ce fut notre « deal », approuvé par le Directeur de l’Institut français d’Allemagne Emmanuel Suard et l’Ambassadeur de France de l’époque Maurice Gourdault-Montagne. Et les travaux purent commencer, après l’envoi de milliers de livres sauvés vers le Collège international français de Sarajevo, où ils font aujourd’hui le bonheur de nombreux petits lecteurs.
C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai raconté cette histoire hier aux amis français et allemands, rassemblés à l’Institut autour de Madame Rétif et de son équipe. L’Ambassadeur de France Philippe Etienne était présent, de même que le nouveau Maire de la ville Ashok-Alexander Sridharan et le Recteur de l’Université de Bonn Michael Hoch. La relation franco-allemande repose fondamentalement sur l’échange culturel. Nos instituts en Allemagne sont des trésors. Ils doivent être défendus et soutenus. C’est pour cette raison que, depuis mon élection, j’ai fait de l’accès à la culture la base de mes décisions d’allocation de réserve parlementaire. Je soutiens chaque année quelques grands projets, fortement. A Bonn, j’ai mis sur la table 40 000 Euros. A Düsseldorf, ce sont 35 000 Euros que j’ai consacrés à l’achat d’un bibliobus sillonnant chaque semaine les routes de Rhénanie du Nord – Westphalie, chargé de centaines de livres. J’ai aidé aussi d’autres Instituts en AIlemagne, en Europe centrale et dans les Balkans. Il ne s’agit pas de saupoudrer, il s’agit de rendre un projet possible. La réserve parlementaire, pour moi, c’est cela.
Je me souviens des bibliothèques publiques de mon enfance, de ce silence qui en imposait, de l’odeur douce des vieux livres, de la passion des bénévoles qui les faisaient vivre. J’en garde un souvenir émerveillé. Chaque bibliothèque, petite ou grande, continue de me toucher. J’ai envie qu’elles durent, qu’elles se développent, qu’elles rassemblent tous ceux qui, à l’étranger, ont la France, la francophonie, notre culture au cœur. Il y a tant de gens pour qui un livre, un CD, un DVD reste toujours un luxe. L’accès à la culture n’est pas seulement affaire d’achat, il est d’abord affaire d’échange, de prêt. La culture, c’est aussi débattre des livres aimés. C’est accueillir les plus jeunes au coin des tous petits. Tout cela, Bonn l’offrira désormais. Je suis heureux d’avoir apporté ma pierre de parlementaire à cet édifice. Le bonheur de lire, l’esprit critique, en un mot la liberté méritent tous les engagements passionnés, les plus fous, les plus incertains et certainement les plus vrais. Vive les livres !
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