Le vélo a toujours fait partie de ma vie. Depuis les petites roues de mon enfance dans la cour de l’école Ferdinand-Buisson à Quimper jusqu’au VTT que je pratique aujourd’hui, j’ai toujours eu une bicyclette à proximité. La Bretagne est une terre de vélo et j’ai grandi dans la légende des grands champions et des plus belles épopées. Petit, je lisais avec émotion les revues jaunies conservées par mon père au fond d’une malle, qui racontaient les exploits de Coppi, Bobet, Robic, Kubler, Koblet ou Bartali. Le pic de mon année était le traditionnel Circuit de l’Aulne à Châteaulin, où se donnaient rendez-vous à la fin de l’été les héros du Tour de France que nous avions suivi en juillet, pour le plus grand bonheur de dizaines de milliers de spectateurs, parmi lesquels mon père, ma mère, ma sœur et moi. Voir passer Merckx, Thévenet, Ocana, Poulidor et Hinault sur les bords de l’Aulne était comme vivre un rêve éveillé. La cinquantaine passée, je vénère toujours les champions. On ne se refait pas. Le vélo donne du bonheur. Il est aussi une formidable école de vie.
En juillet 2014, j’avais reçu à ma permanence à Cologne une très belle lettre d’un compatriote du Finistère, Yves Favé. Fanch Favé, son papa, avait été l’un des meilleurs coureurs cyclistes français de l’entre-deux guerres, tant sur la route que sur la piste. A Brest, sur le vélodrome de Kerabécam, il était une idole. A sa lettre, Yves Favé avait joint un exemplaire du livre de souvenirs qu’il venait de consacrer à son père. Je m’étais empressé de le lire. Pourquoi Yves Favé m’écrivait-il, ignorant alors qu’il toucherait la corde sensible d’un Finistérien d’enfance et d’un fou de vélo ? Parce que, préparant son livre sur Fanch Favé, il avait découvert l’histoire d’Albert Richter, un prodigieux coureur allemand, champion du monde de vitesse amateur, que son père avait côtoyé dans les courses et que la Gestapo assassina en 1940. Albert Richter était un opposant au régime hitlérien, refusant de se séparer de son entraineur juif et d’exécuter le salut nazi. C’est à Cologne qu’Albert Richter fut enterré et la piste du vélodrome de la ville porte aujourd’hui son nom.
Comprenant que ma permanence de député se trouvait à Cologne, Yves Favé souhaitait partager avec moi le projet qu’il nourrissait secrètement depuis l’écriture de son livre : jumeler symboliquement le vélodrome Fanch-Favé de Lesneven, tout près de Brest, là où vécut et est enterré son père, et le vélodrome Albert-Richter de Cologne. L’idée était belle politiquement et elle était aussi jouable au plan sportif. Derrière le lien à établir entre un petit vélodrome breton et l’un des plus beaux anneaux européens, c’était en effet la relation entre les jeunes cyclistes des deux pays que l’on construirait. Sans tarder, durant l’été 2014, j’adressai un courrier au Maire de Cologne, Jürgen Roters, en soutien au projet d’Yves Favé. La réponse, positive, du Maire ne tarda pas, enthousiasmant Yves et ses amis, de Brest à Lesneven. Dès lors, l’histoire était en marche et nous pouvions, au contact de la Mairie de Cologne, nous atteler à la préparation de la première venue des jeunes cyclistes finistériens et d’Yves Favé. Une date fut retenue : le 1er juillet 2016.
C’est avec émotion, le grand jour venu, que j’ai retrouvé Yves Favé à Cologne. A la Mairie, Yves, les jeunes cyclistes venus avec lui de Bretagne et deux représentants de l’association de gestion du vélodrome de Brest-Ponant-Iroise ont été accueillis par le Maire d’arrondissement de Cologne-Innenstadt, Andreas Hupke, et par le Directeur du cyclisme de la ville, Werner Schleicher. Deux nièces d’Albert Richter étaient présentes également. Nous nous sommes rendus ensuite au cimetière Melaten pour fleurir la tombe d’Albert Richter, en présence de la journaliste Renate Franz, biographe du champion allemand. Avec Werner Schleicher, nous avons visité le vélodrome Albert-Richter, puis déjeuné à la Sporthochschule de Cologne. Après un passage par la Heinrich-Böll-Gesamtschule, les jeunes cyclistes français et allemands ont achevé la journée par une randonnée d’une soixantaine de kilomètres autour de la ville avant, le lendemain, en compagnie de Werner Schleicher de rouler sur la piste du vélodrome Albert-Richter.
Ce sont la fidélité, l’enthousiasme et la passion qui ont permis à ce projet de voir le jour. L’an prochain, ce sera le tour de jeunes cyclistes allemands de se rendre dans le Finistère. Je me réjouis de voir ce lien créé. La rencontre de la jeunesse autour du sport, dans le souvenir de deux champions disparus, est un beau symbole. Je veux croire également que ces échanges seront déterminants pour soutenir les efforts consentis en France et plus encore en Bretagne pour relancer la piste, une discipline du sport cycliste moins valorisée qu’elle ne l’est en Allemagne. Notre culture des « six-jours » s’est éloignée, malheureusement, et le lien avec nos amis allemands doit être l’occasion pour tous ceux qui ont la piste à cœur de puiser dans le retour d’expérience outre-Rhin les bases d’un renouveau des vélodromes chez nous. Parrain de cette belle histoire, je veillerai avec Yves Favé que le jumelage symbolique de l’anneau de Cologne avec celui de Lesneven soit une aventure qui aille loin, unisse les passions et célèbre, sur la selle, l’amitié entre les jeunesses française et allemande.
Merci aux organisateurs et aux jeunes cyclistes allemands : Werner Schleicher, Ralf Kugel, Simon Esser, Laura Funck, Sebastian Herman, Birte Hund, Thomas Müller, Marcel Ratai, Kilian Riebeling et Martin Zielinski.
Enfin, merci aux jeunes cyclistes finistériens : Joey Demousseaux, Yohann Lebris, Yohann Placier du Véloclub de Plouzané, Titouan Le Grand du Brest Iroise Cyclisme 2000 et Antoine Abgrall du Véloclub Lesneven ainsi qu’à Christine Gourmelon et Hervé Guillaouic, venus du Finistère avec Yves Favé. Merci aussi à notre compatriote Aymeric Fouquez, de Cologne, présent sur le vélo à leurs côtés tout au long de leur séjour au bord du Rhin.
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