Les livres font partie de ma vie. A la question classique «quel livre prendriez-vous sur une île déserte ?», je serais bien en peine de répondre, surtout si cette question m’était posée au singulier. Un seul livre, ce serait vraiment dur, presqu’une punition, surtout si l’île, en plus d’être déserte, était également lointaine. Depuis toujours, depuis mes toutes premières lectures (comme Nathalie Loiseau, j’étais un fan de « Fantomette »…), j’ai aimé avoir un petit tas de bouquins à proximité, sur un fauteuil ou une table de chevet. Lire, lire encore, lire toujours, être surpris, touché, bousculé, enthousiasmé, seule la littérature fait passer par de pareils sentiments. En fin d’été dernier, j’avais été bouleversé par la lecture de « Leurs enfants après eux », le roman de Nicolas Mathieu, récompensé peu après par le Prix Goncourt. Je l’ai relu deux fois, espérant trouver (et trouvant) dans une relecture immédiate des clés supplémentaires de compréhension de l’œuvre. Et j’ai offert ce livre à plusieurs amis depuis.
Avoir la religion des livres, c’est goûter ce moment particulier, tentant et doux, où l’on choisit un ouvrage, se réjouissant de l’ouvrir. Il m’arrive parfois de filer vite vers la maison, un livre à la main, pressé d’entamer ma lecture. Député, j’avais œuvré à Paris pour que le gouvernement français, initialement peu convaincu, accepte la proposition des organisateurs de la Foire du livre de Francfort de faire de la France le pays invité d’honneur à l’automne 2017. C’était une occasion unique de valoriser la littérature française et plus largement francophone. A quelques-uns, à force d’enthousiasme, nous y étions parvenus. J’avais reçu à l’Assemblée nationale une importante délégation de l’industrie du livre. Il y avait la dimension économique et bien sûr la dimension culturelle. L’une des choses qui m’intéressait le plus était la diffusion du livre, l’aval de l’industrie. Car je me refuse que le livre soit une commodité. Je crois mordicus en l’exception culturelle.
Un livre doit être recommandé. Par qui ? Par un libraire, par une personne ou une équipe qui partagent avec le lecteur le bonheur de lire. J’ai la chance d’habiter près d’une librairie dirigée par un passionné, Éric Haegelsteen. La librairie s’appelle Candide et elle est située sur la place Georges-Brugmann à Ixelles. Voilà 10 ans que je m’y rends. Combien de fois, entrant pour acheter le journal, n’en suis-je pas sorti avec un livre. Car sur le chemin, entre les rayonnages, apparaissent sur les ouvrages de petits bandeaux jaunes avec le nom de celle ou celui des collaborateurs de Candide qui les ont lus et peuvent en parler. Se faire conseiller, échanger sur les mérites d’un livre ou le talent d’un auteur, y déceler l’émotion, là est la précieuse valeur ajoutée du libraire. Rien n’est plus triste que les supermarchés du livre aux surfaces impersonnelles ou, pire encore, les services sans âme d’un grand acteur global du commerce en ligne, plus prompt à l’optimisation fiscale qu’à promouvoir le plaisir de lire.
Candide est une belle aventure. Voilà une décennie qu’Éric Haegelsteen, après une carrière dans le monde de l’entreprise en Afrique, a repris la librairie. Éric et ses collaborateurs choisissent librement les livres qu’ils liront et dont ils se feront les critiques. Les clients du quartier, mais aussi ceux qui viennent de plus loin se sont pris au jeu. Dans la file, près de la caisse, j’ai souvent entendu cette phrase que je formule aussi parfois : «que pourriez-vous bien me recommander aujourd’hui ?». Et cela marche. A Candide, « L’art de perdre » d’Alice Zeniter, Prix Goncourt des lycéens en 2017, s’est ainsi vendu à 1000 exemplaires. Et le magnifique ouvrage « Congo, une histoire » de David Van Reybrouck à 800 exemplaires. Tous les trimestres paraît une newsletter, qui présente les livres et l’actualité de la librairie. Je ne la manque jamais. Peu à peu, sa lecture m’a gagné au point de me laisser désormais guider par les recommandations de Candide au-delà de mes passions immédiates.
J’ai eu envie de partager tout cela par ce petit post. Les idées, les volontés, les belles histoires, la fragilité aussi, il faut les raconter. Il faut défendre les libraires indépendants, ceux qui font vivre un récit autant qu’une industrie, ceux qui comptent au cœur d’une ville, d’un quartier ou sur une place par le lien qu’ils créent et l’imagination qu’ils déploient. C’est un message pour ici et plus loin, une cause à porter. Candide, c’est tout cela pour moi. C’est un lieu de vie, d’échange et de liberté. C’est une porte que l’on pousse, un temps que l’on prend. Nous vivons une époque où l’authenticité devient une vertu rare. Elle doit être reconnue et protégée. Merci à Éric, Stéphanie, Amélie, Charlotte et tous ceux qui, à Candide, font vivre tous les jours le bonheur des livres.
Congo, une histoire » de David Van Reybrouck est un livre passionnant
Pour Congo une histoire je confirme l’intérêt de ce livre décapant. Quand je visite une ville je cherche toujours à débusquer les bonnes librairies et les vieux cafés où lire la presse