L’une des lourdes difficultés du marché du travail français tient à la fois à l’entrée difficile dans l’emploi des jeunes dotés d’une faible formation initiale et au maintien des salariés de plus de 55 ans. Les jeunes peinent à trouver un premier job, les entreprises préférant souvent des candidats avec une première expérience, même courte. Quant aux salariés seniors, ils sont régulièrement les premiers sacrifiés des restructurations d’effectifs, galérant ensuite pour rassembler les annuités ouvrant le droit à une retraite à taux plein. Pourtant, aux deux extrêmes de la vie professionnelle, il se trouve une richesse formidable dont l’entreprise a besoin de se nourrir : l’enthousiasme de la jeunesse et l’acquis de décennies de travail. C’est mon expérience comme dirigeant d’entreprise. L’intérêt d’une société, en particulier dans le secteur manufacturier, est de disposer d’une force de travail couvrant tous les âges de la vie professionnelle. C’est même une condition de sa pérennité.
Voilà pourquoi je suis sensible à la proposition de mettre en place un contrat de génération, présentée par François Hollande dans le contexte des Primaires Citoyennes. De quoi s’agit-il ? D’un contrat qui unirait une entreprise et deux de ses salariés : un jeune de moins de 25 ans et un senior de plus de 55 ans. L’entreprise consentirait à ce qu’une part du temps de travail du senior soit consacrée à former le jeune salarié, en un mot à lui apprendre son métier. Le jeune salarié jouirait d’un contrat à durée indéterminée, qualifié de contrat de génération jusqu’à ses 25 ans. En retour de son engagement, l’entreprise bénéficierait d’une exonération de cotisations sociales patronales sur les deux emplois. La réalité de la formation serait contrôlée par l’administration sur base d’un rapport semestriel écrit par les deux salariés et la présentation par l’entreprise d’un bilan annuel de ses contrats de génération, annexé à ses comptes sociaux et donc rendu public.
Des critiques ont été formulées contre cette proposition, arguant d’un effet d’aubaine pour les entreprises et aussi d’un coût supposé prohibitif. Le contrat de génération serait réservé aux entreprises de moins de 50 salariés, PME exportatrices souvent exposées à la concurrence internationale et qui ont précisément besoin de ce type de soutien des pouvoirs publics pour pouvoir croître et s’imposer. Il n’y a ici aucun effet d’aubaine possible. Le véritable effet d’aubaine, au demeurant, c’est celui qu’a mis en évidence la Cour des Comptes dans un rapport récent, indiquant qu’en 2006 et 2007, les exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires avaient avant tout bénéficié au secteur de la grande distribution, qui n’est pourtant pas exposé à la concurrence internationale. Or, ces exonérations, fort coûteuses pour les comptes sociaux, doivent être utiles pour l’emploi et le développement industriel de notre pays.
Comment financer le contrat de génération ? La proposition faite est d’en créer 500 000. Imaginons que le jeune salarié reçoive le SMIC et le salarié senior deux fois le SMIC. Sachant que les cotisations sociales patronales en France représentent autour de 43% du salaire brut (mais seulement 13% dans le cas du SMIC), le coût du dispositif serait d’environ 8 milliards d’Euros par an, se répartissant entre 7 milliards pour les salariés seniors et un milliard pour les jeunes salariés. Le contrat de génération pourrait être financé en réservant aux seules entreprises de moins de 50 salariés les exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires. Les entreprises de plus de 50 salariés bénéficient en effet actuellement de 38% des exonérations en question, lesquelles représentent au total un coût de 22 milliards d’Euros. Il s’agit donc là d’un peu plus de 8 milliards d’Euros, qui seraient bien mieux utilisés pour soutenir les contrats de génération.
En résumé, il s’agit d’une proposition finançable visant un million de personnes pour leur permettre d’entrer ou de rester sur le marché du travail. C’est une proposition qui répond aux attentes des salariés comme des entreprises concernées. Hier, Nicolas Sarkozy fustigeait la « subventionnite », maladie inventée pour clouer la gauche au pilori. Mais s’il y a bien un malade de cette maladie, c’est lui ! C’est Nicolas Sarkozy qui, depuis 2007, a engraissé la rente et ses riches supporters à coups de dizaines de milliards d’Euros de niches fiscales sans que cela n’ait aucun impact du tout sur l’économie française. La jeunesse de notre pays crève de désespoir. Les salariés en fin de carrière professionnelle aussi. Le chômage grimpe chaque mois qui passe. La droite a sinistré le monde du travail.
Il est temps d’imaginer des propositions ambitieuses, qui créent de l’emploi pérenne et préparent l’avenir de la France. Pour moi, le contrat de génération en est une. Une proposition de gauche, emblématique et conquérante.
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