Depuis bientôt une semaine, le débat politique national tourne autour des Gaulois, ces lointains et uniques ancêtres envers lesquels tout Français devrait obligatoirement s’identifier, faute sans doute – dans l’esprit de Nicolas Sarkozy – d’être reconnu comme membre à part entière de la communauté nationale. Disons-le tout de go : c’est le degré zéro de la responsabilité politique, a fortiori pour un ancien Président de la République, qui aspire en outre à le redevenir. Nicolas Sarkozy n’a pas changé. Cliver, exclure, dresser les Français les uns contre les autres, c’est sa nature, c’est sa méthode. Tout cela est aux antipodes de ce dont a plus que jamais besoin la France : le rassemblement. Une élection ne se gagne pas en stigmatisant des compatriotes sous couvert d’origines et de religion, pas davantage qu’un pays ne se gouverne ainsi. En clair, la xénophobie et l’islamophobie ne feront pas la prochaine élection présidentielle ni le quinquennat à venir. Ce n’est pas en empruntant les idées de Marine Le Pen que l’on vaincra le Front national. C’est au contraire en étant solide, précis et loyal à l’égard des valeurs de la République et de l’Etat de droit.
Remettre en cause le droit du sol, c’est violer ces valeurs. Tous les jeunes nés en France de parents étrangers devraient désormais, selon Nicolas Sarkozy, apporter la preuve de la régularité du séjour de leurs parents entre 13 et 18 années plus tôt pour pouvoir devenir français. Que se passera-t-il lorsque les papiers requis, par définition caduques, auront disparu lors de leurs renouvellements successifs ou si les parents sont décédés ou repartis à l’étranger ? Ces jeunes n’auront pas le droit à la nationalité française. Ils vivront comme une humiliation et un rejet le traitement qui leur sera infligé par le pays de leur enfance, au motif d’origines … peu gauloises. Comme citoyen, comme père, comme parlementaire, je ne peux m’empêcher de ressentir honte et dégoût devant pareille perspective, nourrie de xénophobie galopante. Quant à l’idée qu’elle contribuerait à lutter contre le terrorisme, qui peut objectivement y donner crédit ? A l’inverse, j’ai la conviction que l’exclusion ainsi décidée nourrirait toutes les dérives et les radicalités. Là où il y a déjà tant à faire pour débusquer les inégalités et les combattre, la loi viendrait en imposer une de plus.
Pas de Calais-bis en France, dit ensuite Laurent Wauquiez, inondant les réseaux sociaux d’une pétition visant à mettre en échec le plan Cazeneuve de démantèlement de la jungle de Calais et de redéploiement sur notre territoire de ces femmes, hommes et enfants qui, éligibles au droit d’asile, vivent parfois depuis des années dans des conditions innommables de promiscuité, d’insalubrité et de danger. Les chasser de Calais et ne les accueillir nulle part ailleurs, n’est-ce pas les renvoyer vers le pire, Monsieur Wauquiez ? Ainsi donc, là où l’Allemagne a accueilli l’an passé plus de 1.3 million de personnes persécutées, fuyant la guerre et la mort, la France, pays de 65 millions de personnes, berceau de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, se refuserait à tout effort pour quelques dizaines de milliers de réfugiés ? Mais où va-t-on à ce rythme d’égoïsme, le cœur sec et le verbe haut ? Le droit d’asile ne se mégote pas. Il ne peut être soumis à aucune autre condition que celles fixées par le droit international. La politique migratoire de la France est maîtrisée. Laisser imaginer l’inverse et proposer dans la foulée la suspension du regroupement familial est honteux.
Vient enfin la proposition de mise en rétention de tous les « fichés S », à savoir des milliers de personnes en France. Sur la base de quoi ? Du seul soupçon, sans preuve, sans la moindre décision de justice. Comment ne pas voir qu’un tel projet met à mal les fondements mêmes de la République, ses valeurs, la morale et bien sûr l’Etat de droit ? Dans notre pays, la privation de liberté procède uniquement de la décision du juge judiciaire et c’est heureux. Que l’exécutif prive de liberté et c’en serait fini de la séparation des pouvoirs, donc de l’Etat de droit. Enfermer les gens au nom d’un bien étrange principe de précaution ne garantirait au demeurant aucunement une meilleure protection contre le terrorisme. Ce n’est pas une version française du Patriot Act qui protégerait utilement notre pays, encore moins un Guantanamo à la française. C’est dans l’Etat de droit que l’on vaincra le terrorisme, en particulier par l’action des services de renseignement et des forces de l’ordre. Je salue l’engagement du gouvernement, qui s’attaque à la lutte contre la radicalisation en prison et met en place un bureau du renseignement pénitentiaire.
La lutte contre la xénophobie et l’islamophobie rassemble, j’en suis certain, une belle majorité de républicains. La défense de l’Etat de droit aussi. Unissons-nous ! L’avenir ne peut ni ne doit s’inscrire dans le recul de nos libertés et nos principes. Depuis quelques années, je sens venir à l’Assemblée nationale un débat redoutable sur la pertinence de la justice européenne, en particulier en matière de droits de l’homme, au point que certains, à droite, caressent la perspective (ou l’espoir) de voir notre pays, à l’issue d’une alternance, dénoncer la Convention européenne des droits de l’homme (lire ici). Ce serait tragique. Loin d’être plus protégés, nous le serions moins, tant à la fois du terrorisme que de l’arbitraire. Ne laissons pas la démagogie électorale, l’exclusion, le discours de haine envahir le débat public et berner les Français. Le combat des droits, de l’intégration et de la sécurité, c’est tous les jours qu’il faut le mener. Dans la clarté, le courage et la fidélité à ce qui a fait de la France depuis deux siècles une Nation pionnière pour l’Etat de droit.
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