Avec une délégation de quelque 25 députés appartenant au groupe d’amitié France-Allemagne que je préside à l’Assemblée nationale, j’ai participé hier matin rue de Grenelle à une réunion d’échange avec la Ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem. Cette rencontre, que j’avais sollicitée à de nombreuses reprises dès le début de la controverse sur l’avenir de l’apprentissage de l’allemand, avait été repoussée par deux fois, au point malheureusement de se tenir une semaine désormais après la publication du décret et de l’arrêté entérinant la réforme du collège. C’est une situation que j’ai tenu à regretter dans mes propos introductifs, comme nombre de mes collègues par la suite. J’ai souligné que personne au sein du groupe d’amitié ne faisait procès au gouvernement de vouloir la disparition de l’apprentissage de l’allemand en France, mais que les députés présents, toutes sensibilité politiques confondues, doutaient que l’initiation à l’allemand au cours préparatoire et l’avancée à la 5ème du début de l’apprentissage de la LV2 se traduisent, les classes bi-langues disparaissant, par une croissance du nombre d’apprenants. Je me suis également interrogé sur le niveau de langue résultant de 7,5 heures hebdomadaires sur la durée du collège par opposition aux 16 heures dispensées en classe bi-langue et en section européenne, exprimant la crainte que ceci ne fragilise la filière Abibac. Je me suis exprimé aussi sur l’avenir du programme Brigitte-Sauzay, redoutant que la disparition des classes bi-langues ne constitue une menace pour sa pérennité.
Nombre de députés ont attiré l’attention de la Ministre sur la mixité sociale qu’autorisent les classes bi-langues, soulignant en particulier le retour d’expérience positif des REP et REP+. L’accent a été mis sur la valeur ajoutée que représente la maîtrise de l’allemand dans un parcours d’études comme d’enseignement professionnel. L’allemand est une clé pour l’emploi, en Allemagne bien sûr, mais aussi chez nous, dans les filiales françaises de sociétés allemandes ou tout simplement au sein d’entreprises commerçant avec l’Allemagne. Plusieurs députés ont déploré que la suppression des classes bi-langues, décidée sans concertation avec la partie allemande et à la surprise de cette dernière, soit en rupture, si ce n’est avec la lettre, au moins avec l’esprit du Traité de l’Elysée. Des questions ont été posées sur les moyens et les projections budgétaires nécessaires pour la réussite de la réforme, en particulier en termes de formation des enseignants qui interviendront à l’école élémentaire pour l’initiation au cours préparatoire. L’avenir de la carrière de professeur d’allemand a aussi été soulevé pour savoir si les professeurs devraient dorénavant enseigner sur plusieurs collèges, faute de disposer du nombre d’heures suffisantes dans un seul collège. Enfin, une question a été posée sur le maintien hors classe bi-langue de l’apprentissage de l’allemand 1ère langue en 6ème.
La Ministre a rappelé qu’une moitié environ des classes bi-langues serait maintenue car elles assurent la continuité avec l’initiation à l’école primaire. Ce sont les classes bi-langues dites de « contournement » (de la carte scolaire) qui seront supprimées. Dès la rentrée 2016, 200 000 écoliers seront initiés à l’allemand contre 178 000 actuellement. L’initiation sera réalisée par des professeurs des écoles habilités, des intervenants extérieurs ou bien encore des professeurs du second degré volontaires pour enseigner leur discipline en premier degré. L’avancée à la 5ème de l’apprentissage de l’allemand permettra à 515 000 collégiens d’étudier l’allemand contre 485 000 cette année à raison de 2,5 heures hebdomadaires par classe, réparties en une fois une heure et deux fois 45 minutes. 515 postes de professeur d’allemand seront offerts aux concours (CAPES et agrégation) en 2015. Une carte académique des langues est en cours de constitution et sera présentée cet automne. Des objectifs chiffrés seront assignés à chaque académie, qu’il appartiendra à un délégué interministériel de faire respecter. La nomination de ce délégué est imminente. Les professeurs ne devront pas se démultiplier sur plusieurs collèges, la redistribution des heures en LV2 consécutives à la suppression des classes bi-langues garantissant le nombre d’heures nécessaires dans l’établissement.
Rien de ce qui s’est dit au cours de cette réunion ne m’aura finalement surpris. Le débat, à défaut de concertation, avait déjà eu lieu par presse et joutes parlementaires interposées. J’ai la conviction que la disparition des classes bi-langues portera un coup rude à l’allemand car il n’est pas acquis, loin s’en faut, que les collégiens qui auraient choisi l’allemand en co-première langue en 6ème effectueront le même choix en LV2, a fortiori avec la concurrence de l’espagnol. Je ne vois pas de mouvement de vase communicant obligé pour la langue allemande entre la disparition des classes bi-langues et l’apprentissage avancé de la LV2, malheureusement. Je suis par ailleurs resté sur ma faim concernant la question du niveau de langue à la fin du collège. La Ministre estime que les 7,5 heures d’allemand permettront d’entrer sans difficulté en filière AbiBac. Je n’en suis pas certain du tout. Je regrette que l’impact de la réforme du collège sur l’apprentissage de l’allemand en aval (lycée, université) soit aussi peu pris en compte. Le programme Brigitte-Sauzay n’est pas menacé, m’a-t-on assuré. Certes, mais jouira-t-il toujours d’aussi bons candidats qu’aujourd’hui dès lors que les classes bi-langues auront disparu, quand bien même il restera possible de faire allemand 1ère langue en 6ème ? Je n’en suis pas certain là également et je réaffirme donc mon inquiétude.
Le jeudi 11 juin aura lieu dans l’Hémicycle de l’Assemblée nationale un débat sur la proposition de résolution sur l’apprentissage de l’allemand en France présentée au nom du groupe UMP par Bernard Accoyer, ancien Président de l’Assemblée.
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