Dans une semaine aura lieu l’élection présidentielle aux Etats-Unis. Je souhaite de tout cœur qu’elle conduise Hillary Clinton à la Maison Blanche. Dans l’histoire contemporaine, jamais quelqu’un autant qu’elle n’aura été aussi prêt à l’exercice de la charge présidentielle. Et jamais, assurément, aucune femme ne s’est assise dans le bureau ovale. Le moment est venu. J’espère entendre au cœur de notre nuit européenne, aux premières heures du mercredi 9 novembre, cette phrase traditionnelle, presque sacramentelle, qui scellera les 4 années à venir : « CNN calls the election for Hillary Rodham Clinton ». Est-il nécessaire d’ajouter que l’incurie abyssale du candidat républicain laisse espérer plus encore que nos amis américains sauront « tuer le match » avant même que ne soient connus les résultats de la côte ouest. L’Amérique de Clinton-Kayne, c’est celle que j’attends, celle avec qui le monde construira l’avenir en confiance. L’Amérique de Donald Trump, à l’inverse, est un pessimisme, un déni, une angoisse. Je ne peux imaginer Trump d’un côté, Poutine de l’autre, les murs qui s’érigent, l’accord de Paris dénoncé, la parole xénophobe libérée.
A l’approche du 8 novembre, une nostalgie, cependant, me gagne, celle du Président Barack Obama. Cet homme m’a touché, comme certainement des millions de femmes et d’hommes dans le monde, amis des Etats-Unis. L’élection de 2016, entre haine et scandales, ressemble si peu à celle de 2008. Il y avait une énergie, une ferveur, un espoir immense, quelque chose d’inédit. Je me rendais souvent aux Etats-Unis pour mon travail. Je revois les longues files d’attente devant les bureaux de vote « all across the nation ». « Change, we can believe in », le slogan est resté, comme « Yes, we can ». Bien sûr, Barack Obama n’a pas tout accompli. Il a pu décevoir, au point de perdre le contrôle du Congrès. Mais un bilan reste et le message aussi. L’optimisme et la volonté, la main tendue aux plus humbles de la société américaine, envers et contre tout, cette trace-là demeurera, à la hauteur d’un charisme que le temps se chargera de rendre légendaire. S’en aller parce que la Constitution le veut, s’en aller au faîte de la popularité, tourner la page d’années de pouvoir avec la chance d’écrire librement la suite, pareil destin ne peut manquer d’impressionner.
Le 20 janvier 2009, j’étais face au Capitole à Washington, par un froid polaire, dans le carré réservé aux donateurs du Parti démocrate. J’avais entrepris, presque follement, d’organiser pour Ségolène Royal un voyage pour assister à la prestation de serment du Président Obama. J’y étais parvenu, obtenant dans les dernières heures les précieux sésames pour vivre au plus près cette page d’histoire. Une invitation au bal présidentiel à Union Station était même venue avec. Sur la pelouse du Capitole, les gens qui m’entouraient étaient de l’Illinois, l’Etat d’Obama. Ils avaient été de tous les combats pour les droits civiques. Leur émotion était bouleversante. Ce moment-là était celui de leur vie. Tout au bout du serment présidentiel, lorsque le Président Obama prononça la phrase finale « So help me God », la vieille dame auprès de qui je me trouvais s’était mise à pleurer à chaudes larmes. Les barrières raciales étaient enfin tombées. Le rêve et l’espoir le plus fou étaient devenus réalité. Je me souviens de cette clameur immense de 2 millions de personnes applaudissant ensemble, du Lincoln Memorial aux marches du Capitole.
Huit années ont passé. C’est le temps de tirer le rideau. Je me demande ce que sont devenus ces gens rencontrés sur la pelouse du Capitole. Je ne doute pas que jusqu’au bout, ils auront supporté leur Président. L’Amérique d’Obama se voulait plus juste. L’est-elle devenue ? Je crois que oui. Je pense à l’Obamacare qui, malgré ses imperfections, aura permis à des millions de citoyens de s’assurer socialement. Je pense au changement de ton et de fond dans la lutte contre le changement climatique, conduisant à la réussite spectaculaire de la conférence du Bourget l’an passé. Sans la volonté de Barack Obama, face à un Congrès républicain, jamais l’accord de Paris n’aurait vu le jour. Comme quoi une élection, un homme et un destin peuvent faire une différence. Loin de la Maison Blanche, Barack Obama restera-t-il actif ? Lui seul connaît la réponse. 55 ans, c’est tôt pour la retraite. Je crois au charisme des grands chefs d’Etat, surtout lorsqu’ils quittent leur fonction. Il leur reste un message et une aura. C’est beaucoup. Les mots peuvent faire une formidable différence, au pouvoir et après. Nous reverrons Barack Obama, j’en suis certain.
Voici la vidéo de la prestation de serment du 20 janvier 2009, que je vécus in situ et dont la petite histoire se souviendra qu’elle fut répétée le lendemain au chaud à la Maison Blanche, le Président de la Cour suprême, saisi sans doute par l’émotion, ayant quelque peu réinventé l’ordre des 35 mots du serment présidentiel
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