Nicolas Sarkozy et la droite n’aiment pas les contre-pouvoirs. Tout ce qui est indépendant, fait référence et représente une influence ne leur inspire pas confiance. Les avis et recommandations critiques ne sont pas encouragés, loin s’en faut. Souvenons-nous ainsi des avis de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (Halde) sur l’introduction de tests ADN dans le cadre des procédures de regroupement familial ou bien sur les statistiques ethniques. Ils avaient suscité l’ire de l’Elysée et des Ministres intéressés.
Or, voilà que la Halde, quelques semaines seulement après la nomination de Jeannette Bougrab, sa nouvelle Présidente, se trouve purement et simplement menacée d’être rayée de la carte des autorités indépendantes de la République à la faveur d’un amendement adopté en commission des lois du Sénat il y a quelques jours. Elle disparaîtrait, tout comme le Médiateur, la Défenseure des enfants et la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité, au profit du Défenseur des droits, organisme nouveau dont la création est prévue depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008.
Soyons clairs : c’est son indépendance et ses résultats que paie la Halde. La droite parle du Défenseur des droits comme d’un progrès dans la lutte contre les injustices, discriminations et inégalités.C’est rigoureusement l’inverse.
Là où la Halde peut aujourd’hui, selon les termes de la loi du 30 décembre 2004, « formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement », intervenant ainsi dans un cadre de portée générale, le Défenseur des droits sera en revanche cantonné aux seuls cas d’espèce, puisque son pouvoir, selon l’article 21 du projet de loi organique en discussion, consistera à « faire toute recommandation qui lui apparaîtrait de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement ». La disparition des recommandations de portée générale constitue malheureusement un pas en arrière indiscutable au regard de la situation présente et de ses traductions concrètes au cours des cinq années d’existence de la Halde.
A ce titre, et pour prendre un exemple qui nous concerne, Français à l’étranger, le Défenseur des droits n’aurait pas eu la latitude de recommander au Ministère des Affaires Etrangères, comme l’avait fait la Halde dans une délibération en date du 26 janvier 2009, que soit mis un terme à la condition de nationalité française imposée au représentant ou à la représentante d’associations de parents d’élèves au sein de la commission consulaire des bourses scolaires. C’était une pratique discriminatoire mise en œuvre au motif très mystérieux « d’éviter des difficultés relationnelles » !
Saluons aussi le travail conduit par la Halde pour lutter contre l’homophobie. Cet éveil nécessaire à des situations d’insupportables injustices aura certainement été fondamental, y compris pour l’évolution jurisprudentielle. Souvenons-nous notamment de la décision du Conseil d’Etat du 28 septembre 2007 ordonnant la suspension partielle d’une circulaire permettant aux agents diplomatiques et consulaires de s’opposer à l’enregistrement d’un PACS entre une personne de nationalité française et une personne de nationalité étrangère au nom de « l’ordre public local ».
Débusquer les discriminations et les inégalités requiert de la constance, du courage, de la collégialité et de l’indépendance à l’égard du pouvoir: tout ce dont manquera le Défenseur des droits. Ce dernier pourra ainsi révoquer ses adjoints, en charge des collèges sur la déontologie policière, les enfants et les discriminations. Il ne sera pas tenu par les délibérations de ces collèges, contrairement à la Présidente de la Halde. Il pourra « apprécier souverainement », ainsi que le prévoit l’article 20 du projet de loi organique, si les faits en cause « méritent une intervention de sa part ».
Autant de reculs qui annoncent l’immanquable reprise en main par le pouvoir d’une autorité jugée trop indépendante, trop « poil à gratter », qui avait fait la preuve de sa valeur ajoutée, en témoignent les 14 000 dossiers enregistrés l’an passé, en hausse de 25% par rapport à 2008. Se battre pour sauver la Halde, c’est donc exprimer la volonté de maintenir au rang des plus hautes priorités de la République la lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Mener ce combat comme Français à l’étranger, c’est également rappeler au Gouvernement qu’il est tenu à la non-discrimination dans l’exercice de sa compétence à l’étranger.
C’est une exigence que nous devons porter dans tous les domaines de la vie diplomatique et consulaire. La situation souvent dramatique du traitement des agents de l’Etat recrutés locaux, autre exemple douloureux et inacceptable, nous en rappelle chaque jour toute l’acuité et l’urgence.
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