Depuis quelques jours, l’automne s’est installé. Le souvenir d’un été brûlant s’éloigne peu à peu, à mesure que les nouvelles inquiétantes de l’hiver qui vient s’imposent dans l’actualité et notre quotidien : inflation, pouvoir d’achat, crise énergétique, récession, guerre en Ukraine, huitième vague du Covid. Les mois à venir seront redoutables pour le monde et pour nous tous. Mieux vaut le dire avec les mots qu’il faut que de rosir un discours sans plus savoir pourquoi. Il faut expliquer ce qui nous attend, parler avec justesse de ces périls et surtout n’en oublier aucun. Or, la crainte que l’on peut nourrir est que le climat disparaisse à nouveau des radars et des priorités de l’action publique lorsque le froid s’installera. Rien ne serait pourtant plus dramatique tant la crise climatique est là, menaçante, profonde et déjà pour partie hors de contrôle. Du printemps à ces dernières semaines, ce sont des situations extrêmes et inédites que nous avons affrontées : températures caniculaires prolongées, sécheresses terribles, incendies gigantesques, orages d’une violence inouïe. Rien dans la mémoire humaine n’égale la somme de ces catastrophes, les unes après les autres, les unes avec les autres. Et ce pour une raison toute simple : la concentration de gaz à effets de serre continue d’augmenter.
Nous sommes prisonniers de notre addiction au pétrole, au gaz et au charbon. C’est de la combustion de ces énergies fossiles que procèdent très largement les émissions de gaz à effet de serre. La pandémie avait porté un coup d’arrêt à la hausse des émissions en 2020. Dès 2021 cependant, le mouvement est reparti et 2022 aggravera malheureusement la tendance. Sur les cinq premiers mois de 2022 en comparaison aux mêmes premiers mois en 2019, l’augmentation des émissions mondiales de CO2 est de 1,2%. Ces émissions proviennent majoritairement de la production d’électricité et des activités industrielles. Les pays concernés sont notamment les Etats-Unis, certains pays européens et l’Inde. Les sept dernières années ont été les années les plus chaudes enregistrées à ce jour et il ne fait plus grand doute que les prochaines années dépasseront à leur tour ces records. A ce rythme, c’est avant 2040 et en valeur tendancielle que le seuil de 1,5° d’augmentation de la température terrestre par rapport à l’ère préindustrielle sera atteint. Ce 1,5° d’augmentation de la température terrestre … d’ici à la fin du siècle est l’objectif de l’accord de Paris sur le climat de 2015. Cela veut dire que si rien ne change radicalement et vite, l’accord de Paris aura vécu.
Nous sommes aujourd’hui à un niveau de réchauffement de 1,1° par rapport à l’ère préindustrielle. C’est ce niveau de réchauffement qui a généré les phénomènes climatiques extrêmes de l’été passé. Une étude publiée récemment par une équipe de chercheurs sur le climat dans la revue Science a établi qu’à un niveau de réchauffement de 1,1°, la Terre risquait déjà de passer cinq seuils de rupture majeure, emportant de lourdes conséquences climatiques : la disparition des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest, le dégel du permafrost dans les régions boréales, l’extinction des coraux et l’arrêt d’une part de la circulation océanique dans le nord de l’océan Atlantique. Le dégel total du permafrost pourrait à son tour susciter un réchauffement supplémentaire entre 0,2° et 0,4° en raison du rejet des quantités de CO2 et de méthane actuellement piégées par le gel. Entre 1,5° degré et 2° d’augmentation de la température terrestre, l’autre trajectoire de l’accord de Paris, la même étude cite cinq autres seuils de rupture susceptibles d’être passés, conduisant à la disparition des glaciers de montagne ou à l’effondrement du courant océanique connu sous l’acronyme AMOC, qui joue un rôle critique de thermostat pour la Terre.
