Passer au contenu

N’oublions pas la Macédoine !

La Macédoine est un petit pays situé au sud-est de l’Europe, peu au centre de l’attention médiatique en dépit d’une crise politique qui dure depuis un an et menace désormais l’Etat de droit dans son entier. L’opposition social-démocrate a décidé de quitter le Parlement en réponse à des élections dont elle estime qu’elles ont été volées ce printemps par le parti nationaliste au pouvoir. Tous les députés sociaux-démocrates élus le 27 avril ont présenté leur démission. La majorité va de ce fait se retrouver seule et sans contrôle démocratique durant 4 ans. Pareille situation est pleine de périls et devrait susciter à tout le moins une certaine émotion à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Du moins le pensais-je…

 

Je me suis rendu il y a une dizaine de jours en Macédoine (lire ici) et entendais attirer, exemples à l’appui, l’attention de mes collègues parlementaires hier à l’APCE sur l’impasse dramatique qui se met en place à Skopje. Las, parce que le débat sur la Macédoine a été joint au débat sur l’Ukraine, tous les orateurs se sont exprimés sur l’Ukraine et je n’ai pu de ce fait avoir la parole. A l’arrivée, un seul intervenant, de surcroît député de la droite nationaliste macédonienne, parlant au nom du groupe PPE (qu’est donc devenue la démocratie-chrétiennet et son attachement aux droits de l’homme…), a pu s’exprimer sur la situation dans le pays, dépeignant un tableau idyllique, à des années-lumières de ce que j’avais pu voir et éprouver sur place au contact de nombreux acteurs du débat public.

Joindre les débats comme l’a fait l’APCE conduit immanquablement à établir un hit parade aussi éphémère qu’illusoire des émotions. La Macédoine a ainsi été totalement éclipsée par l’Ukraine. Je ne conteste pas l’importance du débat sur l’Ukraine. J’y avais pris part lors de la précédente session. Je suis cependant consterné par cette occasion manquée, qui aurait permis de saisir pleinement la caisse de résonance qu’est l’Hémicyle du Palais de l’Europe pour en appeler au sursaut démocratique à Skopje. Aurait-on voulu faire silence sur la situation en Macédoine que l’on ne s’y serait finalement pas pris autrement. S’il doit y avoir une partie qui aura enregistré ce scénario avec satisfaction, c’est certainement le gouvernement nationaliste macédonien.

Pierre-Yves Le Borgn’

Débat sur les élections des 13 et 27 avril 2014 en Macédoine

Lundi 23 juin 2014

 

Je tiens à féliciter notre collègue Stefan Schennach pour la qualité et l’exhaustivité de son rapport d’observation sur l’élection présidentielle et les élections législatives anticipées des 13 et 27 avril derniers en Macédoine. Je reviens moi-même de ce pays, où je me trouvais il y a encore une dizaine de jours, mesurant à la faveur de l’impasse politique actuelle à Skopje le profond défi qui se pose à lui en termes de démocratie et d’Etat de droit. J’ai été frappé par le climat anxiogène, d’abattement et de colère sourde qui règne en Macédoine. Cette situation est alarmante et ne peut perdurer si l’objectif du pays reste son arrimage euro-atlantique, ce que je souhaite, ainsi que le développement économique et social qui en résulterait.

Mes chers collègues, la démocratie ne se résume pas à l’organisation d’élections où se présenteraient une pluralité de candidats et de formations politiques. La démocratie, c’est d’abord un état d’esprit et des garanties concourant tous les jours à un débat serein, contradictoire et respectueux des options de chacun. Or, la démocratie est entachée lorsque le parti au pouvoir mobilise les moyens de l’Etat au service de sa campagne électorale. Elle est entachée aussi lorsque les fonctionnaires font l’objet d’intimidations pour qu’ils assistent aux manifestations de ce parti, qu’ils ne se rendent pas à celles de l’opposition ou, pire encore, lorsqu’ils sont sujets à un chantage à l’emploi pour eux, leur famille et leurs proches.

La démocratie repose sur une presse libre, indépendante et impertinente. La Macédoine ne manque certes pas de médias, mais la plupart d’entre eux sont contrôlés par le parti au pouvoir et le gouvernement en est le premier annonceur. Il en découle une présentation biaisée des débats, favorable à ce parti et à charge contre l’opposition. Il en découle aussi une absence d’audace dans l’analyse, quand ce n’est pas une large autocensure. Sans doute faut-il y voir les conséquences d’une utilisation systématique des procédures en diffamation pour mettre à genoux l’opposition, les organisations non-gouvernementales et la société civile. Tout cela est inacceptable au regard des engagements de la Macédoine au titre de son appartenance au Conseil de l’Europe.

Je regrette la décision des députés de l’opposition élus le 27 avril de démissionner. Ne pas siéger, c’est alimenter encore plus la désespérance. La place de l’opposition est au Parlement et aussi dans cet Hémicycle du Palais de l’Europe. La Macédoine ne se sortira de l’impasse où elle se trouve que par un sursaut collectif de tous les acteurs de la vie publique. Le gouvernement doit comprendre qu’il ne construira aucun avenir pour la jeunesse macédonienne en alimentant un climat politique malsain. Si ce sursaut a lieu, et il faut l’exiger, alors le Conseil de l’Europe, son Assemblée Parlementaire et la Commission de Venise seront aux côtés de la Macédoine pour la reconquête des libertés et de l’Etat de droit.

 

Laisser un commentaire