La lettre adressée par Nicolas Sarkozy aux parlementaires de la majorité et de l’opposition hier afin de les exhorter à soutenir la fameuse « règle d’or » fait sacrément penser à l’histoire du pompier pyromane. Il est d’intérêt national selon lui d’inscrire dans la Constitution de la Vème République un principe obligeant le gouvernement à limiter les déficits budgétaires et à rééquilibrer les comptes publics.
Mais qui a plombé les mêmes déficits et poussé la France dans la spirale de l’endettement, sinon Nicolas Sarkozy depuis son élection en 2007 ? Par ses choix politiques, par la multiplication des niches fiscales et autres avantages au profit des Français les plus aisés, le déficit budgétaire est passé en seulement quatre années de 50 milliards à 100 milliards d’Euros et l’endettement a progressé de 78% à plus de 85% du PIB. Cette politique a fait exploser les inégalités dans notre pays et s’est traduite par un retrait de l’Etat d’une ampleur inégalée, préjudiciable aux classes populaires et moyennes.
Il faudrait donc, sous la pression alléguée des marchés, faire cause commune et passer l’éponge, en un mot donner un blanc-seing à un Président de la République dont la politique est cependant un échec flagrant. Et gare à ceux qui se risqueraient à la critique de cette pourtant très grosse ficelle : ils sont aussitôt brocardés par François Fillon, François Baroin et Valérie Pécresse comme faisant le choix des déficits ! En temps pré-électoraux, la droite revisite la vieille rengaine selon laquelle la gauche est nécessairement portée à la gabegie. Sauf que c’est tout de même sous le gouvernement de Lionel Jospin que l’endettement de la France a été le plus réduit… La gauche bâtissait l’avenir là où la droite l’a sérieusement entamé. Elle ne fait pas le choix des déficits, bien au contraire. Les comptes publics sont à rééquilibrer au plus vite et l’endettement doit être fermement combattu. Mais cet objectif ne doit pas conduire à exonérer Nicolas Sarkozy de ses responsabilités.
Il est médiocre de lancer une opération de pure communication politique autour de la « règle d’or » à 9 mois de l’élection présidentielle. J’apprécie l’expression de François Hollande selon laquelle « pour engager la France dans la voie du redressement de ses comptes, il ne faut pas changer de Constitution, mais changer de Président ». La première des vérités est en effet celle-là. Qu’apporterait la constitutionnalisation de la loi de programmation triennale des finances publiques, qui fixe depuis 2008 les dépenses de l’Etat ? Rien en soi. Les critères de Maastricht étaient aussi d’essence constitutionnelle et cela n’a pas empêché qu’ils soient largement ignorés par les Etats, Allemagne et France en tête, qui s’empressent aujourd’hui de faire la leçon aux autres. L’Allemagne, qui possède une « règle d’or » dans sa Constitution de 1949, y a d’ailleurs dérogé plusieurs fois.
Mieux qu’une « règle d’or », c’est à la crédibilité de la parole de la France qu’il faut s’atteler. Cette crédibilité se bâtit sur la durée, par une politique ambitieuse de lutte contre les déficits et l’endettement, qui mette notre pays en marche par une croissance durable et partagée. La « règle d’or » version Sarkozy, c’est le retour du vieux TINA (« there is no alternative ») de Margaret Thatcher des années 1980. La gauche ne fera pas la politique de Nicolas Sarkozy ! Il y a une toute autre politique fiscale à mener, qui mette un terme à l’exonération d’une bonne part des revenus du capital et les impose enfin à parité avec ceux du travail. Une politique fiscale plus progressive, plus juste, plus efficace.
Ne pas répondre à l’injonction du Président de la République et voter « non » à Versailles lors de la réunion du Congrès, ce n’est pas agir contre la France. C’est agir en responsabilité pour l’alternance dont notre pays a plus que jamais besoin.
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