J’ai accompli les 11-12 novembre une visite en Serbie. Une visite que j’avais souhaité entamer à dessein le jour de la célébration de l’Armistice. Je voulais, ce faisant, exprimer mon attachement comme parlementaire français à l’amitié entre nos deux pays. Je n’oublie pas en effet le courage du peuple serbe durant la Première Guerre mondiale. Songeons que d’après les estimations, près de 60% de la population masculine en Serbie mourut durant la Grande Guerre. En 1915, le royaume de Serbie fut envahi par les puissances centrales et sa libération par l’armée serbe n’intervint qu’en 1918, avec le soutien des forces alliées, parmi lesquelles notre armée d’Orient. Près de 400 soldats de l’armée d’Orient reposent depuis près d’un siècle au cimetière de Belgrade. C’est dans ce cimetière qu’était organisée mercredi matin une belle cérémonie auprès de 4 monuments : le monument serbe bien sûr, mais aussi le monument français, le monument du Commonwealth et le monument russe. A la suite de l’Ambassadeur de France Christine Moro et de l’Ambassadeur d’Allemagne Axel Dittmann, j’ai déposé une gerbe au pied de notre monument. Ces cérémonies du souvenir me touchent toujours. Elles sont nécessaires pour apprendre d’un passé souvent tragique et construire ensemble l’avenir européen, entre belligérants d’autrefois, désormais partenaires et amis. A l’occasion de cette cérémonie, le colonel Olivier Rouanet, attaché de défense à Belgrade, a décoré 5 officiers serbes ayant œuvré au sein de la MINUSCA, chargée de protéger les civils et appuyer la mise en œuvre de la transition en République centrafricaine.
La communauté française en Serbie compte environ 1 500 personnes, pour l’essentiel établies à Belgrade et un petit peu aussi à Novi Sad. C’est une communauté volontiers binationale, près de 60% de nos compatriotes étant également serbes. L’avenir de notre communauté en Serbie repose sur sa jeunesse et donc sur le développement de l’Ecole Française de Belgrade (EFB). L’Ecole compte à ce jour quelque 500 élèves depuis les classes maternelles jusqu’à la terminale. L’enseignement y est de grande qualité. Les résultats du baccalauréat l’attestent. Elle souffre cependant d’un handicap qui obère son développement : des locaux largement inadaptés, répartis entre 5 villas, séparées elles-mêmes par une rue. Ces locaux soulèvent au demeurant une réelle interrogation en termes de sécurité. Depuis ces dernières années, une réflexion et des initiatives ont été entreprises afin de lancer un projet immobilier qui permette à l’EFB de déménager vers des locaux modernes et sûrs. Ce projet mérite à la fois le plus grand soutien et une réalisation dans les meilleurs délais. Un bâtiment et un terrain de 1,1 hectare situés sur l’emprise de l’Académie militaire de Serbie, à proximité de l’EFB, ont ainsi été proposés. Le Proviseur Patrice Valety m’en a présenté l’étude de faisabilité. Sur la base d’un bail de 30 ans, renouvelable, et pour un coût total de 3,5 millions d’Euros, une école neuve pour 800 élèves, disposant des meilleurs équipements, y compris sportifs, pourrait y être aménagée pour la rentrée de septembre 2017.
Rencontrant les parents d’élèves et les enseignants, j’ai souligné combien je crois ce déménagement nécessaire. Beaucoup de travail, réunissant Ambassade, parents gestionnaires et direction de l’EFG, est à accomplir pour mener à bien le projet. Cela requiert notamment un accord intergouvernemental avec la Serbie permettant la reconnaissance de l’école. A ce jour, les statuts de l’EFG sont en effet déposés en France seulement. Ils devront l’être en Serbie et l’attention à accorder à leur rédaction sera très importante, en particulier au plan fiscal. Notre Ambassade est mobilisée, l’équipe de gestion parentale aussi. L’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE) devra jouer tout son rôle, bien évidemment. J’appuierai également ces efforts en tant que de besoin auprès de l’AEFE. Il faudra gagner le soutien des parents d’élèves car la décision de lancer le projet immobilier leur reviendra en propre. Pour tenir le timing d’une ouverture à la rentrée 2017, sachant qu’environ un an de travaux seront nécessaires, la décision en assemblée générale devra être prise au printemps prochain. Je mettrai ma réserve parlementaire à profit, par exemple en couvrant l’achat des jeux et installations pour la nouvelle cour de récréation, comme je l’ai fait au bénéfice de l’Ecole Française de Bratislava l’an passé.
Je me suis rendu à l’Institut français de Serbie, dont j’ai financé au titre de ma réserve parlementaire l’installation du laboratoire de langues. J’ai eu plaisir à découvrir la réalisation concrète de ce don, en compagnie du directeur Jean-Baptiste Cuzin et de ses collaborateurs. L’Institut dispose de près de 4 000 apprenants sur l’année, à Belgrade, mais aussi dans ses antennes de Novi Sad et de Nis. Cette couverture de la Serbie au-delà de sa capitale est essentielle pour notre présence culturelle. J’ai pris connaissance également du soutien important accordé au titre de la coopération éducative aux filières bilingues existant dans le réseau serbe d’enseignement et à l’université. Un total de 7 lycées et un collège dispensent un enseignement en français de disciplines non-linguistiques. Deux de ces établissements se sont déjà vus reconnaître le label France Education, qui permet aux élèves de recevoir en fin d’études, outre leur diplôme serbe, une attestation signée de l’Ambassadeur de France assurant qu’ils possèdent au minimum un niveau B2 de pratique de notre langue. Cette attestation les dispense de tests de français pour l’inscription à l’université en France. 6 lecteurs de français sont mis à disposition pour soutenir ces établissements, auxquels s’ajouteront l’an prochain l’école hôtelière de Serbie, qui s’apprête en effet à ouvrir une filière en français.
