Il y a deux ans, quatre organisations non-gouvernementales (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas-Hulot) avaient recueilli plus de 2,3 millions de signatures de citoyens au bas d’une pétition, “L’affaire du siècle”, dénonçant l’inaction de l’Etat dans la lutte effective contre le réchauffement climatique. Après la pétition était intervenu le dépôt d’un recours par ces mêmes ONG devant le tribunal administratif de Paris pour carence fautive. Qu’en ferait le tribunal administratif ? De sa réponse dépendrait largement la capacité, déjà mise en œuvre dans d’autres pays, de faire avancer – ou non – la justice climatique en France. C’est peu dire que l’arrêt du tribunal administratif était donc attendu. A l’arrivée, cet arrêt, rendu public hier, offre aux ONG un timide succès.
Le tribunal administratif de Paris reconnaît une faute de l’Etat en raison de son incapacité à tenir ses engagements de réduction de gaz à effet de serre. Pour mémoire, ceux-ci sont de réduire les émissions de 40% en 2030 par rapport à au niveau de 1990 et d’atteindre la neutralité carbone pour 2050. A l’évidence, la trajectoire récente n’y conduit pas. C’est la première fois qu’une faute de cette nature est retenue à l’encontre de l’Etat et cela constitue en soi un précédent notable. Est-ce pour autant un jugement révolutionnaire ? Non, car au-delà de la condamnation de l’Etat à verser aux ONG un Euro symbolique au titre du préjudice moral résultant de sa carence fautive, le tribunal administratif de Paris laisse sans réponse à ce stade la question centrale : la réparation du préjudice écologique.
Il revient désormais aux ONG d’apporter les éléments d’évaluation de ce préjudice pour permettre sa réparation. Le tribunal administratif a prononcé en effet un supplément d’instruction à cette fin, assorti d’un délai de deux mois. Un deuxième jugement interviendra donc, plus important, plus fondateur pour la justice climatique en France que celui d’hier. La faiblesse de l’engagement de l’Etat contre le réchauffement climatique et les résultats insuffisants obtenus sont certes reconnus, mais l’Etat n’est pas non plus le seul fautif. Quelle est la part de sa carence dans la responsabilité d’une sécheresse ou d’inondations catastrophiques et quel contenu concret présentera en conséquence la réparation qu’il lui reviendra d’assumer ? C’est tout cela qui va se jouer dans les deux mois.
Rien n’est encore établi. Que peut décider le tribunal administratif de Paris? Il peut enjoindre l’Etat de prendre une série de mesures contraignantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, conformément à ses engagements. L’écart entre les résultats actuels et les engagements est grand : là où la réduction annuelle devrait être a minima de 1,5%, elle n’était que de 0,9% sur l’année mesurée la plus récente (2019). Le sujet est d’autant plus prégnant juridiquement (et in fine politiquement) qu’au cours de ces mêmes deux mois, le Conseil d’Etat se prononcera sur les réponses de l’Etat quant à sa capacité de tenir la trajectoire de réduction des émissions à l’horizon 2030, dans le cadre d’un recours pour inaction climatique présenté par la commune nordiste de Grande-Synthe.
Ces deux actions convergent et mettent l’Etat sous pression, tout comme la justice administrative. Les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par la France ne sont pas indicatifs, ils sont contraignants et s’imposent. On ne peut avoir été le pays hôte de l’accord de Paris de décembre 2015, se battre à raison pour sa mise en œuvre à travers le monde et échouer paradoxalement chez soi, faute de manifester la volonté que l’on attend ailleurs des autres. C’est là que la justice climatique se glisse, en recherchant par la saisine des cours et tribunaux à forcer l’action publique, en ouvrant la voie à la réparation du préjudice écologique, y compris même au bénéfice de personnes s’estimant nommément victimes des effets du réchauffement climatique.
Tout cela, en France, est encore à venir. L’arrêt du tribunal administratif de Paris du 3 février 2021 ne fait qu’entrouvrir une porte. C’est une étape importante, mais une étape seulement. La dimension contentieuse de l’action climatique est moins commune en France qu’elle ne l’est ailleurs en Europe ou même au-delà. Elle prend cependant un relief particulier au moment où, par coïncidence de calendrier (ou pas), l’agenda législatif du printemps s’ouvre à l’examen par le Parlement du projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne sur le climat et au projet de référendum visant à intégrer l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. C’est dire combien les prochains mois seront déterminants pour la justice climatique en France.
