Je me suis rendu du 10 au 12 novembre au Monténégro. Ma dernière visite à Podgorica remontait à juin 2014 (lire ici). En deux ans, j’ai trouvé le pays changé. Dans la capitale comme sur la côte adriatique, où j’ai passé la journée du 11 novembre, la croissance économique a conduit à l’ouverture de nombreux nouveaux commerces et services. Cette évolution est impressionnante. Après avoir été rudement touché par la crise économique de 2008-2009, le Monténégro a rapidement rebondi, enregistrant en 2015 de même que vraisemblablement pour l’année 2016 un taux de croissance supérieur à 4%, essentiellement porté par le secteur touristique. Cette croissance est-elle suffisamment pourvoyeuse d’emplois, sachant que le taux de chômage reste élevé, à hauteur de 17% ? Rien n’est moins sûr selon les interlocuteurs que j’ai pu rencontrer, Français établis de longue date dans le pays comme représentants de divers médias. Le Monténégro a besoin de se donner une perspective de développement économique de long terme privilégiant, certes, ses importants atouts touristiques, sur la côte et dans la partie montagneuse à l’est du pays, mais construisant également une base solide pour d’autres activités (énergie, production viticole, IT, notamment).
Les élections législatives au Monténégro ont eu lieu le mois passé. Le développement économique et la lutte contre le chômage n’ont pas été au centre de la campagne. Le sujet majeur de cette campagne, clivant profondément les formations politiques et l’électorat, aura été l’adhésion du pays à l’OTAN. Le protocole d’adhésion du Monténégro a été signé à Bruxelles le 19 mai dernier. Le DPS du Premier ministre Milo Djukanovic l’a emporté nettement avec plus de 40% des voix, sans toutefois conquérir une majorité absolue en sièges au Parlement. Une coalition avec les députés élus sur les sièges réservés aux minorités ainsi qu’avec une petite formation social-démocrate sera donc nécessaire. Curieux parcours que celui de Milo Djukanovic, au pouvoir depuis 1991, lorsque la Yougoslavie existait encore, arrivé à la politique derrière Slobodan Milosevic et devenu ces dernières années un leader pro-occidental assumé, sans toutefois perdre de vue la manne financière russe qui a largement contribué au décollage économique de son pays après l’indépendance. Milo Djukanovic a indiqué récemment ne plus vouloir diriger le gouvernement, mais restera président du DPS. Le Front démocratique défait dans les urnes le 16 octobre dernier, pro-russe, hostile à l’adhésion à l’OTAN, conteste le résultat des élections et refuse de siéger au Parlement.
Mes échanges politiques à Podgorica ont porté pour une large part sur l’adhésion à l’OTAN. Je suis le rapporteur de l’Assemblée nationale sur la ratification par la France du protocole d’adhésion du 19 mai. Je prépare en ce moment le rapport que je défendrai devant la Commission des Affaires étrangères le 29 novembre, puis dans l’Hémicycle le 1er décembre. Je soutiens fermement l’adhésion du Monténégro. J’estime que cette perspective euro-atlantique est un élément essentiel pour la sécurité et la stabilité du pays comme des Balkans occidentaux plus largement. Le Monténégro, depuis son indépendance, a œuvré très utilement pour la paix dans cette région encore troublée. Il entretient de bonnes relations avec l’ensemble de ses voisins, quand bien même la perspective d’adhésion à l’OTAN a refroidi quelque peu le lien avec la Serbie (et la Russie, dont les investissements ont depuis lors chuté de moitié). Les objectifs de politique européenne et étrangère du Monténégro sont calés sur ceux de l’Union européenne. Les négociations pour l’adhésion à l’Union ont commencé en 2012. 24 chapitres sur les 35 que compte l’acquis communautaire ont été ouverts. Dans le cadre de l’Instrument de pré-adhésion, le pays est éligible au soutien de l’Union européenne à hauteur de 270,5 millions d’Euros sur la période 2014-2020.
La France accompagne le processus d’intégration euro-atlantique du Monténégro. Un effort tout particulier est consenti par notre pays dans les domaines de l’Etat de droit (indépendance de la justice, notamment), de la construction de l’outil administratif et de la maîtrise de la langue française. Un accord avec l’Organisation Internationale de la Francophonie permet ainsi à l’Institut français de former à notre langue les hauts-fonctionnaires monténégrins. J’ai retrouvé l’Institut avec plaisir. Situé dans le centre de Podgorica, il forme désormais plus de 600 apprenants. Ses locaux ont été profondément rénovés l’an passé. J’ai inauguré symboliquement, entouré d’enfants et en présence de l’Ambassadrice Christine Toudic et du Directeur Jean-Jacques Forté, la salle d’accueil des tous petits, financée par un don de ma réserve parlementaire. Le succès de l’Institut français doit être mis en valeur. Il s’agit du seul institut culturel au Monténégro, dont sont absents les traditionnels concurrents que sont le British Council, l’Institut Cervantes, le Goethe Institut et l’Institut Dante. Je regrette que l’Institut français du Monténégro, en dépit de son engagement et de ses résultats, ait à souffrir d’une contraction de ses crédits. Le Monténégro est un partenaire stratégique. Il faut que la France y investisse en présence et influence.
