J’ai effectué un voyage à Prague les 7-8 novembre. Il s’agissait de mon second déplacement en République tchèque depuis mon élection. J’avais participé à l’automne 2012 dans une petite salle de concert de Prague à une cérémonie d’hommage à mon ami Raymond Briard, Président de Français du Monde – ADFE, décédé quelques mois plus tôt, le jour de notre fête nationale. Comme tant d’autres, Prague est une ville qui me touche profondément, par sa beauté et par son âme. Raymond, avec d’autres amis, me l’avait faite connaître. Revenir à Prague est toujours un bonheur. La République tchèque n’est pas n’importe quel pays. C’est une nation et un peuple dont l’Europe a besoin.
Disons-le tout de go : les relations franco-tchèques ont connu de meilleurs moments. En cause, le différend relatif à la disqualification d’Areva pour le projet d’extension de la centrale nucléaire de Temelin, chantier de plus de 10 milliards d’Euros. Et, plus largement, l’approche volontiers eurosceptique de la République tchèque ces dernières années, seul pays de l’Union européenne avec le Royaume-Uni à avoir refusé de signer le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en Europe. La République tchèque avait aussi marqué son peu d’entrain pour le projet d’union bancaire et le mécanisme de supervision unique, pourtant essentiels pour l’avenir économique de l’Union européenne.
Est-ce là un trait de fond de la diplomatie tchèque ou bien la conséquence de l’hostilité néo-thatchérienne de l’ancien Président Vaclav Klaus à l’intégration européenne ? Je penche pour la seconde alternative. Le nouveau Président Milos Zeman a tenu au début 2013, sitôt en fonction, à signer le mécanisme européen de stabilité, ce à quoi son prédécesseur s’était toujours refusé. Et il faut espérer que la coalition issue des élections législatives du mois passé confirmera, lorsqu’elle sera formée, ce virage européen de la République tchèque. Les intérêts nationaux du pays seront toujours mieux entendus au cœur de la dynamique européenne qu’à ses marges.
Dans ce contexte, j’ai voulu donner à mon déplacement une dimension de diplomatie parlementaire. J’ai rencontré l’Ambassadeur Karel Künhl, en charge des Tchèques à l’étranger. L’Ambassadeur Künhl, autrefois en poste à Londres et Zagreb, ancien Ministre de l’Industrie, puis de la Défense, a pu, par son parcours, prendre la mesure des mécanismes de représentation de certaines communautés nationales à l’étranger. L’accès à la langue et à la culture tchèque à l’étranger est sa première priorité. La République tchèque soutient notamment un beau réseau associatif d’écoles et initiatives parentales qui, par de nombreux points, ressemble à notre programme Français Langue Maternelle (FLAM).
J’ai poursuivi cet échange avec le Sénateur Tomas Grulich, président de la commission des Tchèques à l’étranger. Nous avons comparé l’organisation institutionnelle de nos communautés respectives. Le nombre de Tchèques à l’étranger est d’environ 500 000. Ils participent depuis les consulats aux élections, mais ne disposent pas d’une représentation parlementaire spécifique. Le Ministère des Affaires Etrangères y est favorable, mais le Ministre de l’Intérieur s’y oppose. Jouent contre ce projet l’absence de registre des Tchèques de l’étranger et le débat récurrent sur l’inclusion ou non dans ce processus des étrangers d’origine tchèque. Le Sénateur Grulich souhaiterait la mise en place d’une institution gouvernementale en charge des Tchèques de l’étranger.
J’ai été accueilli par le nouvel Ambassadeur de France, Jean-Pierre Asvazadourian, arrivé il y a quelques semaines d’Argentine et qui retrouve, plus de 20 ans après, la ville dans laquelle il avait entamé sa carrière de diplomate. J’ai évoqué avec lui et plusieurs de ses collaborateurs les principaux dossiers affectant notre communauté en République tchèque. Le nombre de Français est d’un peu plus de 3 000 personnes. Près de 500 entreprises françaises sont implantées. J’ai pu en rencontrer plusieurs à la faveur d’un dîner de travail avec les conseillers du commerce extérieur. Les principales opportunités se trouvent aujourd’hui dans les infrastructures, qui bénéficient des fonds structurels européens, et dans l’éventuelle reprise du programme de privatisations.
Je me suis rendu au Lycée français, qui scolarise quelque 800 élèves. Le Lycée est, avec l’Institut français de Prague, le fleuron de notre réseau culturel en République tchèque. Le lancement il y a quelques années de classes maternelles bilingues français-anglais lui a donné une belle visibilité dans la ville et permis d’asseoir un développement pérenne. J’ai participé à un bel exercice d’instruction civique devant l’une des classes de CM2, candidate au Parlement des Enfants. Avec le Proviseur, le Directeur du cycle primaire, le Conseiller culturel et la Consule, j’ai visité les installations du Lycée et évoqué les principaux projets de l’équipe pédagogique.
L’Institut, où j’ai tenu ma réunion publique après une permanence en matinée à l’Ambassade, dispose d’une magnifique médiathèque et d’une salle de cinéma superbe, où devait débuter en fin de semaine le festival du cinéma français. Notre réseau culturel repose aussi sur 6 Alliances françaises en régions, sur des sections bilingues dans 4 lycées tchèques et sur le Centre français de recherches en sciences sociales (CEFRES), dont le rôle essentiel dans le domaine universitaire doit être volontiers mis en avant. Ce réseau est précieux dans un pays qui place le français au rang de quatrième langue étrangère après l’anglais, l’allemand et le russe.
J’ai souhaité, en conclusion de ces deux jours, me rendre sur la tombe du Président Vaclav Havel au cimetière de Prague. Je voulais lui rendre cet hommage personnel. S’il est un homme qui, dans la tourmente de la fin du siècle passé, m’aura, par son action, touché et bouleversé, c’est bien lui. J’ai la plus grande admiration pour l’humaniste qu’il était, pour son combat courageux contre la dictature communiste et pour son œuvre dramatique. Dans l’une des salles de l’Ambassade de France figure la photographie du petit-déjeuner auquel, au début 1989, le Président Mitterrand avait convié les principales figures de la dissidence tchèque, parmi lesquelles Vaclav Havel. Dans quelques mois, il serait l’artisan de la révolution de velours et le président d’un pays libre. Un cliché émouvant d’un grand moment d’histoire.
Laisser un commentaire