La demande d’intervention européenne dans le domaine du droit de la famille répond à une préoccupation croissante des citoyens dans tous les Etats membres de l’Union. C’est un sujet que j’avais développé le 3 mars dernier « Droit de la famille et citoyenneté européenne ».
Autour de 350 000 mariages entre couples de nationalités différentes sont célébrés chaque année dans l’Union européenne et près de 170 000 divorces internationaux y sont prononcés. 34 000 de ces divorces sont prononcés en Allemagne, 20 000 en France et un peu plus de 19 000 au Royaume-Uni. Les divorces internationaux exposent très souvent les couples à une grande insécurité juridique, découlant de l’introduction de la procédure par l’un des époux dans l’Etat membre où il/elle pense que ses intérêts seront les mieux défendus.
Afin de prévenir cette situation, une proposition de Règlement avait été présentée par la Commission européenne en 2006 afin de déterminer la loi applicable et le tribunal compétent. Connue sous le nom de Rome III, cette proposition de Règlement avait fait en 2008 l’objet d’un veto de la Suède, soucieuse de protéger sa législation nationale en matière de conflit de lois.
Que s’est-il passé depuis le 3 mars ? La Commission européenne a, à la fin du mois de mars, accepté la demande de 9 Etats membres (Autriche, Bulgarie, France, Hongrie, Italie, Luxembourg, Roumanie, Slovénie et Espagne) d’adopter le Règlement de Rome III par coopération renforcée sur leurs territoires respectifs. C’est un choix auquel le précédent collège de Jose Manuel Durao Barroso, sous l’influence de l’ancien Commissaire Jacques Barrot, s’était toujours refusé, arguant qu’une coopération renforcée menacerait la cohésion de l’espace européen de justice, dont sont déjà exemptés pour une large part le Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande. L’Allemagne, la Belgique, Lettonie, Malte et le Portugal se sont joints au groupe de 9 à la fin du mois de mai.
Le 1er juin, la Commission des Affaires Juridiques du Parlement européen a donné son feu vert à l’approbation de la proposition de coopération renforcée en séance plénière en juillet. En parallèle, les 27 Ministres de la Justice de l’Union, réunis le 4 juin, ont autorisé les désormais 14 Etats membres à aller de l’avant. La coopération renforcée sera donc mise en place sitôt le vote du Parlement européen acquis.
Le moment est d’importance, à la fois parce que le sujet touche à une réelle difficulté de vie quotidienne pour des centaines de milliers d’Européens et aussi parce que cette coopération renforcée sera la toute première mise en œuvre depuis son introduction par le Traité d’Amsterdam en 1997. Les couples « internationaux » (couples de nationalités différentes, couples vivant en dehors de l’Union ou vivant dans un autre Etat membre que celui ou ceux dont ils sont les ressortissants) pourront choisir au moment de leur séparation la loi régissant leur divorce.
Celle-ci devra être celle d’un Etat membre avec lequel ils possèdent un lien étroit, comme la résidence ou la nationalité. Dans l’hypothèse où les époux ne parviendraient pas à un accord sur le choix de la loi applicable, le divorce et la séparation de corps seront soumis à la loi de l’Etat membre de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ou, à défaut, de leur dernière résidence habituelle dès lors que l’un des époux y réside encore au moment de la saisine de la juridiction ou, à défaut, de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction ou, à défaut de la loi de l’Etat membre dont la juridiction est choisie.
Il faut se féliciter que le choix de la coopération renforcée ait permis de dépasser un veto qui bloquait tout progrès. Sans doute est-ce par coopération renforcée que d’autres aspects essentiels et souvent douloureux du droit de la famille pourront aussi être traités, comme les obligations alimentaires, les déplacements illicites d’enfants et les successions transnationales.
Il faut prendre le pari que le succès d’une coopération renforcée finira par convaincre peu à peu les Etats membres qui choisissent initialement de ne pas s’y associer de faire le saut d’un progrès européen concret, correspondant à une attente citoyenne.
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