Nicolas Sarkozy espérait du Parti Socialiste qu’il se déchire sur la réforme des retraites. Il en est pour ses frais et félicitons-nous en. C’est à l’unanimité moins 3 abstentions que le Bureau National du PS a adopté cette semaine son projet sur les retraites. Ce projet est-il la posture frileuse et démagogique immédiatement moquée par François Fillon ? Non. Au contraire. C’est une démarche alternative et de rassemblement. Le gouvernement s’apprête à remonter l’âge légal de la retraite, à allonger la durée de cotisation et à réduire par un nouveau calcul le montant de certaines pensions versées. Comme parti d’opposition, dont l’histoire et l’œuvre se conjuguent avec la conquête du droit à la retraite, il appartenait au PS de marquer son opposition, de présenter ses propositions et d’afficher son union.
S’opposer rime avec responsabilité. Personne ne nie la réalité de l’enjeu. La solidarité intergénérationnelle est la pierre angulaire du système français de répartition. Les actifs financent les pensions de retraite. Or, ce système souffre de difficultés de financement à la faveur de l’allongement de l’espérance de vie, de la stagnation de la démographie et de la faiblesse de la croissance économique. Là où il y avait 2,5 cotisants pour un retraité au début des années 1970, l’on tend désormais à 1,5 cotisant à l’horizon 2030 et à un cotisant en 2050. L’entrée plus tardive sur le marché du travail et le chômage de masse ont réduit à une vingtaine d’années au plus, entre 30 et 50 ans, la période maximale d’emploi. De sorte qu’une retraite sur 10 est actuellement financée par l’emprunt et que cette proportion passera à deux en 2020 si rien n’est fait dans l’intervalle.
Agir est ensuite fonction de choix. François Fillon aime à se présenter comme le réformateur visionnaire qui avait conduit la dernière réforme en 2003. Il assurait alors que le financement des retraites à l’issue de la réforme, qui porte la durée de cotisations à 41 ans en 2012, serait garanti par le plein emploi. Ce n’est à l’évidence pas ce qui s’est passé. Le taux d’emploi des travailleurs entre 55 et 64 ans, que l’on attendait à 50%, est de 38%. Il avait été promis aussi que la pénibilité serait prise en compte. Il n’en a rien été. Cette question est pourtant fondamentale tant sont grandes les inégalités: les ouvriers ont une espérance de vie inférieure de 9 ans à celle des cadres et des fonctionnaires. Dénoncer les mauvais calculs de la droite et les promesses en trompe-l’œil était donc nécessaire.
Là où le gouvernement fait le choix de l’allongement de la durée de cotisation et, quoi qu’il en dise, de la réduction de certaines pensions aussi, le PS défend l’idée de l’introduction de nouvelles ressources de financement. Il s’agit de taxer les revenus du capital, notamment par le prélèvement de cotisations sur les stock options et autres rémunérations aujourd’hui non-assujetties. C’est une mesure, qui apporterait environ 25 milliards d’Euros de recettes. L’augmentation de 0,1% par an des cotisations patronales et salariales de 2012 à 2021 et la taxation des banques au profit du fonds de réserve des retraites apporteraient 15 milliards d’Euros. La croissance économique permettrait d’atteindre le total de 50 milliards d’Euros nécessaires au financement jusque 2025.
Le PS n’évacue pas l’allongement de la durée de cotisation et l’envisage même, mais il n’en fait pas pour une raison de justice la règle cardinale de la réforme des retraites. La retraite à 60 ans est un acquis parce qu’elle est juste. Faire porter prioritairement l’effort sur celles et ceux qu’elle protège, parce qu’ils ont commencé à travailler tôt et dur dans leur vie, est sacrément inique au moment où d’autres, protégés par le bouclier fiscal, ne contribuent en rien à hauteur de leurs moyens. Il est possible en revanche d’imaginer, comme le propose le PS, un mécanisme d’incitation à travailler plus tardivement dans la vie active, qui soit volontaire et assorti d’une surcote de la pension. Cela n’aura cependant de portée que si une action résolue de maintien dans l’emploi des travailleurs de plus de 55 ans est engagée en amont.
Il manque enfin dans les projets de la droite une attention au niveau même des retraites. Depuis la réforme menée par le gouvernement d’Edouard Balladur en 1993, les petites retraites ont en effet fondu de plus de 20% et ce mouvement se poursuit. Aujourd’hui, un million de retraités en France vivent sous le seuil de pauvreté. C’est un drame sur lequel la droite fait silence et dont elle porte la responsabilité. Le combat pour la retraite est celui de la dignité autant qu’il est celui de la justice. C’est la responsabilité des socialistes de le mener.
Je suis reconnaissant comme militant à Martine Aubry d’avoir su trouver l’équilibre entre les différentes voix qui s’élevaient. Le PS doit donner un débouché au mouvement social. C’est pour cela que je me réjouis du rassemblement opéré mardi. La confrontation des idées ne fait que commencer. Dans la société et bientôt dans les urnes.
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