J’ai rencontré plusieurs représentants de la communauté d’affaires franco-serbe durant mon séjour. La Serbie devrait connaître cette année une légère reprise économique après des années très difficiles. Cette reprise, attendue aux alentours de 0,7%, est tirée par les investissements et les exportations. La demande intérieure reste en revanche atone. D’importants efforts ont été consentis pour réduire le déficit budgétaire et le ramener vers 4%. Cela pourrait redonner un peu de marge au gouvernement sur les retraites en particulier. D’importantes réformes restent à accomplir, en particulier la privatisation d’entreprises publiques, entre autres dans les secteurs pétrochimiques, textiles et des télécommunications. Le coût social de ces privatisations est estimé à 80 000 pertes d’emplois, un coût à venir d’autant plus lourd pour l’économie du pays que les salaires sont plus élevés dans le secteur public qu’ils ne le sont dans le secteur privé. L’intégration à terme à l’Union européenne est cependant une perspective positive pour la croissance. Il y a en Serbie un gros potentiel, reposant sur une tradition industrielle et agricole. Songeons qu’il existe dans le pays un million d’hectares de terres agricoles non-cultivées ! La perspective de l’adhésion à l’Union doit aussi servir à retenir la jeunesse et les talents. La fuite des cerveaux est une réalité en Serbie face au chômage (19% de la population active) et à l’absence de perspectives.
Les autorités serbes recherchent activement les investissements internationaux, proposant des terrains à bons prix et des avantages en matière de charges sociales. Fiat est le plus gros investisseur étranger des dernières années. Chez les Français, Michelin est présent depuis plus longtemps avec plus de 3 000 salariés. Nous avons aujourd’hui en Serbie près de 100 entreprises françaises, une Chambre de commerce active et une belle section des conseillers du commerce extérieur. L’investissement français a fait partie de mes discussions au Parlement serbe avec Natasa Vukovic, présidente du groupe d’amitié France-Serbie et, depuis cette semaine, du groupe parlementaire SD (opposition), ainsi que ses collègues Branka Bosnjak et Milena Bicanin, toutes deux membres du groupe parlementaire SDPS (majorité). Nous avons également évoqué la crise des réfugiés et la situation au Kosovo, quelques jours après le rejet de la demande d’adhésion de ce pays à l’UNESCO et la décision hier de la Cour constitutionnelle du Kosovo de suspendre le processus de mise en œuvre de l’accord entre Belgrade et Pristina du 25 août dernier sur les communautés de communes serbes du nord du Kosovo. La publication récente du rapport de progrès sur les négociations d’adhésion à l’Union européenne nous a permis aussi d’échanger sur les difficultés relevées en matière de liberté des médias, de libertés publiques et d’indépendance de la justice.
Il n’y a pas en Serbie, comme l’a souligné Natasa Vukovic, une grande tradition de gestion démocratique. Il y a en revanche une tendance vers des pratiques autoritaires, tant dans la vie partisane que dans la conduite des affaires publiques. La liberté des médias, à l’évidence, souffre des fuites d’information depuis la justice vers une certaine presse, mettant à mal la présomption d’innocence et suscitant la peur au sein de la société. Natasa Vukovic a également tenu à me faire part de son étonnement au regard des réactions hostiles de certains pays d’Europe à l’accueil des réfugiés, la Serbie ayant, a-t-elle souligné, accueilli plus de 200 000 réfugiés sans coup férir durant le seul mois d’août. Le flot des réfugiés remontant de Macédoine vers la Croatie ou depuis la Bulgarie se poursuit, mais sans plus traverser Belgrade comme c’était le cas il y a encore quelques semaines. J’ai informé Natasa Vukovic et ses collègues du chiffre de 10 000 arrivées par jour en Allemagne depuis l’été, que m’avait confié la semaine passée l’Ambassadeur d’Allemagne en France. Concernant le Kosovo, si je regrette le rejet de la candidature à l’UNESCO, j’ai été rassuré par la volonté exprimée par Natasa Vukovic de voir les parties serbes et kosovares aller au bout de leurs engagements du 25 août, sous l’égide de l’Union européenne.
A l’issue de ce voyage, je tiens à remercier l’Ambassadeur Christine Moro pour la gentillesse de son accueil. Je remercie également le premier Conseiller Denis Douveneau, le second conseiller Jérôme Kelle, le Consul Johann Godin et le Chef du service économique Jean-Pierre Gastaux pour leur disponibilité. Ainsi que la classe de CM2 B de l’Ecole Française de Belgrade, dont les élèves avaient si bien chanté les hymnes français et serbe le 11 novembre et que j’ai retrouvés le lendemain pour la photo dans la cour de l’école.
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