Voilà où nous en sommes. L’été 2022 nous a donné une idée des périls et bien pire est à venir si les décisions des Etats parties à l’accord de Paris n’étaient pas au niveau de leurs engagements. Si l’on veut contenir le réchauffement climatique à 1,5° d’ici à la fin du XXIème siècle, il faut pouvoir diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre pour 2030 – dans 8 ans – et atteindre coûte que coûte la neutralité carbone d’ici à 2050. Aujourd’hui, si rien ne changeait, c’est une augmentation de quelque 2,6° de la température terrestre qui attendrait la Terre en 2100. A ce niveau d’emballement, d’autres seuils de rupture seraient dépassés, conduisant à l’effondrement de la forêt amazonienne et à la disparition des puits de carbone qu’elle constitue pour la planète. L’augmentation du niveau de la mer s’établirait à plusieurs mètres, submergeant des espaces côtiers, des villes, des régions et des Etats entiers. Dépasser ces points de rupture créerait selon les climatologues une bascule irréversible, une perte de contrôle et de prévisibilité sur la régulation du climat de la Terre, quand bien même la température mondiale devait à terme se stabiliser. Cette perspective terrifiante est tristement plausible, sans prise de conscience et décisions radicales.
Le temps nous est compté. Les promesses sont insuffisantes. Il faut des actes, concrets, massifs, en rupture. L’Union européenne doit montrer le chemin, comme elle le fait depuis plus de 30 ans et chaque Etat membre en son sein doit assumer sa part de responsabilités. Etat-hôte de l’accord de Paris, la France a un devoir d’exemplarité. La condamnation du gouvernement par le Conseil d’Etat pour inaction climatique est une tache qu’il faut effacer par la preuve. Il en est de même des objectifs non-atteints en termes de déploiement des énergies renouvelables, seul pays de l’Union dans cette embarrassante situation. Le Green Deal européen nous contraint et c’est tant mieux. Il faut libérer les initiatives, simplifier les procédures, cesser de mégoter et d’avoir peur de tout, arrêter d’opposer les énergies renouvelables et le nucléaire, les unir pour nous libérer des énergies fossiles. Il faut planifier, allouer les moyens, associer les industries et la finance aux décisions, mobiliser la recherche et le développement, fixer des objectifs contraignants de baisse des émissions par secteur et par région, ne tolérer aucune exception ni traitement de faveur. C’est en étant au clair chez nous que nous agirons efficacement dans les enceintes multilatérales. Car c’est maintenant que tout se joue.
C’est maintenant que tout se joue
Depuis quelques jours, l’automne s’est installé. Le souvenir d’un été brûlant s’éloigne peu à peu, à mesure que les nouvelles inquiétantes de l’hiver qui vient s’imposent dans l’actualité et notre quotidien : inflation, pouvoir d’achat, crise énergétique, récession, guerre en Ukraine, huitième vague du Covid. Les mois à venir seront redoutables pour le monde et pour nous tous. Mieux vaut le dire avec les mots qu’il faut que de rosir un discours sans plus savoir pourquoi. Il faut expliquer ce qui nous attend, parler avec justesse de ces périls et surtout n’en oublier aucun. Or, la crainte que l’on peut nourrir est que le climat disparaisse à nouveau des radars et des priorités de l’action publique lorsque le froid s’installera. Rien ne serait pourtant plus dramatique tant la crise climatique est là, menaçante, profonde et déjà pour partie hors de contrôle. Du printemps à ces dernières semaines, ce sont des situations extrêmes et inédites que nous avons affrontées : températures caniculaires prolongées, sécheresses terribles, incendies gigantesques, orages d’une violence inouïe. Rien dans la mémoire humaine n’égale la somme de ces catastrophes, les unes après les autres, les unes avec les autres. Et ce pour une raison toute simple : la concentration de gaz à effets de serre continue d’augmenter.
Nous sommes prisonniers de notre addiction au pétrole, au gaz et au charbon. C’est de la combustion de ces énergies fossiles que procèdent très largement les émissions de gaz à effet de serre. La pandémie avait porté un coup d’arrêt à la hausse des émissions en 2020. Dès 2021 cependant, le mouvement est reparti et 2022 aggravera malheureusement la tendance. Sur les cinq premiers mois de 2022 en comparaison aux mêmes premiers mois en 2019, l’augmentation des émissions mondiales de CO2 est de 1,2%. Ces émissions proviennent majoritairement de la production d’électricité et des activités industrielles. Les pays concernés sont notamment les Etats-Unis, certains pays européens et l’Inde. Les sept dernières années ont été les années les plus chaudes enregistrées à ce jour et il ne fait plus grand doute que les prochaines années dépasseront à leur tour ces records. A ce rythme, c’est avant 2040 et en valeur tendancielle que le seuil de 1,5° d’augmentation de la température terrestre par rapport à l’ère préindustrielle sera atteint. Ce 1,5° d’augmentation de la température terrestre … d’ici à la fin du siècle est l’objectif de l’accord de Paris sur le climat de 2015. Cela veut dire que si rien ne change radicalement et vite, l’accord de Paris aura vécu.
