La proposition de Jérôme Cahuzac, Président (PS) de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, de faire acquitter l’impôt français sur le revenu aux Français établis hors de France n’engage que lui-même.
C’est une initiative maladroite et malheureuse. Les Français établis hors de France sont contribuables là où ils vivent. Le cliché éculé de l’exilé fiscal se gobergeant sous les cocotiers ne correspond en rien à la réalité de l’immense majorité de nos compatriotes dans le monde.
Comment d’ailleurs comparer des impôts dont les assiettes et les taux diffèrent du tout au tout ? Comment assurer outre-frontière le recouvrement et le contrôle de sommes éventuellement dues ? Autant de questions qui ne peuvent recevoir réponse. Au demeurant, la proposition de Jérôme Cahuzac se place en totale rupture avec le principe de territorialité prévalant en droit fiscal, au nom duquel la France a conclu un très grand nombre de conventions fiscales bilatérales dans le but de prévenir la double imposition. Bref, mieux vaut ici fermer le ban.
Faut-il pour autant évacuer toute forme de réflexion quant aux ressources nécessaires à une action publique efficace dans les communautés françaises à l’étranger ? Non, et c’est bien là que la droite, si prompte hier à s’enflammer en réaction à la proposition de Jérôme Cahuzac, devrait avoir la décence de balayer devant sa porte.
N’est-ce pas elle, messieurs les sénateurs UMP Frassa et del Picchia, qui a fait de l’action sociale à l’étranger une variable d’ajustement budgétaire ? Les crédits d’action sociale consulaire ont été réduits de 28% depuis 2002 alors que le nombre de Français à l’étranger augmentait dans la même période de 56%. Cette baisse est même de 11,3% entre 2010 et 2009 !
N’est-ce pas la gratuité Sarkozy dans les classes de terminale, première et seconde, qui conduit aujourd’hui les établissements de l’AEFE à augmenter lourdement leurs coûts de scolarité et à alimenter ainsi un élitisme social détestable ? L’Etat donne finalement aux riches ce qu’il a choisi de ne plus donner aux pauvres.
Cette perte de l’intérêt général à l’étranger et la précarité qui en résulte, c’est la droite qui en porte la responsabilité.
A gauche, nous souhaitons doter l’Assemblée des Français de l’Etranger de compétences décisionnelles dans les domaines de l’action sociale, de l’enseignement et de l’emploi. Non pour en rajouter à la complexité de l’action publique, mais au contraire pour agir efficacement au plus près des réalités locales en réponse aux attentes et difficultés de nos compatriotes, là où il y a actuellement carence. Cette collectivité publique devra bénéficier de ressources financières.
Penser à des ressources propres, à l’instar des collectivités territoriales, n’a non seulement rien de choquant, mais est même souhaitable politiquement et budgétairement. L’on pourrait par exemple imaginer une taxe au moment de la délivrance des passeports. Des sous, il en existe pour qui veut conduire une autre politique que celle du tour de vis pour les Français de l’étranger. A une question écrite de notre ami Richard Yung en 2009, le Ministère du Budget avait ainsi répondu que 470 millions d’Euros avaient été payés au titre de l’impôt sur le revenu par des foyers fiscaux non-résidents en France pour l’exercice 2007.
Que fait la droite contre la fuite de fortunes françaises vers les paradis fiscaux ? Rien. Le bouclier fiscal n’a dissuadé personne de filer. Pire, ce mouvement s’est même poursuivi depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Il y a quelques années, je m’étais attiré quelques remarques embarrassées de l’administration après avoir marqué vertement et publiquement mon opposition à l’élection comme président d’une société de bienfaisance d’un exilé fiscal. Je prétendais (et prétends toujours) qu’il était choquant au plan citoyen de voir quelqu’un qui avait choisi à dessein de fuir l’impôt en France venir en même temps solliciter la solidarité nationale pour une subvention au bénéfice d’une organisation tendant par ailleurs davantage à la charité qu’à l’action sociale. Que n’avais-je dit dans ces salons où l’expression du désaccord au milieu d’échanges compassés est presque blasphématoire !
Voilà pourquoi l’hypocrisie des réactions des Sénateurs UMP de l’étranger hier à la proposition, certes à tout le moins maladroite, de Jérôme Cahuzac me met en rage. A un peu plus d’un an de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, je n’en retiens qu’une chose : la démission de l’Etat. C’est cette politique que je combats.
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