Chaque été, je retrouve avec bonheur la Bretagne, ma famille et mes amis. J’en ai besoin. Besoin de de faire le plein d’iode, de lumière, de douceur et de paix. La Bretagne, c’est un peu tout cela pour moi. Je suis né à Quimper et j’ai grandi à Ergué-Gabéric. J’ai vécu en Cornouaille jusqu’au début de ma vie d’adulte. Les études, le travail, les rencontres, les choix aussi m’ont ensuite conduit ailleurs. Retrouver les rues de Quimper, les ports bigoudens, les vastes étendues de la baie d’Audierne, les reliefs de l’Arrée, c’est renouer avec mon histoire. C’est aussi, peu à peu, la transmettre à mes enfants. Les années passent et l’émotion demeure, intacte et vive. J’aime profondément cette région, ses paysages, sa culture, sa langue. Qu’est-ce qu’être breton, a fortiori de l’étranger ? C’est être attaché à un art de vivre, une énergie, une volonté, une ouverture, un regard généreux sur le monde. Partout où je me rends, en circonscription et au-delà, je retrouve des Bretons. Nous sommes de grands voyageurs. Nous échangeons souvenirs et anecdotes, heureux plus que tout de les partager autour de nous. Car la Bretagne est un état d’esprit, une terre d’accueil.
J’ai eu la chance à l’âge des études de travailler plusieurs étés au Télégramme de Brest. Cette expérience de journaliste m’a beaucoup marqué. Rien n’est plus passionnant que d’aller au contact des gens, de les écouter, de les raconter. Je conserve depuis lors une fidélité affective au Télégramme pour ce qu’il m’a apporté et j’ai plaisir à le lire à chaque fois que je retrouve la Bretagne. Cet été, la page des vacances donnait chaque jour la parole à un amoureux ou une amoureuse de la Bretagne, connu(e) ou pas, pour qu’il ou elle raconte ses étés bretons. L’idée, construite autour de questions souvent identiques, était superbe. Je commençais ma lecture quotidienne par cette interview. Alors que le mois d’août tire sur la fin et que la page des vacances a désormais laissé place à d’autres rubriques, je me suis dit que je pouvais piocher dans ces questions pour dire à mon tour ce que furent mes étés bretons. Dans mes réponses, je n’échappe sans doute pas à la nostalgie. A plus de 50 ans, c’est immanquable. Les souvenirs ne sont pourtant pas un regret. Ils sont d’abord une force. Aimer la Bretagne, c’est en effet regarder devant.
Voilà les questions et mes réponses. Bonne lecture et Bevet Breizh !
Un lieu ?
La côte bigoudène, de Loctudy à Saint-Guénolé, avec une halte à la chapelle Notre-Dame de la joie, face à l’immensité de l’océan. Ce chemin, je l’ai fait si souvent sur mon vélo. Aujourd’hui encore, la lumière particulière du ciel continue de m’émouvoir. J’aime la fin du jour du côté de Kérity, lorsque le ciel prend une teinte parfois violette, aussi fugace qu’irréelle.
Une photo ?
Pas une, mais plein. Celles prises par Michel Thersiquel, qui raconte avec une immense humanité les gens de Bretagne, d’Armor comme d’Argoat. Ses portraits de Bigoudènes me touchent particulièrement. Dans leur regard transparaissent la force, la bonté, la simplicité et l’humilité. La difficulté de la vie et les épreuves aussi. Des clichés bouleversants parce que tellement vrais.
Un tableau ?
« La mémoire des murs », peint par l’artiste nantais Olivier de Sagazan il y a près de 30 ans. Je l’avais vu au Salon de Bénodet. J’étais membre du jury. Ce tableau m’avait fasciné. J’aurais adoré pouvoir me l’offrir. Des couleurs chaudes, des cafetières rangées, un décor tranquille et pourtant formidablement évocateur. Comme une madeleine de Proust pour le jeune homme que j’étais.
Un livre ?
Une BD, en vérité. De Charles Kérivel, « Du termaji chez les Penn-Sardinn’ ». Je devais avoir 13 ou 14 ans lorsque je l’ai lue. Les expressions bretonnes employées ou francisées sont hilarantes. Il fallait sans doute être du coin pour les comprendre et, par chance, je l’étais. Comme l’aurait dit ma grand-mère, j’ai eu du goût à lire Kérivel et cela continue !
Une odeur ?
Celle des fleurs des champs, lorsque l’été tire ses derniers feux. Une odeur douce, que l’on sait fragile et éphémère. Je la respirais à pleins poumons lorsque je partais sur mon vélo au hasard des chemins, sur les hauteurs de Quimerc’h, le village de mon père, mon village, où nous terminions les vacances avant la rentrée des classes.
Une couleur ?
Le vert. Le vert de nos champs. Le vert de l’océan aussi, après la tempête, dans la mer d’Iroise.
Une plage ?
La plage de Lodonnec à Loctudy. J’y ai tant de souvenirs. Premières brasses, première épuisette, premier masque de plongée, première planche à voile. Une plage familiale, avec de beaux rochers, où l’on découvre à marée basse les merveilles que laisse la mer.
Un produit de la mer ?
Un tourteau aux pinces généreuses, remonté d’un casier quelque part sur la côte bigoudène. On le mange lentement, doucement, avec bonheur et délectation, après l’avoir longuement admiré.
Un produit de la terre ?
Les crêpes, bien sûr. Pour leur goût, leur délicatesse et la passion mise à les préparer. Je me souviens d’avoir poussé un jour de grand vent la porte d’une crêperie au Conquet. L’odeur douce qui m’avait accueilli était merveilleuse, accueillante, enivrante et paisible.
Un souvenir ?
Les grandes heures du Circuit de l’Aulne à Châteaulin. Des dizaines de milliers de spectateurs enthousiastes, massés un lundi de la fin août pour voir passer les héros du Tour de France et le champion du monde sacré la veille. J’attendais cette course comme on attend Noël, fasciné et émerveillé. Avec ma famille, nous arrivions tôt le matin avec notre casse-croûte pour avoir une belle place près de l’arrivée. Je voyais passer Merckx, Thévenet, Ocana, Hinault, Zoetemelk, tous les champions. Comme j’aimerais que le Circuit de l’Aulne revive !
Une chanson ?
« Le sud », de Nino Ferrer. Elle passait dans les transistors un été, lorsque ma famille campait dans un petit verger à Loctudy. Cette chanson n’a pas pris une ride. Elle nous rappelle la beauté et la fragilité des choses, des gens et du temps qui passe.
Laisser un commentaire