Comme tant d’autres, l’annonce de la disparition de Danielle Mitterrand ce matin m’a empli de peine. C’est une femme libre, passionnée et généreuse qui s’en est allée. Une voix et un visage qui faisaient partie de nos vies, par ses révoltes, son engagement et bien sûr son parcours auprès du Président François Mitterrand. Elle n’était jamais loin de nous, silhouette familière et fragile, dont les combats et les élans ont popularisé bien des causes. Jusqu’au bout, malgré la fatigue et la maladie, elle a voyagé, parlé, manifesté, en résistante qu’elle fut, femme de combats, de progrès et de paix.
J’avais eu l’occasion de faire sa connaissance à l’automne 1998. Avec les amis de Français du Monde – ADFE, nous avions organisé à Bruxelles un grand concert de solidarité pour les enfants d’Algérie, victimes de la guerre civile qui ravageait alors le pays. Danielle Mitterrand avait accepté de présider notre soirée, à laquelle étaient venues plus de 600 personnes. Nous l’avions invitée, espérant sans trop y croire qu’elle nous rejoigne et elle l’avait fait de bon coeur. Nous en étions si fiers. Nous avions donné une part des fonds récoltés à l’occasion du concert à France Libertés, sa fondation.
J’avais été touché par la douceur de Danielle Mitterrand. Ce n’était pas une grande oratrice, mais il y avait chez elle comme un charisme mystérieux, qui transparaissait dans l’échange. Elle savait écouter et encourager. Durant ses deux jours avec nous, j’avais été son chauffeur. Sa simplicité était désarmante. Elle parlait de tout, sincèrement curieuse de mes réactions. Elle évoquait souvent « François », l’homme de sa vie, comme un complice et un compagnon. Tant d’anecdotes et d’histoires, retrouvées avec bonheur des années plus tard à la lecture de son autobiographie « Le livre de ma mémoire ».
Sans doute est-ce pour nombre d’entre nous un chapitre de nos vies que nous refermons aujourd’hui. Celui des années Mitterrand, années de pouvoir bien sûr, mais aussi années de conquêtes et plus tard de bilan. Des années de jeunesse et d’espérance, de bouleversements et de réformes. Des années que l’on regarde avec tendresse et nostalgie.
Le temps passe et fait son œuvre, y compris dans le regard critique qui s’impose. S’il est une image que je veux conserver de Danielle Mitterrand, c’est celui de sa joie le 10 mai 1981, sur la terrasse de l’hôtel du Vieux Morvan, à Château-Chinon. La joie simple et profonde d’une militante, qui savait que s’ouvrait ce jour-là une belle page de l’histoire de France.