Le long chemin de la justice climatique
Il y a deux ans, quatre organisations non-gouvernementales (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas-Hulot) avaient recueilli plus de 2,3 millions de signatures de citoyens au bas d’une pétition, “L’affaire du siècle”, dénonçant l’inaction de l’Etat dans la lutte effective contre le réchauffement climatique. Après la pétition était intervenu le dépôt d’un recours par ces mêmes ONG devant le tribunal administratif de Paris pour carence fautive. Qu’en ferait le tribunal administratif ? De sa réponse dépendrait largement la capacité, déjà mise en œuvre dans d’autres pays, de faire avancer – ou non – la justice climatique en France. C’est peu dire que l’arrêt du tribunal administratif était donc attendu. A l’arrivée, cet arrêt, rendu public hier, offre aux ONG un timide succès.
Le tribunal administratif de Paris reconnaît une faute de l’Etat en raison de son incapacité à tenir ses engagements de réduction de gaz à effet de serre. Pour mémoire, ceux-ci sont de réduire les émissions de 40% en 2030 par rapport à au niveau de 1990 et d’atteindre la neutralité carbone pour 2050. A l’évidence, la trajectoire récente n’y conduit pas. C’est la première fois qu’une faute de cette nature est retenue à l’encontre de l’Etat et cela constitue en soi un précédent notable. Est-ce pour autant un jugement révolutionnaire ? Non, car au-delà de la condamnation de l’Etat à verser aux ONG un Euro symbolique au titre du préjudice moral résultant de sa carence fautive, le tribunal administratif de Paris laisse sans réponse à ce stade la question centrale : la réparation du préjudice écologique.
Il revient désormais aux ONG d’apporter les éléments d’évaluation de ce préjudice pour permettre sa réparation. Le tribunal administratif a prononcé en effet un supplément d’instruction à cette fin, assorti d’un délai de deux mois. Un deuxième jugement interviendra donc, plus important, plus fondateur pour la justice climatique en France que celui d’hier. La faiblesse de l’engagement de l’Etat contre le réchauffement climatique et les résultats insuffisants obtenus sont certes reconnus, mais l’Etat n’est pas non plus le seul fautif. Quelle est la part de sa carence dans la responsabilité d’une sécheresse ou d’inondations catastrophiques et quel contenu concret présentera en conséquence la réparation qu’il lui reviendra d’assumer ? C’est tout cela qui va se jouer dans les deux mois.
Rien n’est encore établi. Que peut décider le tribunal administratif de Paris? Il peut enjoindre l’Etat de prendre une série de mesures contraignantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, conformément à ses engagements. L’écart entre les résultats actuels et les engagements est grand : là où la réduction annuelle devrait être a minima de 1,5%, elle n’était que de 0,9% sur l’année mesurée la plus récente (2019). Le sujet est d’autant plus prégnant juridiquement (et in fine politiquement) qu’au cours de ces mêmes deux mois, le Conseil d’Etat se prononcera sur les réponses de l’Etat quant à sa capacité de tenir la trajectoire de réduction des émissions à l’horizon 2030, dans le cadre d’un recours pour inaction climatique présenté par la commune nordiste de Grande-Synthe.
Ces deux actions convergent et mettent l’Etat sous pression, tout comme la justice administrative. Les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par la France ne sont pas indicatifs, ils sont contraignants et s’imposent. On ne peut avoir été le pays hôte de l’accord de Paris de décembre 2015, se battre à raison pour sa mise en œuvre à travers le monde et échouer paradoxalement chez soi, faute de manifester la volonté que l’on attend ailleurs des autres. C’est là que la justice climatique se glisse, en recherchant par la saisine des cours et tribunaux à forcer l’action publique, en ouvrant la voie à la réparation du préjudice écologique, y compris même au bénéfice de personnes s’estimant nommément victimes des effets du réchauffement climatique.
Tout cela, en France, est encore à venir. L’arrêt du tribunal administratif de Paris du 3 février 2021 ne fait qu’entrouvrir une porte. C’est une étape importante, mais une étape seulement. La dimension contentieuse de l’action climatique est moins commune en France qu’elle ne l’est ailleurs en Europe ou même au-delà. Elle prend cependant un relief particulier au moment où, par coïncidence de calendrier (ou pas), l’agenda législatif du printemps s’ouvre à l’examen par le Parlement du projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne sur le climat et au projet de référendum visant à intégrer l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. C’est dire combien les prochains mois seront déterminants pour la justice climatique en France.