Nous sommes aujourd’hui à un niveau de réchauffement de 1,1° par rapport à l’ère préindustrielle. C’est ce niveau de réchauffement qui a généré les phénomènes climatiques extrêmes de l’été passé. Une étude publiée récemment par une équipe de chercheurs sur le climat dans la revue Science a établi qu’à un niveau de réchauffement de 1,1°, la Terre risquait déjà de passer cinq seuils de rupture majeure, emportant de lourdes conséquences climatiques : la disparition des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest, le dégel du permafrost dans les régions boréales, l’extinction des coraux et l’arrêt d’une part de la circulation océanique dans le nord de l’océan Atlantique. Le dégel total du permafrost pourrait à son tour susciter un réchauffement supplémentaire entre 0,2° et 0,4° en raison du rejet des quantités de CO2 et de méthane actuellement piégées par le gel. Entre 1,5° degré et 2° d’augmentation de la température terrestre, l’autre trajectoire de l’accord de Paris, la même étude cite cinq autres seuils de rupture susceptibles d’être passés, conduisant à la disparition des glaciers de montagne ou à l’effondrement du courant océanique connu sous l’acronyme AMOC, qui joue un rôle critique de thermostat pour la Terre.
Voilà où nous en sommes. L’été 2022 nous a donné une idée des périls et bien pire est à venir si les décisions des Etats parties à l’accord de Paris n’étaient pas au niveau de leurs engagements. Si l’on veut contenir le réchauffement climatique à 1,5° d’ici à la fin du XXIème siècle, il faut pouvoir diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre pour 2030 – dans 8 ans – et atteindre coûte que coûte la neutralité carbone d’ici à 2050. Aujourd’hui, si rien ne changeait, c’est une augmentation de quelque 2,6° de la température terrestre qui attendrait la Terre en 2100. A ce niveau d’emballement, d’autres seuils de rupture seraient dépassés, conduisant à l’effondrement de la forêt amazonienne et à la disparition des puits de carbone qu’elle constitue pour la planète. L’augmentation du niveau de la mer s’établirait à plusieurs mètres, submergeant des espaces côtiers, des villes, des régions et des Etats entiers. Dépasser ces points de rupture créerait selon les climatologues une bascule irréversible, une perte de contrôle et de prévisibilité sur la régulation du climat de la Terre, quand bien même la température mondiale devait à terme se stabiliser. Cette perspective terrifiante est tristement plausible, sans prise de conscience et décisions radicales.
Le temps nous est compté. Les promesses sont insuffisantes. Il faut des actes, concrets, massifs, en rupture. L’Union européenne doit montrer le chemin, comme elle le fait depuis plus de 30 ans et chaque Etat membre en son sein doit assumer sa part de responsabilités. Etat-hôte de l’accord de Paris, la France a un devoir d’exemplarité. La condamnation du gouvernement par le Conseil d’Etat pour inaction climatique est une tache qu’il faut effacer par la preuve. Il en est de même des objectifs non-atteints en termes de déploiement des énergies renouvelables, seul pays de l’Union dans cette embarrassante situation. Le Green Deal européen nous contraint et c’est tant mieux. Il faut libérer les initiatives, simplifier les procédures, cesser de mégoter et d’avoir peur de tout, arrêter d’opposer les énergies renouvelables et le nucléaire, les unir pour nous libérer des énergies fossiles. Il faut planifier, allouer les moyens, associer les industries et la finance aux décisions, mobiliser la recherche et le développement, fixer des objectifs contraignants de baisse des émissions par secteur et par région, ne tolérer aucune exception ni traitement de faveur. C’est en étant au clair chez nous que nous agirons efficacement dans les enceintes multilatérales. Car c’est maintenant que tout se joue.