L’actualité politique file vite et les débats passionnés sur la loi Taubira tout au long du premier semestre 2013 apparaissent aujourd’hui lointains. Un combat reste cependant à mener pour que le mariage pour tous soit vraiment pour tous : écarter l’opposition au mariage de même sexe avec un(e) ressortissant(e) de Pologne, de Serbie, de Slovénie, de Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, du Monténégro et du Maroc. Afin de permettre le mariage en France entre un(e) Français(e) et son compagnon ou sa compagne étrangère dont le pays prohiberait l’union de personnes de même sexe, la loi Taubira a introduit une règle de conflit de loi permettant d’écarter la loi de ce pays. C’était cependant sans compter sur la situation où des conventions bilatérales renvoient à la loi personnelle de chaque époux pour déterminer les conditions de fond d’accès au mariage. Les conventions internationales primant sur la loi, les dispositions de la loi Taubira ne peuvent prévaloir dans le cas des pays précités, situés dans ma circonscription à l’exception de l’un d’entre eux.
Que faire ? Dénoncer les conventions concernées ? C’est envisageable bien sûr, mais à des dates souvent lointaines, déterminées par les conventions elles-mêmes. Ou plaider en justice l’évolution de l’ordre public international français à la suite de l’adoption de la loi Taubira pour écarter la disposition de la loi à laquelle se réfèrent les conventions en cause. En quoi l’ordre public international français aurait-il été modifié par la loi Taubira ? Par la juxtaposition de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et de l’introduction d’une dimension d’extranéité dans la règle de conflit de loi précitée. Je soutiens personnellement ce raisonnement, qui a été invoqué par le Tribunal de Grande Instance de Chambéry le 11 octobre 2013 pour rejeter l’opposition du parquet au mariage d’un couple de même sexe franco-marocain, jugement confirmé, quelques jours plus tard, le 22 octobre 2013, par la Cour d’appel de Chambéry.
Cette semaine s’est tenue l’audience devant la Cour de cassation sur le pourvoi du parquet contre l’arrêt de la Cour d’appel. La décision attendue de la Cour de cassation le 28 janvier 2015 est très importante. Si elle confirmait l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry, la jurisprudence relative à l’impact de la loi Taubira sur les conventions bilatérales précitées serait définitivement établie, tant pour le cas d’espèce (Maroc) que pour tous les autres pays concernés. L’ordre public international français pourrait alors être invoqué sans risque pour écarter les dispositions de ces conventions et permettre aux couples de même sexe franco-polonais, franco-serbes, franco-slovènes, franco-bosniens, franco-kosovars et franco-monténégrins, désireux de se marier, de pouvoir enfin le faire. J’espère de tout cœur que la Cour de cassation confirmera la jurisprudence de Chambéry. C’est un enjeu en termes de droit civil et de droit international. C’est aussi, et plus encore, un enjeu au plan humain.
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