photographie: le Parlement de Finlande : l’Eduskunta
Voilà un an que, succédant à mon collègue Jean Glavany, j’ai rejoint l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe comme député français. Je me suis pris de passion pour cette institution et pour le Conseil de l’Europe, la plus ancienne mais non moins importante organisation européenne. Le Conseil de l’Europe, c’est la maison européenne du droit. A chacune des réunions de commission ou des sessions à Strasbourg auxquelles j’ai participé, j’ai toujours rendu compte du travail que j’y ai effectué, des positions que j’y ai prises, des discours que j’y ai prononcés et des votes que j’y ai émis. Je l’ai fait parce que j’estime que je le dois. A la fois parce que les activités de l’Assemblée sont importantes et aussi parce que ma participation à ces activités se fait au nom et sur le budget de l’Assemblée nationale.
Je suis surpris que cette transparence ne dépende que de ma seule volonté. Il n’y a en effet aucune obligation de la sorte à la charge des députés siégeant dans une instance parlementaire internationale et je le regrette. A l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, nos débats et rapports forment la base des conventions que négocieront et adopteront par la suite les Etats membres. La charte sociale européenne est née ainsi, la charte des langues régionales ou minoritaires aussi. Nous élisons les juges à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le Commissaire aux droits de l’homme et en ferons de même, le mois prochain, pour le Secrétaire-Général du Conseil de l’Europe. Autant de décisions essentielles au regard des enjeux et développements récents pour l’Etat de droit sur notre continent.
Je regrette que cela n’intéresse pas grand monde, y compris et peut-être même d’abord à l’Assemblée nationale. On n’y parle très rarement du Conseil de l’Europe. Je me suis permis de suggérer la semaine passée à l’attention de mes collègues membres PS de la Commission des Affaires étrangères qu’une communication soit faite en Commission par les députés concernés au retour des sessions trimestrielles à Strasbourg et ai ajouté qu’un débat annuel dans l’Hémicycle ne nous ferait pas de mal non plus. Si l’on se dit fiers, comme Français, que le siège du Conseil de l’Europe soit à Strasbourg, pourquoi faisons-nous silence sur ce qu’il s’y produit ? Sur le principe, ma proposition a été acceptée, à condition qu’il en soit de même pour les 8 ou 9 autres instances parlementaires internationales auxquelles l’Assemblée s’associe. Ce qui est bien normal.
J’ai passé les deux premiers jours de cette semaine à Helsinki, où se réunissait la commission des affaires juridiques et des droits de l’homme, devant laquelle j’introduirai formellement à la fin juin une demande de rapport sur les conflits d’autorité parentale à l’échelle internationale. La commission des affaires juridiques est un lieu d’influence considérable pour qui veut s’y investir. De quoi y avons-nous parlé ces 26 et 27 mai ? Entre autres, par l’étude de projets de rapports et plusieurs tables rondes, de l’efficacité du système de la Convention européenne des droits de l’homme, de lutte contre la torture, de la prévention de la corruption dans le système judiciaire, de l’utilisation abusive de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées ou bien encore de la protection des témoins pour lutter efficacement contre le crime organisé et le terrorisme.
Sur la prévention de la corruption judiciaire, qui est toujours un fléau dans nombre d’Etats membres, notre commission a regretté que le Comité des Ministres n’ait à ce jour, malgré son intérêt pour les premiers travaux de l’Assemblée sur ce thème il y a 3 ans, adopté aucune ligne directrice relative aux codes de conduite et de déontologie des juges qu’il s’était engagé à mettre en place. Or il faut agir sans tergiverser. La corruption judiciaire, c’est l’achat des juges, la vente de postes au sein de la justice, les nominations politiques, les conflits d’intérêts, les faveurs accordées aux parents et amis. J’ai été impressionné par le témoignage de Monica Macovei, membre roumaine du Parlement européen et ancienne Ministre de la Justice de son pays. Nous avons aussi écouté avec attention la perspective de Sir Nicolas Brazza, l’ancien Président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Je suis intervenu dans le débat pour souligner l’élément d’influence que peut jouer sur le juge son exposition subie ou voulue à l’attention médiatique. J’ai demandé que soit pris en compte le besoin de protection des juges et de leurs proches dans l’hypothèse de menaces car préserver son indépendance de jugement, dans certains pays et sur certains sujets, se fait parfois au péril de la vie. J’ai plaidé pour la consécration dans les Constitutions des Etats membres d’une institution garante de l’indépendance des juges, comme un conseil supérieur de la magistrature, qui contrôlerait toutes les nominations. Enfin, s’agissant des cours internationales, j’ai fait part de ma préférence pour des mandats longs (9 ans) et non-renouvelables, arguant que l’absence de reconduction rend le juge plus indépendant que s’il devait faire campagne pour être renouvelé.
Sur le transfèrement des personnes condamnées, nous avons voté un projet de rapport condamnant l’utilisation abusive de la convention du Conseil de l’Europe par l’Azerbaïdjan, qui avait gracié et promu à son transfert de Hongrie un soldat azéri condamné pour le meurtre d’un militaire arménien lors d’un stage de formation de l’OTAN. En outre, nous avons recommandé aux Etats parties à la convention de conclure des arrangements ad hoc entre l’Etat de condamnation et l’Etat de transfèrement afin de préciser l’engagement pris par l’Etat d’exécution de se conformer aux principes généraux de la convention. Nous avons rappelé notre attachement à la convention et à son but humanitaire, qui est d’améliorer les perspectives de réinsertion et de réintégration des détenus dans la société. Seul le député azéri présent a voté contre le projet de rapport.
Sur la protection des témoins, la commission a auditionné plusieurs personnalités qualifiées et conclu, à l’initiative du rapporteur socialiste espagnol Arcadio Diaz Tereja, à la nécessité de dresser le bilan de la législation et des pratiques actuelles au sein des Etats membres afin de recenser les divergences que pourraient présenter les cadres juridiques nationaux à ce stade et surtout de permettre une meilleure coordination à l’avenir. Un questionnaire sera adressé sous peu aux présidents des 47 délégations nationales à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe pour détailler les caractéristiques essentielles de la législation protégeant les témoins dans les affaires pénales (type de protection, durée) et comprendre si une protection particulière ou renforcée est accordée dans le domaine de criminalité organisée et du terrorisme.
Voilà le bilan de ces deux jours en commission des affaires juridiques au siège du Parlement finlandais. Cela méritait bien ce petit rapport. La suite viendra lors de la session plénière de l’Assemblée les 23-27 juin à Strasbourg. Certains des projets de rapports examinés à Helsinki seront formellement votés et présentés en séance. D’autres seront débattus, notamment sur la prévention des restrictions que certains Etats tentent d’imposer à l’activité des ONG en Europe. C’est un gros sujet, que nous aborderons sous l’angle des articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui consacrent la liberté d’expression et la liberté d’association. Enfin, je lancerai la première phase de mon propre projet de rapport sur les conflits d’autorité parentale, qui me conduira à solliciter le soutien de 20 députés de plusieurs nationalités et groupes politiques différents.
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