Dans la stratégie de « présidentialisation » de Nicolas Sarkozy mise en œuvre ces derniers mois par quelques communicants élyséens, il importe, semble-t-il, d’éviter les coups de menton et les formules à l’emporte-pièce. Le temps n’est plus au discours de Grenoble de l’an passé, qui avait lancé la polémique sur la déchéance de nationalité, ni au « casse-toi, pov’con » du Salon de l’Agriculture entré depuis 2008 dans l’histoire du quinquennat.
Reste qu’à force de chasser le naturel, il finit toujours par revenir au galop, en témoigne cette phrase lâchée en Bretagne le 7 juillet dernier : « Sur cette affaire d’algues vertes, il serait absurde de désigner des coupables, de montrer du doigt les agriculteurs, qui font d’énormes progrès en la matière ». Pas de coupables, vraiment ? Comment alors expliquer ces marées pestilentielles sur le littoral breton depuis plus de 30 ans ? De nombreuses études scientifiques, revues par les pairs, ont conclu au lien de causalité entre les rejets de nitrates d’origine agricole dans les rivières bretonnes et la prolifération des algues vertes.
L’on peut sur ce sujet reconnaître à Nicolas Sarkozy le mérite de la constance, même si c’est dans le registre du déni de réalité. En mars 2010 au Salon de l’Agriculture (décidément le lieu de tous les dangers…), il avait prestement soldé les promesses du Grenelle en assénant que « l’environnement, çà commence à bien faire… ». Dans le viseur présidentiel, les associations de défense de l’environnement, qui s’inquiètent à très juste titre de la détérioration de la qualité de l’eau et de la prolifération en aval des algues vertes sur le littoral.
J’avais écrit un premier petit mot sur mon blog l’an passé sur le sujet “Sarkozy et le moins-disant environnemental” . Qu’a entrepris le gouvernement pour lutter contre cette pollution et ses conséquences en termes de santé publique et d’environnement ? Pas grand-chose, malheureusement. Les algues sont ramassées après chaque marée. Et sur la mort de 18 sangliers sur les plages cette année, d’un cheval et de chiens l’an passé, victimes à l’évidence des rejets de sulfure d’hydrogène émanant de la putréfaction des algues, les mots se font aussi rares que prudents.
A force de préférer le calcul électoral (ne surtout pas fâcher la profession agricole…) à l’action résolue, c’est une catastrophe sanitaire que l’on prépare peu à peu. Il est très malsain que l’Etat n’assume pas ses responsabilités tant au regard des obligations européennes de la France, largement bafouées sur ce sujet, que de son engagement auprès des acteurs locaux. Chaque année qui passe rend plus coûteuse et difficile encore une solution qui, à n’en point douter, devra passer par la réduction des décharges de nitrates dans les rivières, donc par une modification profonde des pratiques agricoles dans la région. L’agriculture intensive et l’industrie agroalimentaire représentent une force économique très importante et des dizaines de milliers d’emplois en Bretagne. La solution doit être trouvée de préférence avec elles, mais éventuellement aussi sans elles si sa seule réponse est la création d’un « Institut de l’Environnement », dont la seule vocation est d’instiller le doute sur le lien de causalité entre les nitrates et les algues vertes.
Tout cela fait penser au combat des « climato-sceptiques » amplement subsidié par les pétroliers et autres industries polluantes pour discréditer des travaux scientifiques dont les conclusions ne leur plaisent pas et mieux justifier ainsi la politique de l’autruche. Or c’est en ces moments-là que l’on voudrait voir un Etat stratège, engagé auprès des acteurs publics locaux, capable d’imposer un plan de sortie de crise si l’échange entre les différentes parties ne conduit à aucune solution satisfaisante pour l’intérêt général. Cette absence de volonté de l’Etat est déplorable et malheureusement à l’image du quinquennat.
L’exercice de la fonction présidentielle requiert de vouloir s’élever au-dessus des appréciations politiques de court-terme, de penser loin, en un mot de faire assaut de courage. C’est bien autre chose que de tenter de maîtriser son comportement à quelques mois de l’élection présidentielle. Si près de l’échéance, on ne se refait plus. C’est d’un autre Président que nous avons besoin.
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