Elle s’appelait Catherine. Nous l’appelions Shoubi, ce joli surnom qu’elle s’était choisi au temps des études. Elle avait un si grand sourire. Elle était joyeuse. Elle parlait tant. Elle était un merveilleux tourbillon. Shoubi, c’était une touffe de cheveux blonds comme les blés. Et un cœur immense, toujours à la recherche du bonheur. C’était à Bruges, à la fin des années 1980. Nous étions arrivés chacun de notre coin d’Europe. Nous ne nous connaissions pas. Shoubi venait de Vendée. Elle le racontait parfois. Elle écoutait, nous interrogeait, riait, souvent aux éclats. Elle aimait aussi, secrètement et si fort, l’un d’entre nous. Elle avait une si belle âme. Elle était notre âme.
C’est à cette âme que je pense ce soir. A cette vie qui est partie, vaincue par la maladie. Tant d’années de souffrance, de combat. L’an passé, elle nous avait livré un témoignage bouleversant à l’occasion des 30 ans de notre promotion. Face à elle, il y avait tous ses amis. « The College of Europe saved my life », avait-elle dit. Ces 30 ans, elle voulait en être. Elle ne lâcherait rien. Et elle en fut, au-delà des misères et des traitements, revenant de si loin. Le Collège d’Europe, les amitiés, les passions, les souvenirs l’avaient portée. Elle nous donnait une formidable leçon de vie. « J’ai besoin de vous, je suis là », disait-elle. Et nous aussi, nous étions là. Pour elle.
Shoubi aimait les livres, les histoires, les choses croustillantes de la politique. Nos conversations n’avaient pas de fin. Elle fourmillait d’idées. Combien de fois n’ai-je pas entendu cette expression : « raconte-moi! ». Elle était allongée, ses yeux en alerte. Elle se redressait, écoutait, donnait son avis, argumentait, riait. C’était la vie jusqu’au bout. Elle rêvait de crêpes bretonnes et de biscuits « Pailles d’Or ». Comme une Madeleine de Proust. Nous parlions de l’enfance, des jeux et des souvenirs, de ceux qui comptaient, de ceux qui n’étaient plus. Ils n’étaient jamais loin. Des photos les rappelaient, discrètement, passionnément. Ces photos auront accompagné Shoubi jusqu’au bout.
Nous sommes nombreux ce soir à avoir le cœur en peine. A nous dire sans doute que la vie est injuste et à reconnaître plus sûrement le bonheur qu’elle nous a donné de rencontrer Shoubi. Longtemps, toujours même, je me souviendrai des visites nocturnes, des petits coups sur ma porte, dans notre résidence au bord des canaux de Bruges. Nous étions jeunes, c’était l’hiver ou le printemps, Bruges et l’avenir étaient à nous. Je reverrai ce joli visage, cet optimisme, cette irrésistible envie de vivre. Comme une conversation entamée il y a plus de 30 ans et qui, par-delà ce triste moment, restera. Shoubi vivra dans nos cœurs. Elle a rejoint son papa et son frère Olivier. En paix.
Shoubi
Elle s’appelait Catherine. Nous l’appelions Shoubi, ce joli surnom qu’elle s’était choisi au temps des études. Elle avait un si grand sourire. Elle était joyeuse. Elle parlait tant. Elle était un merveilleux tourbillon. Shoubi, c’était une touffe de cheveux blonds comme les blés. Et un cœur immense, toujours à la recherche du bonheur. C’était à Bruges, à la fin des années 1980. Nous étions arrivés chacun de notre coin d’Europe. Nous ne nous connaissions pas. Shoubi venait de Vendée. Elle le racontait parfois. Elle écoutait, nous interrogeait, riait, souvent aux éclats. Elle aimait aussi, secrètement et si fort, l’un d’entre nous. Elle avait une si belle âme. Elle était notre âme.
C’est à cette âme que je pense ce soir. A cette vie qui est partie, vaincue par la maladie. Tant d’années de souffrance, de combat. L’an passé, elle nous avait livré un témoignage bouleversant à l’occasion des 30 ans de notre promotion. Face à elle, il y avait tous ses amis. « The College of Europe saved my life », avait-elle dit. Ces 30 ans, elle voulait en être. Elle ne lâcherait rien. Et elle en fut, au-delà des misères et des traitements, revenant de si loin. Le Collège d’Europe, les amitiés, les passions, les souvenirs l’avaient portée. Elle nous donnait une formidable leçon de vie. « J’ai besoin de vous, je suis là », disait-elle. Et nous aussi, nous étions là. Pour elle.
Shoubi aimait les livres, les histoires, les choses croustillantes de la politique. Nos conversations n’avaient pas de fin. Elle fourmillait d’idées. Combien de fois n’ai-je pas entendu cette expression : « raconte-moi! ». Elle était allongée, ses yeux en alerte. Elle se redressait, écoutait, donnait son avis, argumentait, riait. C’était la vie jusqu’au bout. Elle rêvait de crêpes bretonnes et de biscuits « Pailles d’Or ». Comme une Madeleine de Proust. Nous parlions de l’enfance, des jeux et des souvenirs, de ceux qui comptaient, de ceux qui n’étaient plus. Ils n’étaient jamais loin. Des photos les rappelaient, discrètement, passionnément. Ces photos auront accompagné Shoubi jusqu’au bout.
Nous sommes nombreux ce soir à avoir le cœur en peine. A nous dire sans doute que la vie est injuste et à reconnaître plus sûrement le bonheur qu’elle nous a donné de rencontrer Shoubi. Longtemps, toujours même, je me souviendrai des visites nocturnes, des petits coups sur ma porte, dans notre résidence au bord des canaux de Bruges. Nous étions jeunes, c’était l’hiver ou le printemps, Bruges et l’avenir étaient à nous. Je reverrai ce joli visage, cet optimisme, cette irrésistible envie de vivre. Comme une conversation entamée il y a plus de 30 ans et qui, par-delà ce triste moment, restera. Shoubi vivra dans nos cœurs. Elle a rejoint son papa et son frère Olivier. En paix.