J’ai interrogé hier lors de la séance des questions au gouvernement la Ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, Ségolène Royal, sur les étapes à venir après l’entrée en vigueur de l’accord de Paris sur le climat (voir ici). C’est en effet à compter de demain, 4 novembre 2016, que l’accord de Paris sera effectif grâce à l’effort remarquable de mobilisation conduit par la Présidence française de la COP 21 pour hâter les processus de ratification. Ce succès, dont il faut se réjouir, ne doit pas masquer la montagne qui se dresse devant nous et que l’on doit affronter. Il nous faut en effet réduire au plus vite les émissions de gaz à effet de serre, faute de quoi le plafond des émissions correspondant à une augmentation de 2° Celsius de la température terrestre en fin de siècle sera dépassé avant 2040. Or, il est communément admis que toute augmentation au-delà de 2° se traduira par la perte de contrôle définitive des dérèglements climatiques, dont nous constatons d’ores et déjà les ravages chez nous et dans le monde. Tout se joue donc maintenant.
Les réponses de la Ministre m’ont laissé sur ma faim. J’étais déjà intervenu sur ces questions en commission élargie (affaires étrangères, affaires économiques, finances) le 26 octobre dernier (voir ici et ici – à partir de la minute 23:14- ), sur la base de l’avis budgétaire que j’ai préparé en septembre-octobre pour le compte de la Commission des affaires étrangères (lire ici). Je conçois volontiers qu’il soit difficile de répondre à des questions aussi précises et engageantes en quelques courtes minutes de débat, mais l’importance du sujet requiert de mon point de vue une expression claire de la part du gouvernement. Sur le prix du carbone, sur le déploiement des énergies renouvelables en France et dans le monde, sur l’impossibilité de traduire sur le plan réglementaire les choix du législateur en faveur de l’effacement diffus de la consommation électrique, j’attends du gouvernement qu’il n’esquive aucune de mes questions et y apporte les réponses les plus complètes et circonstanciées. J’ai adressé un courrier en ce sens à Ségolène Royal ce jeudi (ci-joint).
Depuis mon élection, j’ai préparé pour le compte de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale une dizaine de rapports et d’avis budgétaires sur les questions climatiques et environnementales. Ma question au gouvernement hier clôture ce travail pour la législature. J’ai conduit tout au long du mandat de nombreuses auditions, recevant les cabinets ministériels, les directions d’administration centrale, des ONG, des entreprises petites et grandes, des acteurs de la finance, des représentations diplomatiques et des universitaires. J’ai également auditionné plusieurs collègues du Bundestag. Ancien cadre-dirigeant de l’industrie solaire, j’ai la conviction que la clé du sauvetage de la planète se trouve dans les mains des entreprises et des institutions financières. Sans innovation, sans mise en marché de technologies de rupture, il sera impossible de décarboner l’économie dans le temps contraint qui nous reste. Il faut donc assurer aux opérateurs économiques visibilité et sécurité d’investissement.
Je sais, pour l’avoir vécu dans ma vie d’avant, que les investissements n’interviendront que si des engagements concrets et précis sont posés. Les déclarations d’intention ne sont pas suffisantes pour conduire à la prise de risque. Les engagements concrets, ce sont des objectifs quantifiés et des calendriers précis pour le déploiement massif des énergies renouvelables dans le monde. C’est le courage d’assumer, à tout le moins à l’échelle nationale, des choix permettant de relever le prix du carbone pour qu’il envoie le signal prix nécessaire aux industriels. Seul un prix du carbone élevé entrainera le mouvement vers des solutions décarbonées. La régulation par les quantités défendues par la Commission européenne avec le système ETS a fait montre de ses limites et il faut agir directement sur le prix par un mécanisme de corridor, comme l’a recommandé il y a quelques mois le rapport Canfin-Grandjean-Mestrallet en France.
Enfin, il est important que la France prenne la mesure, derrière le combat pour le sauvetage de la planète, de l’enjeu industriel considérable qui l’accompagne et pour lequel elle n’est pas dénuée d’atouts. Encore faut-il articuler une vision de long terme et se donner pour objectif d’accompagner les projets internationaux de nos entreprises. Or, nous sommes ici à la remorque de nos partenaires et concurrents internationaux, malheureusement. Je ne comprends pas que la COFACE ne suive pas les acteurs français des énergies renouvelables pour les accompagner dans leur développement. Est-ce parce que le sujet n’est pas considéré comme essentiel ou parce que ces acteurs ne seraient pas suffisamment nombreux ? Dans les deux cas, ce n’est pas acceptable. L’on en arrive à la situation embarrassante où ce sont les équivalents étrangers de la COFACE qui proposent de l’aide à nos entreprises, à condition toutefois qu’elles achètent les équipements produits dans leurs pays ou qu’elles co-investissent avec une entreprise de ces pays.
Voilà les raisons pour lesquelles j’ai saisi ce matin Ségolène Royal par courrier. De la même manière que je livre ici mes convictions et interrogations à l’issue de près de 5 années de travail sur ces sujets à l’Assemblée nationale, je partagerai aussi la réponse de la Ministre et du gouvernement. Rien n’est encore perdu pour sauver notre planète, même si le compte à rebours est déjà bien engagé. Il faut, pour gagner ce combat pour la vie et l’avenir, passer au plus vite de la parole aux actes. Cela requiert l’union dans l’action des acteurs publics et de l’industrie, sous le regard et le contrôle vigilant des parlements et des citoyens.
Laisser un commentaire