Notre Ambassade à Podgorica est désormais un poste de présence diplomatique à format très allégé (PPD). Cette décision, prise en 2014, est très regrettable. Un poste diplomatique reposant sur 5 emplois à temps plein ne peut, malgré tout le talent et l’engagement de l’équipe qui le compose, réaliser de miracles. Quel est le sens, même budgétaire, de transformer en PPD une Ambassade de plein exercice dans un Etat candidat à l’Union européenne et d’y supprimer les services consulaires (désormais dispersés entre Tirana, Belgrade et Sarajevo) ? Plus de 500 compatriotes vivent tout ou partie de l’année au Monténégro et 50.000 autres l’ont visité l’an passé. Une fois le Monténégro intégré à l’Union européenne, il faudra en tout état de cause y recréer une Ambassade de plein exercice et y réinstaller une section consulaire. Ce n’est donc pas d’effectifs réduits et de vaines recherches d’économies dont il devrait être question, mais de se donner au contraire les moyens d’une action diplomatique durable dans un pays important pour la paix et la stabilité dans les Balkans. L’Ambassade de France s’apprête à déménager sous peu vers de nouveaux locaux pris en location. Pourquoi ? C’est plutôt à l’achat d’un bien immobilier que nous devrions nous atteler. A terme, une location coûte toujours plus cher à l’Etat.
J’ai rencontré à Podgorica le comité de soutien au retour d’un service consulaire au Monténégro. Je comprends ce combat et en ai parlé tant au Ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault qu’au Secrétaire d’Etat chargé des Français de l’étranger Matthias Fekl. Il faut doter l’Ambassade de France à Tirana d’une valise Itinera pour les tournées consulaires au Monténégro afin d’éviter des déplacements longs pour les démarches demandant une comparution personnelle. De même, il est nécessaire de nommer un Consul honoraire sur la côte. Je regrette l’incapacité chronique du Ministère des Affaires étrangères à anticiper ce que sera la présence française à horizon de 10 ans, au risque, par une seule logique comptable, de fonctionner à la petite semaine. Il est clair qu’il y aura de plus en plus de compatriotes à s’installer au Monténégro et il faut d’ailleurs le souhaiter. Ce pays ne doit pas être jugé sur sa petite taille et son nombre réduit d’habitants, mais sur son rôle stratégique dans la région et les opportunités économiques qui accompagneront son intégration euro-atlantique. Les investissements français au Monténégro se résument essentiellement aujourd’hui au parc éolien de Krnovo et à la Société Générale. Une Ambassade de plein exercice et une école française, entre autres, seront utiles pour attirer d’autres investisseurs.
Avec l’Ambassadrice Christine Toudic et Jean-Jacques Forté, je suis allé à Herceg Novi, à la frontière avec la Croatie, pour commémorer l’armistice du 11 novembre. Sur place nous attendaient les représentants de la municipalité, de même que plusieurs compatriotes venus d’aussi loin que la frontière albanaise. Il y a 97 ans, alors que la guerre de 1914-1918 venait de s’achever, les Poilus ont construit sur les hauteurs de la ville, face aux magnifiques Bouches de Kotor, une stèle à la mémoire des soldats de l’armée napoléonienne tués et enterrés sur place, à flanc de montagne, en 1806. J’ai déposé une gerbe de fleurs et rappelé combien le devoir de mémoire est nécessaire. Tant de Français, victimes des guerres, reposent à l’étranger. Il faut honorer leur souvenir et leur sacrifice, ne jamais les oublier. J’ai été touché par l’accueil de la municipalité d’Herceg Novi. Un grand festival s’y tiendra au mois de février prochain, dont la France sera l’invitée d’honneur. Notre poste y est étroitement associé. J’ai promis un coup de main, notamment pour trouver le chef requis pour préparer le grand diner français attendu. Ces rendez-vous ne sont pas anecdotiques, ils construisent la confiance et l’avenir. Sans doute faudrait-il aussi ajouter quelques partenariats avec des villes françaises autour des atouts du Monténégro comme le nautisme, le vin ou la montagne.
Je remercie l’Ambassadrice Christine Toudic et Jean-Jacques Forté pour la gentillesse de leur accueil et le précieux soutien dans la préparation de mon déplacement.
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