Ce mardi 19 mai, les professeurs d’allemand en France sont en grève pour protester contre la suppression des classes bi-langues et des sections européennes dans le cadre de la réforme du collège. Je veux leur dire ici ma totale solidarité. Cette suppression entrainera dès la rentrée 2016 la disparition de l’apprentissage de l’allemand en co-LV1 pour quelque 55 000 collégiens. Cette perte-là ne sera aucunement compensée tant en nombre d’apprenants qu’en qualité de connaissance de la langue par l’initiation à l’allemand annoncée au cours préparatoire et l’avancée à la 5ème de l’apprentissage de la LV2. Par quel exercice de cartographie et avec quelle formation trouvera-t-on en un an des intervenants extérieurs et des professeurs des écoles habilités en nombre pour l’initiation à l’école primaire sur tout le territoire français, sachant qu’à ce jour, plus de 85% des écoliers concernés se concentrent sur les deux seules académies de Strasbourg et Nancy-Metz ? Comment atteindre le même niveau de langue en fin de 3ème avec les 7,5 heures hebdomadaires en LV2 sur la durée du collège proposées par la Ministre de l’Education nationale que les 16 heures actuellement offertes en classe bi-langue et en section européenne ?
A vouloir voir de l’élitisme là où il n’y en a pas, c’est le patient travail de construction de l’apprentissage de l’allemand en France que l’on risque de mettre à bas. L’allemand n’est pas une langue parmi d’autres. Elle est celle de notre premier partenaire politique et commercial. Il faut non supprimer mais bien au contraire développer les mécanismes privilégiés qui permettent de l’apprendre et de conduire les élèves à sa pratique courante. Les classes bi-langues, parce qu’elles sanctuarisent l’allemand par rapport à la concurrence de l’espagnol en LV2, l’autorisent. Ramener l’allemand à une simple LV2, c’est en marginaliser à coup sûr l’apprentissage. Pourquoi en effet les tendances observées en 4ème depuis des années seraient-elles différentes en 5ème ? Aujourd’hui, plus de 85% des collégiens choisissent l’espagnol en LV2 et seulement 6% l’allemand. Comment imaginer que 7,5 heures hebdomadaires sur la durée du collège seront suffisantes pour intégrer la filière AbiBac au lycée et préparer ainsi le baccalauréat et l’Abitur ? Cette filière, qui est un immense succès, conduisant aux cursus universitaires bi-diplomants, se trouve fragilisée en amont par la suppression des classes bi-langues. Faudra-t-il l’abandonner aussi au nom de la lutte contre l’élitisme ?
Voilà plus de deux mois que je me bats, entre posts sur mon site, interviews et tribunes dans la presse française et allemande, courriers aux responsables gouvernementaux et réponses aux très nombreux mails que je reçois. Député de la majorité, fidèle à celle-ci, cela me fait de la peine de voir l’échange sincère que j’appelle de mes vœux ne pas se nouer pour cause de crispation politique sur la réforme du collège. Il faudrait désormais être tout pour ou tout contre. Circulez, il n’y aurait (plus) rien à voir, encore moins à négocier. Mais une réforme ne peut être imposée dans l’incompréhension ou l’hostilité à des enseignants qui la redoutent, ne la comprennent pas ou s’y opposent. Pourquoi la Ministre n’a-t-elle jamais reçu à ce jour les professeurs d’allemand pour entendre leurs inquiétudes et rechercher l’élément permettant de sortir par le haut de la situation de blocage que nous connaissons ? Je me suis permis la semaine passée dans une tribune de proposer la généralisation des classes bi-langues à tous les collèges. C’est une idée. Il y en a certainement bien d’autres. Recevoir les professeurs d’allemand permettrait d’identifier des solutions communément acceptables.
Ce sont ces perspectives et cette confiance qui manquent aujourd’hui, au point de faire douter que chacun des 515 postes de professeurs d’allemand annoncés au concours par la Ministre soient pourvus. Cela ne doit-il pas alerter ? Comment en effet motiver les meilleurs candidats lorsque la visibilité quant au devenir de leur discipline fait défaut et que celle-ci les conduirait en tout état de cause à enseigner dans plusieurs collèges en parallèle afin de trouver le nombre d’heures nécessaires ? N’est-ce pas là une question à aborder de front plutôt qu’à esquiver ? Souvenons-nous qu’en 2013, il n’y avait eu que 196 admis pour 270 postes de professeur d’allemand offerts au concours et que, pour le concours exceptionnel de 2014, 224 postes seulement avaient été pourvus sur les 340 postes offerts. Il existe bien une crise des vocations qu’il est vain de nier. De ces questions-là, il faut vouloir parler. De l’impossibilité probable de faire vivre les échanges scolaires aussi car comment espérer qu’un professeur cantonné à la LV2 et courant sur 2 ou 3 établissements puisse encore avoir la volonté, sur son temps personnel, de préparer ces échanges. Je doute qu’à toutes ces questions, un délégué interministériel ait la réponse.
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