Avec mon collègue et ami Andreas Jung, Président du groupe d’amitié Allemagne-France au Bundestag, j’ai co-signé ce week-end une tribune consacrée aux 100 ans de la bataille de Verdun et à la force du projet européen. Cette tribune a été publiée en allemand dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung et en français dans Ouest-France le samedi 28 mai. Vous en trouverez les versions allemande et française en pièce jointe. Andreas et moi nous étions également donnés rendez-vous à Verdun hier pour la commémoration organisée par la Mission du centenaire de la Guerre de 1914-1918, en présence du Président François Hollande et de la Chancelière Angela Merkel. Un moment fort et émouvant, plus de 30 ans après le geste historique du Président Mitterrand et du Chancelier Kohl dans le même lieu. A l’époque, il restait encore des témoins vivants de l’horreur que fut cette bataille, avec plus de 300.000 morts de part et d’autre en 10 mois de combat. Aujourd’hui, tous ces témoins sont partis, nous laissant leurs écrits, leurs paroles, leurs photographies et plus que tout leur bouleversante douleur, partagée des deux côtés de la ligne de front.
Je m’étais rendu à Verdun une première fois en 1992. Jamais je n’aurais imaginé y revenir comme parlementaire et président du groupe d’amitié France-Allemagne à l’Assemblée nationale près d’un quart de siècle plus tard. C’était au printemps, sous le même ciel incertain qu’hier. Je me souviens de ces sous-bois que je découvrais avec émotion, distinguant sous les feuilles le relief sculpté par le déluge de feu et d’acier. Il n’y avait plus un arbre à Verdun en 1916. C’est devenu une forêt un siècle plus tard. Le silence a succédé pour l’éternité au vacarme des obus, des bombes et des cris. L’endroit m’avait bouleversé. Il m’avait ramené aussi vers des souvenirs personnels que je croyais enfouis. Je m’étais revu, enfant, échanger avec le voisin de ma grand-mère, dans notre petit village finistérien. Il parlait peu. Il avait une moustache broussailleuse, comme sur les photos d’époque. De Verdun, il était revenu avec une jambe en moins. Ils étaient quelques-uns comme lui à avoir retrouvé leur village, meurtris pour la vie. Les noms de leurs amis figuraient au monument aux morts. C’est pour lui, pour eux que je ne ressentirai jamais Verdun comme une histoire lointaine.
Hier, à Verdun, j’avais emmené mes enfants. Ils sont trop jeunes pour comprendre ce qui s’y est passé. Dans quelques années cependant, ils verront ces photographies prises durant la cérémonie, sur les lieux du champ de bataille, la France et l’Allemagne ensemble, Nations réconciliées, avec ces milliers de jeunes Français et Allemands, parmi lesquels ma sœur, leur tante, et ses élèves du Collège Anne-Frank de Plescop (Morbihan), réunis par l’émouvante chorégraphie de Volker Schlöndorff. Ils auront à cœur, je l’espère, de continuer à faire vivre le projet européen. Car l’Europe est la réponse à la barbarie nationaliste et à la folie humaine. N’en déplaise à ceux qui, sitôt sortis hier du champ des caméras dans lequel ils s’étaient installés, se sont empressés de dénoncer la « camelote européiste » et le « jogging au milieu des tombes ». Honte à vous, Monsieur Philippot ! Il y a des mots qui blessent, des mots de trop. Les leçons de Verdun, les leçons de la souffrance et de la mort, c’est la paix, c’est la réconciliation franco-allemande, c’est l’Europe ! Construisons pour nos enfants un monde uni et divers, loin de tous les nationalismes et de toutes les haines. Nous le devons à toutes les victimes de Verdun.
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