J’ai effectué un voyage à Prague les 10-11 décembre. Notre communauté en République tchèque croît régulièrement et vient récemment de dépasser les 4 000 inscrits sur le registre des Français de l’étranger, dont près de 80% vivent dans la capitale ou aux alentours de celle-ci. La solidité de l’économie tchèque explique pour une large part ce mouvement d’installation dans le pays. Le taux de croissance pour cette année dépassera les 3,5%. Le chômage à Prague n’excède pas 2% et s’établit à 6% au plan national. La République tchèque possède une économie ouverte, dépendante de ses principaux voisins européens et notamment de l’Allemagne, son premier partenaire commercial et premier investisseur. Les exportations et plus récemment l’investissement public sont les moteurs de la croissance. Le gouvernement social-démocrate du Premier ministre Bohuslav Sobotka, au pouvoir depuis 2014, a mis en place une politique budgétaire qui s’est traduite par de nouvelles marges de manœuvre autorisant une hausse des salaires dans la fonction publique, la ré-indexation des retraites et une meilleure couverture des dépenses maladie.
Ce dynamisme économique profite à l’ensemble de la société tchèque dont les revenus progressent, même si de fortes disparités régionales demeurent. A l’invitation de l’Ambassadeur de France Jean-Pierre Asvazadourian, j’ai pu m’entretenir avec plusieurs représentants de la communauté d’affaires franco-tchèque, le service économique de l’Ambassade et Business France. Nous avons évoqué notamment l’agro-alimentaire, les travaux publics et les questions énergétiques. L’extension du programme nucléaire tchèque fait l’objet d’un suivi attentif par le poste. La République tchèque n’a pas encore adopté l’Euro. Cependant, après des années d’euroscepticisme alimenté par l’ancien Président Vaclav Klaus, conduisant en particulier le pays à se joindre au Royaume-Uni dans le refus de signer le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en 2012, un tour nouveau a été pris depuis 2014. Le passage à la monnaie unique souhaité par le gouvernement Sobotka pourrait intervenir vers 2020-2021. La République tchèque bénéficie par ailleurs du concours précieux des fonds européens, notamment pour les investissements dans les infrastructures.
Je me suis rendu à la Chambre des députés pour une réunion avec plusieurs parlementaires, conduits par Dana Vahalova, présidente de la délégation tchèque à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe et du groupe d’amitié avec la France. L’ensemble des familles politiques étaient représentées. J’ai été frappé par l’hostilité unanime de mes interlocuteurs à l’accueil des réfugiés en République tchèque et par leur véhémence. Je connaissais certes la position du gouvernement tchèque contre le plan de relocalisation adopté par le Conseil des Ministres en septembre dernier, mais une chose est d’en entendre parler et une autre est de vivre in situ cette opposition, ouvertement attribuée à la religion musulmane de la plupart des réfugiés arrivant par la route des Balkans. La volonté de préserver coûte que coûte une société pourtant peu marquée d’immigration et la peur irraisonnée qui conduit à confondre islam et islamisme expliquent ce mouvement de rejet. Je n’ai pu qu’exprimer à mes interlocuteurs une position différente et rappeler que le cadre européen implique pour chacun de nos pays des devoirs autant que des droits. J’ai également débattu de ce thème à l’Ambassade avec Beata Szakacsova, juriste auprès du Défenseur des droits.
Accompagné par Helena Briardova, conseillère consulaire, j’ai visité les nouvelles installations de l’Institut français de Prague, où m’a accueilli la directrice et conseillère culturelle Isabelle Guisnel. Ces installations avaient été inaugurées en octobre dernier par Denis Pietton, président de l’Institut français, décédé la semaine passée, pour qui j’ai une pensée émue. Un travail important de restructuration et de consolidation de l’Institut, par lequel passent près de 3 000 apprenants par an, a été accompli. J’ai pu échanger avec les personnels de l’Institut et les remercier pour leur engagement. J’ai visité la médiathèque, où figure au mur la plaque rendant hommage à Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, qui enseigna à Prague et vécut la montée des périls dans les années 1930. Le Kino 35, salle de cinéma totalement modernisée et dotée de plus de 200 places, est le joyau de l’Institut. Elle permet une magnifique programmation tout au long de l’année comme à l’occasion du festival du film français le mois passé. C’est à l’Institut que j’ai tenu ma permanence et ma réunion publique de compte-rendu de mandat.
