Sur le seul exercice budgétaire 2011, plus de 16 000 postes d’enseignant seront supprimés en raison du non-remplacement des départs à la retraite dans l’éducation nationale. La jeunesse de notre pays paie un lourd tribut aux choix politiques de Nicolas Sarkozy. Comment faire vivre la mission émancipatrice de l’école de la République si l’avenir de celle-ci ne s’écrit qu’en termes de soustractions ?
La réponse n’est pas dans des classes surchargées, dans des Zones d’Education Prioritaires (ZEP) sans moyens et dans la suppression progressive des classes dans l’espace rural. Alors qu’une bonne part du futur des jeunes générations repose sur ces premières années de découverte et d’apprentissage du savoir, le gouvernement choisit de mettre l’école à la diète par un arbitrage budgétaire lourd de conséquences.
Cette politique fait apparaître en clair l’hypocrisie des débats du début d’année sur l’introduction de quotas de boursiers dans les grandes écoles. Souvenons-nous de la réaction scandaleuse de la Conférence des Grandes Ecoles, criant à la baisse assurée du niveau… Opposant l’idée d’objectif à celle de quota, le gouvernement s’était finalement sorti par une piètre pirouette de cette querelle qu’il avait initiée, non sans dire avec une suspecte emphase le mal qu’il pensait du conservatisme des grandes écoles. Les élections régionales approchaient. Qui peut décemment contester le bien-fondé d’un effort accru de la puissance publique afin de conduire le plus possible d’élèves issus de milieux défavorisés aux études de leurs choix ? Personne, dès lors cependant que cet effort s’exerce tout au long du parcours éducatif et non dans les seules grandes écoles.
C’est précisément là que le gouvernement a tout faux. Prétendre découvrir les inégalités sociales entre jeunes à leur arrivée dans l’enseignement supérieur ne fait aucunement illusion. Les inégalités existent à la racine et requièrent une toute autre politique que celle de peau de chagrin conduite par les Ministres successifs depuis 2002. En 2008, l’enquête « Emploi » de l’Insee avait montré que sur 100 enfants d’ouvriers ayant quitté l’école depuis moins de 3 ans, seuls 5 accédaient à des emplois de cadre. 60 étaient ouvriers ou employés. 20 étaient au chômage. Ces chiffres sont un terrible constat d’échec, en recul même par rapport à ceux d’il y a 20 ans. L’ascenseur social est en panne, crise économique aidant, mais aussi parce que les politiques nécessaires de soutien à l’école ont été sacrifiées par la droite.
C’est un Ministre socialiste, Alain Savary, qui avait mis en place les ZEP en 1981. Cette approche visant à donner plus à ceux qui ont moins est encore plus actuelle en raison de la progression des inégalités en France. Ces inégalités-là ne peuvent être vaincues qu’à la racine. Davantage de moyens pour les ZEP, davantage de ZEP certainement aussi.
En outre, parce que les toutes premières années sont fondamentales pour la vie scolaire d’un enfant, il faut mettre en place un service public de la petite enfance et développer un soutien scolaire gratuit permettant de prévenir l’échec. Nombre d’enfants n’ont pas la chance de pouvoir être encadrés dans leurs devoirs par leurs parents. C’est là également une inégalité à laquelle il faut apporter réponse.
C’est tout le système éducatif qu’il faut ainsi démocratiser, non le seul échelon des études supérieures et, à l’intérieur de celui-ci, les grandes écoles uniquement.
Sur les 2,3 millions d’étudiants français, 14% seulement étudient en classe préparatoire ou en grande école. L’Etat consacre deux fois plus de crédits pour un étudiant de grande école que pour un étudiant d’université. N’est-ce pas là une injustice majeure ? Ne faut-il pas investir prioritairement dans l’université pour viser l’égalité réelle ?
Songeons à la difficulté voire même à l’impossibilité rencontrée par nombre d’étudiants de milieux modestes au moment de s’engager dans des cycles longs en raison du coût de la vie, en particulier du logement. Le parc de résidence universitaire français est, outre sa sous-capacité, dans un état déplorable.
Il existe en France une misère étudiante dont la droite ne parle pas et à laquelle seule l’introduction de l’allocation d’autonomie prônée par le Parti Socialiste pourrait permettre de répondre.
Le chantier est vaste. Il n’exclut pas bien sûr l’objectif de 30% de boursiers dans les grandes écoles. Les « conventions ZEP » signées en 2001 par Sciences Po Paris pour réserver une voie d’accès aux meilleurs élèves des quartiers défavorisés concernés sont de ce point de vue des exemples à soutenir.
Pour autant, elles ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt des inégalités d’un bout à l’autre du système scolaire et universitaire. Il y a sur ce terrain pour la gauche une tâche de très longue haleine à embrasser.