J’ai effectué un déplacement en Macédoine du 31 mars au 2 avril. Mon dernier voyage dans le pays datait du mois de juin 2014 (lire ici), en pleine crise politique consécutive aux élections législatives d’avril 2014, qui avaient vu la réélection de la majorité nationaliste du Premier ministre Nikola Gruevski (VMRO) et le refus de l’opposition social-démocrate (SDSM) de reconnaître le résultat d’un scrutin qu’elle jugeait insincère. Deux semaines plus tard, depuis Strasbourg, j’étais intervenu dans un débat à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) consacré à la Macédoine, soulignant les difficultés du pays en matière de libertés et d’Etat de droit et la responsabilité du gouvernement Grueski dans ce contexte (lire ici). Cette crise de 2014 aura été profonde, s’étendant sur plus d’une année jusqu’à l’accord de Przino du 15 juillet 2015. Signé par les 4 principaux partis politiques de Macédoine, il prévoit l’organisation de nouvelles élections législatives en 2016, le retour au Parlement des 34 députés de l’opposition social-démocrate, la constitution d’un gouvernement transitoire de coalition et une série de réformes structurelles sur l’Etat de droit, l’indépendance de la justice et de l’administration. En application de cet accord, Nikola Grueski a quitté le pouvoir en janvier dernier, remplacé par un Premier ministre de transition, Emil Dimitriev. Les élections législatives auront lieu le 5 juin prochain, en présence de très nombreux observateurs internationaux.
Ces élections marqueront-elles un nouveau départ pour la Macédoine ? Il est malheureusement permis d’en douter. A Skopje, j’ai pu échanger avec le leader de l’opposition Zoran Zaev et la vice-présidente du SDSM Radmila Sekerinska, de même qu’avec plusieurs ONG macédoniennes actives dans le domaine des droits et libertés, notamment le Helsinki Committee et Metamorphosis. Au regard des informations qui ont été portées à mon attention, je m’inquiète que le rendez-vous électoral du 5 juin puisse révéler, en raison des incertitudes et difficultés d’organisation qui demeurent, les mêmes carences qu’en avril 2014. Or, il importe que l’élection soit irréprochable pour en assurer l’acceptabilité. Une commission nationale est au travail pour toiletter la liste électorale. L’inscription d’environ 300.000 électeurs sur une liste en comptant près de 2 millions au total soulèverait des interrogations. A titre d’exemple, quelque 45.000 foyers auraient plus de 20 électeurs inscrits à la même adresse… D’autres éléments d’inquiétude résident dans l’intimidation récurrente des électeurs, à commencer par les fonctionnaires, et l’absence de réforme des médias, contrôlés par le gouvernement. Il est regrettable que la réforme des médias n’ait pas été conduite, faute de temps. Le financement des médias par le gouvernement, le fonctionnement de la télévision nationale et la pénalisation de la diffamation sont des sujets auxquels il est urgent que la Macédoine s’attaque.
Au-delà de ces incertitudes, la Macédoine a également été exposée depuis 2015 à la crise des réfugiés. Le pays se trouve en effet sur la route des Balkans, empruntée par les réfugiés quittant la Grèce pour remonter vers la Serbie et le nord de l’Europe. Je me suis rendu au centre d’accueil de Tabanovce. Plus de 1.000 réfugiés, majoritairement des femmes et des enfants, s’y massent dans le chaos et le dénuement. Ce centre, qui n’assurait initialement que le transit vers la Serbie, compte seulement 600 places. J’ai pu m’entretenir avec sa direction macédonienne, le HCR, les ONG présentes (Save the Children, Solidarités International, Secours islamique et Legis) ainsi que des réfugiés afghans et irakiens. La nourriture manque et les conditions d’hygiène sont très préoccupantes. Depuis Skopje, j’ai alerté en urgence le gouvernement français sur la situation des quelque 60.000 réfugiés bloqués entre la Grèce et la Slovénie depuis l’annonce de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. Ces personnes étaient déjà arrivées en Grèce à l’annonce de l’accord et avaient, pour une partie d’entre elles, entamé le chemin vers le nord de l’Europe. La fermeture des frontières les a prises de court et les laisse aujourd’hui dans la plus grande détresse. Des troubles sont à craindre si les autorités macédoniennes confirmaient leur volonté de reconduire tout le monde en Grèce, les réfugiés risquant d’y opposer la force ou des gestes désespérés. Le flux de réfugiés vers la Grèce ayant pris fin, il serait juste de permettre à ces 60.000 personnes de poursuivre, si elles le souhaitent, le chemin vers le nord, notamment pour le regroupement familial.
