Ce ne sont pas des mots et des postures qui permettront de lutter contre la crise financière et sa contagion redoutable à l’économie réelle, mais une volonté et des actes qui portent loin. Force est malheureusement de conclure que le sommet franco-allemand hier à Paris n’a pas conduit à des décisions à la hauteur des périls urgents que traversent l’Europe et le monde. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont choisi de ne pas affronter l’obstacle, préférant le contourner via des mesures à l’évidence insuffisantes. C’est une occasion manquée et il faut le déplorer. Il aurait fallu en effet faire montre de courage et assumer à Berlin et Paris le risque politique de la mise en commun des dettes souveraines et l’émission d’eurobonds comme réponses à la crise de l’Euro. Il n’en a rien été. Rien non plus n’a été dit sur le relèvement du plafond du fonds européen de stabilisation financière.
Je ne retiens qu’une avancée réelle dans les mesures annoncées : l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés entre la France et l’Allemagne pour 2013. Portant sur le taux et l’assiette, cette harmonisation entre deux pays pesant pas loin de 50% du PIB de la zone Euro pourra contribuer à réduire les différences de fiscalité entre Etats membres. Pour le reste, il s’agit au mieux d’effets d’annonce. Bien sûr qu’il faut une taxe sur les transactions financières ! Socialistes, nous la proposons depuis des années. Mais, outre que cette taxe est déjà à l’étude à Bruxelles, la proposition Sarkozy-Merkel est parfaitement muette sur ses modalités concrètes. Sur le taux et l’assiette, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel n’ont rien développé. Quant au gouvernement économique de la zone Euro – proposition que nous portons là aussi depuis longtemps – rien n’est dit sur ses objectifs et instruments, hormis la vaine promesse de deux réunions par an sous la présidence d’Herman Van Rompuy…
Reste la fameuse « règle d’or ». L’obligation de rigueur budgétaire incombant aux Etats ne saurait être contestée. Sans pour autant que cela prenne la forme d’une bien médiocre opération électoraliste par Nicolas Sarkozy. Opération d’autant plus consternante qu’elle semble, dans le chef de la droite française, détachée de tout souci de relance de la croissance.
Quant à l’expression « justice sociale », elle a même totalement disparu des radars gouvernementaux, … remplacée sans doute par le fichage des allocataires sociaux annoncé la semaine passée. Ce n’est pourtant pas en anémiant l’économie et en tarissant la consommation que l’on luttera contre l’endettement et les déficits publics. En viendra-t-on à devoir inscrire un jour dans la Constitution, sous la pression de je ne sais quel lobby financier, que l’austérité et la souffrance sont désormais éternelles, sauf bien sûr pour les exilés fiscaux, les rentiers et les amis du Fouquet’s ?
L’on ne sortira pas de cette crise sans croissance ni justice. Dire ou, pire, faire l’inverse serait une terrible erreur. Dans un pays comme la France, dont la croissance était à l’arrêt au second trimestre et où les perspectives pour l’emploi sont sombres, cela passe par une réforme fiscale d’ensemble.
Il faut une rupture avec les années Sarkozy qui, par la multiplication des niches fiscales et autres gâteries aussi coûteuses qu’inutiles à une clientèle électorale, ont conduit les pauvres à payer pour les riches.
Il faut une rupture de politique européenne aussi, qui rejette tous les non-choix de ces dernières années et épouse enfin le choix fédéraliste sans retenue ni coquetterie sémantique. Ce n’est pas d’une construction intellectuelle abstraite dont on parle, mais du risque malheureusement très concret et urgent d’appauvrissement de millions de personnes.
L’Europe ne se fera pas contre les citoyens. Et la confiance des citoyens ne se décrétera pas en fonction des seuls retours en provenance des marchés financiers.
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