« Le Monde » en date de ce mardi 21 février 2012 publie une tribune rédigée par une douzaine de hauts-fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur, rassemblés dans un collectif au nom de groupe « Calvignac », du nom d’un syndicaliste socialiste du Tarn, qui consacra sa vie à la défense des travailleurs du secteur minier. Cette tribune est un constat juste, amer et déprimant des attaques portées au pacte républicain par le gouvernement depuis 2007. Si le constat du groupe « Calvignac » se nourrit prioritairement de l’expérience du corps préfectoral, il est largement transposable à d’autres Ministères, notamment au Ministère des Affaires Etrangères, notre « maison » des Français de l’étranger. En voici un extrait, dont je souligne un passage :
« (…) la révision générale des politiques publiques (RGPP) (…) pouvait pourtant rencontrer une attente. Conçue à la fois pour redresser les finances publiques du pays, rationaliser les structures, fournir un meilleur service à moindre coût tout en remotivant les fonctionnaires, la RGPP se donne surtout à voir comme un symbole de l’ivresse technocratique : une approche verticale et condescendante de ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de l’Etat.
Recevable dans ses principes généraux, la RGPP aura surtout profité à des consultants privés, mais elle aura manqué l’essentiel de ses objectifs. Elle n’a pas, ou si peu, engendré d’économies ; elle s’est pour l’essentiel traduite par des fermetures de sites et une tension accrue sur l’accueil du public. Elle n’a pas davantage rendu les organisations plus performantes, quand elle n’a pas compliqué les choses jusqu’à l’absurde : comme dans ces nouvelles « directions départementales interministérielles » où il faut convoquer trois comités techniques et obtenir l’accord de cinq ministères pour qu’un agent change de bureau.
En revanche, la RGPP a cassé le moral des fonctionnaires. Des fonctionnaires à qui on a répété depuis cinq ans qu’ils étaient trop nombreux, trop coûteux et pas assez performants, à qui on a donné pour seul horizon la réduction constante de leurs moyens d’agir, tout en les soumettant à un zapping constant des priorités, et d’indicateurs à renseigner – pas pour mieux servir le public, mais pour mieux aider le gouvernement à ses justifier de décisions bien souvent erratiques et précipitées. »
Tout cela est malheureusement si vrai. Il suffit de connaître à l’étranger le quotidien du personnel consulaire, conduit à faire toujours plus avec toujours moins, pour savoir ce qu’est une gestion à flux tendus en raison des suppressions régulières d’emplois et du transfert sans les ressources nécessaires des activités d’un poste transformé en Consulat à gestion simplifiée. Cette expression de Consulat à gestion simplifiée est bien malheureuse, car elle ne décrit pas la disparition du service des visas, de l’état civil et de l’action sociale, pourtant très réelle. Dans la 7ème circonscription, nous avons donné avec les décisions de la droite de vider de leurs attributs consulaires les Consulats de Hambourg, Düsseldorf, Sarrebruck, Stuttgart et Cracovie.
La casse du service public consulaire sous couvert de RGPP doit cesser. Ces fermetures se sont faites en l’absence totale de concertation avec les usagers, les syndicats (ces fameux corps intermédiaires que le candidat Sarkozy se vantait d’ignorer dans son récent discours de Marseille) et les élus à l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE). C’est la politique du fait accompli, la centralisation des décisions et des opérations à marche forcée. Il en résulte une lourde détérioration du service au public comme des conditions de travail des agents. Il faut maintenant faire des déplacements coûteux lorsque l’on ne vit pas à proximité d’un consulat. Car la dématérialisation des procédures a bon dos : tous nos compatriotes ne sont pas des « geeks » et il reste au demeurant des déplacements incontournables (passeports).
Le Consulat n’est pas qu’un guichet. Il est d’abord un lieu de vie, de conseils et d’échanges pour les Français de l’étranger. Voilà une réalité que la droite a totalement occulté, toute à son empressement de sabrer un peu partout au nom de la sacro-sainte RGPP. Le service public consulaire doit retrouver les moyens de son action au bénéfice d’une population française à l’étranger en croissance, avec le retour d’emplois supprimés ces dernières années, la densification des tournées consulaires et l’engagement d’une réflexion sur le développement de chancelleries détachées. Si la gauche l’emporte en mai et en juin, un moratoire sur la suppression des Consulats et leur transformation en Consulats à gestion simplifiée sera mis en place. La parole sera aux usagers, aux syndicats, aux élus à l’AFE pour tirer ensemble les enseignements d’une décennie de recul du service public à l’étranger et poser les priorités de sa reconquête.
La droite aime à brocarder les fonctionnaires. Pour la gauche, le service public est la traduction dans la vie citoyenne du principe d’égalité. Il est l’expression de la promesse républicaine. Il ne peut être battu en brèche, bradé, ignoré, sacrifié. En France comme à l’étranger. Il nous faut un service public fort et en son sein des agents encouragés, motivés et formés. Nous nous en chargerons. En pensant en particulier aux recrutés locaux, dont les conditions de travail, de rémunération et d’assurance sociale doivent être améliorées et sécurisées par un exercice statutaire. Il faut que l’Etat montre l’exemple comme employeur aussi. Il faut qu’il soit respectable. C’est ce changement-là que nous entendons mettre en œuvre si la gauche gagne les élections du printemps.