Près de 250 Français vivent en Macédoine, principalement à Skopje. Notre communauté croît d’environ 10% tous les ans. J’ai tenu une permanence à l’Ambassade de France et une autre le lendemain à Bitola, dans le sud du pays. Une réception organisée par l’Ambassadrice Laurence Auer m’a permis également de rencontrer nombre de compatriotes ainsi que notre communauté d’affaires en Macédoine. J’ai visité l’Ecole française internationale de Skopje (EFIS), qui compte aujourd’hui 55 élèves. L’EFIS est une école privée qui, par une convention, a délégué sa gestion pédagogique à la Mission Laïque Française. L’homologation de l’école maternelle a été obtenue en 2015. Beaucoup de changements et de progrès ont été introduits depuis la reprise de l’école par son président, Jean-François Le Roch, en 2014 et l’arrivée du directeur Sébastien Chevallet. L’EFIS offre un cadre protecteur et bienveillant aux enfants, de même qu’un enseignement trilingue (français, macédonien, anglais). Les coûts de scolarité sont une préoccupation pour certains parents d’élèves, qui s’en sont ouvert à moi. Le développement de l’EFIS est essentiel pour la présence française en Macédoine. A terme, des classes devront pouvoir être mises en place au niveau du collège pour assurer la continuité des cohortes d’élèves actuellement en maternelle et en élémentaire. A ce stade, le concours du Centre national d’études à distance (CNED) est nécessaire à compter de la 6ème.
Lors de ma visite en juin 2014, le temps m’avait manqué pour me rendre à Bitola. J’y ai rencontré notre communauté après avoir déposé une gerbe au cimetière français. Ce cimetière est la plus grande nécropole française à l’étranger. L’on y compte 6.300 sépultures. Les ossements de quelque 7.000 autres soldats sont regroupés dans l’ossuaire. Ces compatriotes, de l’hexagone comme de nos lointaines colonies, combattaient sur le Front d’orient. 70.000 des 350.000 soldats français qui y furent engagés n’en sont jamais revenus. Bitola, mosaïque de population, ville marchande et de diplomates, fut le théâtre des plus âpres combats. La France a prévu un million d’Euros de travaux pour rénover le cimetière et réaliser, sous la supervision du Mémorial de Caen et de l’Ambassade de France en Macédoine, un espace muséal qui rende hommage aux poilus français. Cet espace, en cours de construction, représentera les hommes et femmes qui ont vécu ces années terribles : soldats alliés, ennemis, contingents des colonies, populations locales, personnel médical. J’ai été touché par ce moment passé à Bitola. Fils d’une pupille de la Nation, mon histoire est celle d’une famille qui, comme des millions d’autres, a connu le prix du sacrifice. L’expression « Mort pour la France » fait partie de ma vie. C’est cet attachement au devoir de mémoire et à la cause de la paix que j’ai souligné dans une petite allocution au cimetière devant la communauté française.
Je remercie de tout cœur l’Ambassadrice Laurence Auer pour la gentillesse de son accueil et son soutien précieux pour l’organisation de mon voyage en Macédoine. Merci aussi à Kaliopa Krivasija Stilinovic, notre dynamique Consule honoraire à Bitola.
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