Depuis le début de l’automne 2013, j’ai été régulièrement saisi par de nombreux compatriotes travaillant à l’Office Européen des Brevets de la détérioration des relations sociales au sein de leur organisation. J’y ai accordé une immédiate attention tant les faits et pratiques qui m’étaient rapportés apparaissaient graves : menaces et intimidations à l’égard d’agents hostiles à la réforme du droit de grève, blocage d’e-mails adressés par une organisation syndicale, censures de diverses publications, procédures disciplinaires contre des représentants syndicaux, lettres anonymes et insultes aux collaborateurs du Président de l’Office. A chacun de ces compatriotes, j’ai répondu directement. Je me suis adressé sans attendre au Ministre de l’Economie et des Finances Pierre Moscovici, puis à la Ministre de l’Economie numérique Fleur Pellerin, dont le champ de responsabilités inclut l’Office Européen des Brevets, et plus récemment au Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. Je leur ai communiqué les informations recueillies et les ai interrogés sur la position de la France dans ce contexte, notre pays étant l’un des 38 Etats membres de l’Office et siégeant à ce titre au Conseil d’Administration de l’organisation.
Je n’ai jamais rendu public aucun des nombreux courriers, e-mails et messages échangés avec les Ministres et leurs cabinets durant les 6 mois écoulés. Je ne voulais en aucune manière exposer l’identité des agents qui m’écrivaient et qui, tous, me disaient avec force la crainte de sanctions internes si leur démarche à mon égard venait à être connue. Mais il m’importait également plus que tout d’éviter toute expression, tout amalgame, toute injustice ou emportement dans le jugement qui aurait pu rejaillir sur la réputation de l’Office Européen des Brevets, dont l’on ne soulignera jamais suffisamment l’importance pour l’économie européenne, l’innovation, la création de richesses et donc l’emploi. L’Office, qui célèbre cette année ses 40 ans, est une organisation à protéger et soutenir. J’attendais du gouvernement une réaction et un engagement clair en retour à mes démarches. Malgré tous mes efforts, je n’ai finalement pas eu réelle satisfaction et le regrette. J’entends bien qu’il soit difficile d’aborder pareille situation parce que l’organisation concernée est dirigée par un compatriote, mais je m’interroge cependant sur le peu d’information remontant de l’administration vers les Ministres dans ce cas précis.
Devais-je alors renoncer, prenant acte de la position ou plutôt de l’absence de position française ? Il n’existe certes pas de parlement de l’Organisation Européenne des Brevets, mais je me suis senti autorisé néanmoins à contacter en direct le Président de l’Office Benoît Battistelli. Je suis l’élu à l’Assemblée nationale, entre autres, des Français d’Allemagne et d’Autriche, parmi lesquels se trouvent plus de 1 000 agents de l’OEB, et j’ai considéré pouvoir et devoir faire cette démarche à ce titre. Je remercie sincèrement le Président Battistelli d’avoir répondu pendant près d’une heure à toutes mes questions. J’ai ainsi eu sa version des faits et des réformes engagées, en parallèle à celle communiquée par les compatriotes et représentants syndicaux qui m’ont sollicité. Je mesure la performance accomplie par l’Office Européen des Brevets et sais combien son leadership a été conforté sur la scène internationale. J’en retire pour autant la conviction suivante : l’Office Européen des Brevets traverse moins tant un conflit social qu’une profonde crise de gouvernance, dont le mal-être au travail et la perte de confiance des agents en la direction de l’Office sont la conséquence. Face à une telle difficulté et à l’incompréhensible placidité du Conseil d’Administration, la solution est-elle le passage en force et la victoire par KO d’un camp contre l’autre ? Non.
Je me suis résolu à écrire ce message parce que j’ai le sentiment d’arriver au bout de ce qu’il m’est possible d’entreprendre comme parlementaire français. Je souhaite faire quelques propositions et espère qu’elles pourront être entendues. Il est temps que les Etats membres prennent la mesure de la crise de l’Office Européen des Brevets et assument leurs pleines responsabilités. La Convention européenne des brevets, révisée en 2000, prévoit la réunion de conférences interministérielles. Or il ne s’en est tenu aucune depuis 2000. C’est le moment de l’organiser et de mettre à l’ordre du jour la gouvernance de l’organisation, en particulier à la veille de la mise en œuvre du brevet communautaire dont l’Office sera l’acteur clé. La conférence interministérielle pourrait ainsi charger, avant cette importante échéance, une autorité indépendante (comme par exemple la Cour des Comptes européennes) de réaliser un audit exhaustif de la gouvernance de l’organisation à cette période charnière de son existence et de faire des propositions concrètes concernant son fonctionnement. Les conclusions et recommandations de l’audit serviraient ensuite de base au travail collectif du Conseil d’Administration de l’Office, dont le rôle de contrôle et d’impulsion politique doit être pleinement exercé – ce qui n’est pas vraiment le cas – et renforcé.
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