J’ai interrogé hier le Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique Emmanuel Macron lors de la séance des questions au gouvernement sur la faiblesse du tissu d’entreprises de taille intermédiaire en France et sur les moyens, fiscaux et financiers notamment, qu’il conviendrait de mobiliser pour redresser cette situation. Je connais le monde des entreprises de taille intermédiaire en Allemagne (le fameux Mittelstand) et sais à quel point la vision de long terme de ces entreprises familiales et la qualité de leurs produits contribuent pour une large part au succès de l’économie allemande, en particulier à l’exportation. C’est, entre autres, leur expérience que j’avais à l’esprit un peu plus tard dans la soirée au moment de souligner le rôle essentiel de l’investissement et de l’entreprise dans l’accomplissement des objectifs de l’accord de Paris sur le climat.
Il n’est pas nécessaire d’être grand pour être efficace, créer de la richesse et des emplois. Le faible nombre d’entreprises de taille intermédiaire en France est l’une des difficultés majeures de notre économie. L’absence, peu ou prou, de cadre juridique et fiscal qui sécurise l’investissement de long terme et l’encourage est un handicap. La transmission d’entreprises se fait mal en France, fragilisant d’autant le développement des sociétés concernées, quand ce n’est pas leur existence même. L’idée d’exonérer fiscalement les parts d’entreprise en retour de leur détention sur une durée longue me semble à creuser. Il faut doter notre pays d’un statut de l’investisseur de long terme. Au cours des 5 dernières années, la France a perdu la moitié de ses investisseurs individuels et la moitié de son épargne productive. Cette situation est profondément alarmante et menaçante.
J’aime l’échange et le travail avec Emmanuel Macron. Sa réponse, cependant, m’a quelque peu laissé sur ma faim hier. Certes, le CICE ou bien les dispositions sur le sur-amortissement contribuent à engager le redressement, mais insuffisamment en l’occurrence. Il faut une réponse structurelle et de long terme, qui s’étende d’ailleurs au financement, que j’avais également mentionné dans ma question. J’aimerais imaginer que l’année de législature qu’il nous reste permette l’adoption au Parlement d’un tel texte. Alternativement, c’est dans le débat budgétaire que la question devra être soulevée. Je m’engagerai à cette fin avec d’autres sur les bancs de l’Assemblée. La France a les idées et les talents. Il lui manque sécurité et lisibilité pour le cadre juridique et fiscal. Lutter contre la rente et encourager l’investissement de long terme doit nous mobiliser pour notre économie et pour l’emploi.
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Pierre-Yves Le Borgn’
Questions au gouvernement
Mardi 17 mai 2016
Ma question s’adresse au Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique.
Monsieur le Ministre, j’ai eu l’occasion le mois passé de vous accueillir à Hanovre, dans ma circonscription, où se tenait le plus grand salon de la technologie industrielle du monde. Nous avons arpenté ensemble divers pavillons et notamment rencontré des représentants d’entreprises allemandes de taille intermédiaire, le fameux Mittelstand, intéressées par des investissements sur le marché français ou bien déjà présentes dans notre pays. Je connais bien ces entreprises, souvent familiales, transmises sur plusieurs générations, qui font la force de l’industrie allemande, la qualité de ses produits et une large part de son succès à l’exportation. Ces entreprises portent une vision de long terme. Elles irriguent les territoires où elles ont été créées et jouent un rôle majeur pour la croissance et l’emploi. Il n’y a malheureusement pas en France l’équivalent d’un Mittelstand. Notre pays ne compte que 4.600 entreprises de taille intermédiaire contre 12.000 en Allemagne. C’est une faiblesse de notre tissu industriel, à laquelle il convient que nous nous attaquions.
Je souhaite attirer tout particulièrement votre attention sur les questions de transmission et de financement. La poursuite du développement d’une entreprise dépend éminemment de la réussite de sa transmission. Or, le taux de transmission en France est faible, notamment pour des raisons fiscales. Que faire pour réduire la fiscalité sur la transmission de parts d’entreprises et en améliorer la lisibilité ? Ne faudrait-il pas aller vers une exonération en retour d’une détention à long terme des titres sociaux, comme cela se pratique en Allemagne, mais aussi en Grande-Bretagne et en Italie ? Sur le financement, qu’est-il possible de faire pour alléger les charges frappant le cycle de production afin de soutenir la capacité d’investissement ? Quel cadre juridique et réglementaire imaginer qui encourage en France l’investissement de long terme dans les entreprises de taille intermédiaire ?
Réponse du Ministre
Monsieur le député, vous avez fort bien décrit la situation et ce qui sépare la France et l’Allemagne. Si l’on compare les deux pays, nous n’avons en France qu’un tiers environ des entreprises de taille intermédiaire – ETI – que nous devrions avoir. Pourquoi ? Comment agir ?
La première réponse est de reconstituer les marges des entreprises ; quand les entreprises n’ont pas de marges, elles ne peuvent pas investir, embaucher et croître. Ce fut l’objectif du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – le CICE – et du pacte de responsabilité et de solidarité. Grâce à eux, nous avons rattrapé les deux tiers de notre retard historique.
La deuxième réponse est de se positionner sur les marchés de moyen et haut de gamme, qui permettent de créer de la valeur ajoutée et de croître – car c’est cela, avant tout la force du modèle allemand. Cet objectif est au cœur de la « Nouvelle France industrielle » et, en particulier, de « l’Industrie du futur ». Pour l’atteindre, nous avons donné la priorité à l’investissement productif, en concentrant les moyens de la Banque publique d’investissement et nos interventions sur une montée en gamme dans des secteurs prioritaires : 2.000 PME, TPE et ETI seront accompagnées d’ici à la fin de l’année, au-delà du soutien au financement ; plus de 2 milliards de crédits de la Banque publique d’investissement seront concentrés sur la « Nouvelle France industrielle » afin de réussir cette transformation. C’est aussi ce qui a présidé à la décision, en avril 2015, de mettre en œuvre un sur-amortissement fiscal qui permette, comme vous le proposez, d’amortir 140% de l’investissement réalisé et, ce faisant, de réduire de près de 14 points l’impôt sur les sociétés payé en cas d’investissement productif. Le Premier ministre l’a annoncé il y a quelques semaines : il a décidé de proroger cette mesure pour un an, jusqu’en avril 2016.
Enfin, il faut permettre aux investisseurs de réinvestir dans leur propre entreprise. C’est ce que nous avons décidé l’année dernière et que nous consoliderons cette année dans le cadre des suites de la mission Dombre Coste. Nous avons tenu une réunion sur le sujet ce matin encore.
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