Chaque jour de cet été qui s’achève aura été marqué par les images bouleversantes de l’afflux vers l’Europe d’hommes, de femmes et d’enfants, fuyant leurs pays en guerre, la barbarie et le dénuement le plus extrême. Trains bondés, familles errant le long des routes ou des voies de chemin de fer, comment ne pas penser un instant aux souvenirs les plus tragiques du siècle passé et ne pas attendre dès lors de l’Europe qu’elle agisse urgemment, sans compter ni mégoter, au nom même de ses valeurs humanistes et de son projet de civilisation ? Ce qui se joue en ce moment n’est pas une crise ponctuelle, mais au contraire un drame d’une ampleur inégalée, dont personne ne sait combien d’années il durera. Il est certainement le plus grand défi que l’Europe ait jamais eu à affronter. En a-t-elle pleinement conscience ? Et saura-t-elle y répondre ?
La seule réponse qui vaille est la solidarité. Il n’en existe aucune autre, sauf à ce que l’Europe cesse d’être l’Europe en affichant, ici et là, égoïsmes nationaux, calculs électoraux, voire xénophobie à peine dissimulée. Les barbelés, les murs érigés à la hâte, le rejet des réfugiés musulmans, la violence verbale et parfois même physique sont indignes et font honte à notre continent. Les silences prolongés, quelque part, aussi. La peur est mauvaise conseillère. Il n’est pas interdit d’avoir du courage et des convictions, de les affirmer et d’affronter ainsi par les actes ce que nous appelons en France la « lepénisation des esprits ». Mieux vaut perdre les élections que perdre son âme, disait-on chez nous dans les années 1980. Cela n’a jamais été aussi vrai. Car il y a le feu. Merci à la Chancelière Angela Merkel pour ses propos de la semaine passée, appelant l’Europe au sursaut et condamnant le chacun-pour-soi et le langage de haine.
Que faire ? Aider au plus vite ceux des pays proches de l’Union qui accueillent à ce jour la plupart des réfugiés en partance pour l’Europe, à commencer par la Turquie, le Liban et la Jordanie. C’est ce que l’Union aurait dû faire il y a quelques mois déjà. De même, la Grèce, l’Italie et la Hongrie, aux frontières extérieures de l’Union et de l’espace Schengen doivent recevoir en urgence le soutien financier nécessaire pour mettre en place les centres d’accueil qui font aujourd’hui cruellement défaut. Sans cela, c’est Schengen qui sombrera, sonnant le glas d’un des plus grands acquis de l’Union européenne. Sans doute est-ce d’ailleurs pour cette raison que les ennemis de toujours de l’Europe appellent bruyamment à rompre avec la libre circulation des personnes. Il est consternant que certains à droite, en France et ailleurs, surfent sur cette vague par tactique, préférant la posture au courage et à l’action.
Une politique européenne de l’asile est requise, permettant de distinguer ceux qui fuient pour protéger leur vie et celle des leurs et ceux qui recherchent un meilleur avenir économique. Il faut pouvoir travailler sur la base d’une liste européenne de pays « sûrs », dont les ressortissants, issus notamment des Balkans, ne seraient pas éligibles au droit d’asile comme devraient l’être celles et ceux qui arrivent de Syrie, d’Afghanistan ou d’Irak. Enfin, la question de la répartition équitable des réfugiés entre Etats de l’Union devra être tranchée. Il faut déplorer que les propositions de la Commission européenne du printemps dernier aient été balayées par les Etats membres sans réel débat. Mettre de côté les institutions européennes parce qu’elles posaient courageusement les questions qui dérangeaient n’était ni inspiré, ni clairvoyant. Cela aussi doit changer.
J’ai demandé dans le courant du mois d’août – et j’imagine ne pas être le seul député dans ce cas – que la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, voire l’Assemblée dans son ensemble débatte très rapidement de cette crise et des moyens d’y répondre. Je souhaite également que l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, qui se réunira fin septembre à Strasbourg et où siègent notamment 12 députés turcs, en fasse de même. Les Parlements, nationaux comme internationaux, ne peuvent pas rester en retrait face au drame qui se joue. Leur voix doit être entendue et leurs initiatives affirmées. L’Europe est un supplément d’âme. Elle doit aujourd’hui en apporter la preuve pour sauver des vies par centaines de milliers, voire par millions et construire ainsi l’avenir partagé de notre continent.
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