J’ai participé hier à Versailles à la réunion exceptionnelle du Congrès, organisée à la suite des attentats terribles du 13 novembre. Il y avait un mélange de solennité, d’émotion et de recueillement dans le grand Hémicycle du château, là où les deux chambres ne se réunissent que rarement, pour voter d’éventuelles modifications de la Constitution. La représentation nationale, à l’instar du pays tout entier, a vécu les attentats de vendredi comme une attaque intolérable à l’égard de la démocratie, de la paix, de notre art de vivre en liberté. C’est un acte de guerre qui a été perpétré sur le sol de la République dans le but de tuer le plus possible et de provoquer ainsi la terreur. Des assassins s’en sont lâchement pris à des centaines de personnes innocentes, fauchant la jeunesse et semant la mort. Alors que des centaines de familles sont dans le chagrin et la France entière en deuil, il appartenait aux députés et sénateurs de se réunir en urgence et d’entendre le Président de la République, dans un souci d’union nationale et d’efficacité quant aux actions à entreprendre pour protéger les Français et vaincre le terrorisme.
Des annonces faites par le Président, je retiens d’abord le théâtre extérieur. La France recherchera les moyens d’un rassemblement large pour éradiquer Daech. Cela requiert un travail dans les meilleurs délais au Conseil de sécurité des Nations unies comme au contact de nos alliés et partenaires. Il est clair que l’ennemi en Syrie est Daech, sans toutefois que Bachar al-Assad ne puisse se prévaloir de la situation pour faire oublier ses crimes passés, qui le rendent passible de la Cour pénale internationale. Nos frappes sur les cibles de Daech seront accentuées dans les prochains jours et notre capacité d’action sera triplée lorsque le porte-avion Charles de Gaulle arrivera sur zone dans l’est de la Méditerranée. L’Union européenne devra jouer tout son rôle. La France demandera aux Etats membres aide et assistance au regard des circonstances. De même, des contrôles coordonnés et systématiques aux frontières externes et internes de l’Union devront être mis en place. La lutte contre le trafic d’armes devra être renforcée par l’adoption urgente de mesures européennes en ce sens.
Au plan intérieur, le Parlement sera saisi dès demain mercredi d’un projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour 3 mois. Nous le voterons à l’Assemblée nationale le 25 novembre. La persistance du péril terroriste exige cette mesure exceptionnelle, que je soutiendrai. Nous serons saisis par ailleurs d’un projet de révision de la Constitution permettant de créer un régime d’état de crise. Certains collègues doutent de son utilité, estimant que la Constitution offre toutes les armes nécessaires pour faire face à la situation que nous traversons. Tel n’est pas mon avis. Je pense nécessaire de définir un régime qui permette d’appréhender plus directement la menace terroriste et ses caractéristiques, tout en veillant à ne pas restreindre plus que nécessaire les libertés publiques. Je voterai ce texte. Je suis moins convaincu en revanche par une mesure annoncée : la déchéance de nationalité française d’une personne née en France, dès lors qu’elle dispose d’une autre nationalité, et qu’elle a bien sûr été condamnée pour des faits de terrorisme ou pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. Cette mesure révèle une perception regrettable de la bi-nationalité. Elle me semble aussi devoir se heurter à plusieurs limites en droit européen.
J’attends que le cadre législatif que nous poserons en réponse aux circonstances soit juste, efficace et proportionné. Je n’ai aucune empathie que ce soit à l’égard des assassins. Je ne suis pas davantage prêt à leur reconnaître la moindre indulgence ou circonstance atténuante. Je ne vois aucune difficulté à créer une procédure de contrôle draconien des retours en France des personnes impliquées dans des actes terroristes et de guerre. Il est clair que la France doit pouvoir expulser en urgence les étrangers qui représentent une menace pour la sécurité de notre pays. Il est clair tout autant que la dissolution des associations ou groupement de fait appelant à la haine ou soutenant le terrorisme doit être facilitée et accélérée. Si je ne partage pas l’idée suggérée par certains collègues d’enfermer préventivement les quelque 4 000 personnes fichées « S » en raison de leur radicalisation religieuse, j’entends défendre l’obligation de renforcer leur surveillance. Et je trouve bienvenue l’annonce du Président de la République de faire examiner par le Conseil d’Etat l’ensemble des propositions issues de l’opposition. Je suis prêt à soutenir celles qui seront efficaces et proportionnées dans le respect des libertés fondamentales. L’union nationale le requiert.
Enfin, je me félicite des annonces faites quant à l’augmentation des moyens et effectifs dont disposent la justice et nos forces de sécurité. 5 000 emplois supplémentaires seront ainsi créés d’ici 2 ans dans la police et la gendarmerie. Ils seront affectés aux services de lutte contre le terrorisme, à la police aux frontières et à la sécurité générale du pays. 2 500 postes supplémentaires seront créés pour la justice, visant à la fois l’administration pénitentiaire et les services judiciaires. 1 000 emplois seront créés pour l’administration des douanes. Aucune diminution d’effectifs n’interviendra au Ministère de la Défense d’ici à 2019 et la priorité des affectations visera les unités opérationnelles, en particulier la cyberdéfense et le renseignement. Ces efforts étaient nécessaires pour renforcer des services particulièrement exposés et rassurer nos compatriotes sur la capacité de l’Etat à les protéger et à se défendre. Je les soutiendrai.
J’ai quitté le Congrès à l’issue des débats ému et rasséréné. La France traverse un moment d’une rare gravité, qui marquera nos vies et nos mémoires. La République doit y répondre et le Parlement prendre sa pleine part de l’effort, en hissant le débat à la hauteur de l’enjeu. Ce qui compte, c’est le rassemblement, l’efficacité, le mot juste. Les Français l’attendent plus que jamais de nous, parlementaires. J’ai apprécié l’intervention du président du groupe socialiste du Sénat, rappelant à la tribune que si la France est en guerre contre le fondamentalisme islamiste, elle ne l’est en aucune manière contre l’islam. L’islam est une religion de paix, une religion de France. Les Français de confession musulmane, comme les Français d’autres confessions ou sans confession, ont vécu cruellement dans leur âme ce qui s’est passé à Paris le 13 novembre. Ne stigmatisons personne. La France unie est à ce prix. La noblesse du message de notre pays aussi.
Pour reprendre les mots de Bernard Cazeneuve hier matin au Ministère de l’Intérieur, les terroristes ne détruiront pas la République, c’est la République qui les détruira.
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