Je suis allé au Lycée français, dont j’aide la rénovation du centre de documentation et d’information au titre de ma réserve parlementaire pour 2015. J’y ai retrouvé le proviseur Christophe Laborde et l’équipe de direction. J’ai rencontré une délégation d’enseignants ainsi que le conseil des délégués pour la vie lycéenne. Je suis intervenu devant l’une des classes de CM2 sur ma vie de député. Le lycée compte 850 élèves, dont 45% de Français. Bien appuyés sur la maternelle bilingue (français-anglais), ses effectifs croissent au rythme de 6% à l’année contre 1,5% en moyenne mondiale. Les coûts de scolarité élevés sont cependant une difficulté pour nombre de familles françaises, non-éligibles aux bourses scolaires. J’ai relayé auprès de la direction les craintes exprimées par plusieurs parents d’élèves lors de ma permanence et par le conseiller consulaire Guillaume Eloy. Pour réduire ces coûts, j’ai suggéré d’explorer avec la ville de Prague l’idée d’un partenariat similaire au statut d’Ersatzschule en Allemagne, qui se traduit par le versement d’une subvention en retour d’engagements, notamment linguistiques.
Il est clair que l’avenir de l’établissement est le sujet essentiel pour notre communauté à Prague. Un projet immobilier de 1,8 million d’Euros, entièrement autofinancé par le Lycée, permettra prochainement d’ajouter 6 salles de classe supplémentaires de manière à faire face à l’augmentation des effectifs. Je regrette la ponction de 200 000 Euros pratiquée d’autorité cet automne par l’AEFE sur le fonds de roulement du lycée, certes bien doté, mais qui constitue la base nécessaire pour son développement futur. Ceci peut décourager, voire même mettre en danger les efforts communs consentis depuis des années par les parents. J’avais sollicité le Ministre des Affaires étrangères en novembre sur la ponction opérée à Vienne, je le ferai également au retour à Paris cette semaine concernant Prague. A mesure que de jeunes familles françaises ou franco-tchèques s’installent à Prague, il est important en effet que le lycée propose une offre scolaire abordable, en termes de programmes, de locaux et surtout de coûts d’écolage. Un regard particulier devra être porté en parallèle sur l’enveloppe des bourses.
Une part de l’augmentation récente du nombre de Français en République tchèque tient également à l’arrivée de personnes à la retraite, parfois avec une histoire familiale lointaine dans cette partie de l’Europe. Le coût de la vie à Prague, très abordable, et la qualité des soins de santé y sont dispensés sont pour beaucoup dans ce mouvement que m’a présenté, chiffres à l’appui, la Consule Cécile Walck. Je reviendrai à Prague dans le courant du printemps prochain pour l’inauguration du centre de documentation et d’information du lycée. J’espère alors pouvoir aller saluer la doyenne des Français de République tchèque et peut-être même du monde, Marguerite Dumont, qui avait fêté ses 103 ans la veille de mon arrivée. Mariée à un Tchèque rencontré à Paris, elle s’est installée avec lui à Prague dans les années 1930 et y a traversé tout le siècle passé, entre heures sombres et moments de liberté. Lors de ce prochain voyage, je me rendrai également à Brno, où je n’ai pu aller cette fois-ci.
Je remercie l’Ambassadeur Jean-Pierre Asvazadourian et ses collaborateurs pour la gentillesse de leur accueil. Merci aussi aux conseillers consulaires Helena Briardova, Guillaume Eloi et Dorothée Leydier pour leur présence, leurs questions et leur engagement.
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