Au soir des élections européennes, le Président de la République a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives les 30 juin et 7 juillet prochains. Cette dissolution était inévitable. Elle était sans doute même devenue souhaitable au regard de l’impasse politique profonde dans laquelle glissait inexorablement la France depuis plusieurs mois. Je l’imaginais cependant pour l’automne, de l’autre côté de l’été, après les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Nous vivons une période difficile, morose, rageuse, et un peu de joie, de soleil, de repos, de passion aurait, je crois, fait du bien avant d’aller en conscience et lucidement aux urnes. Il en a été décidé autrement. Une campagne très courte s’amorce désormais. Dans deux semaines, nous y serons déjà. Il n’y aura pas ou peu de débats. Les réseaux sociaux, à l’inverse, fonctionneront à plein. La question in fine sera de savoir si les Français éliront une majorité de députés d’extrême-droite à l’Assemblée nationale, confiant les clés du gouvernement de la France à Jordan Bardella et à Marine Le Pen. Il n’y en aura pas d’autre. Ce sera un référendum sur le Rassemblement national, comme les élections européennes auront été un référendum sur Emmanuel Macron.
Le temps n’est plus à la réflexion, à l’analyse des responsabilités, à la politique politicienne, à la procrastination. Il est à l’action et il est au choix. Faut-il se résigner à ce que l’inégalité de traitement entre les citoyens, fondée sur leurs origines, leur couleur de peau ou leur religion, devienne le fil conducteur de l’action de la France pour au moins 3 ans ? Faut-il accepter que notre pays se jette dans les bras de Poutine, de Trump, d’Orban et de tous les satrapes planétaires et climatosceptiques dont le trait commun est la haine de la démocratie, de la liberté et du droit ? Faut-il renoncer à l’Europe, s’isoler de nos voisins, barricader notre économie et courir à la ruine ? Je ne peux me résoudre à ce que ce scénario devienne réalité le mois prochain. La situation dans laquelle se trouve la France en ce vendredi 14 juin est sidérante. Il y a à peine une semaine, nous célébrions le courage et la liberté à Omaha Beach, la victoire de l’idéal contre le pire… L’extrême-droite est un poison. L’histoire nous a appris que lorsqu’elle gagne le pouvoir par les urnes, elle ne le rend jamais de la même manière. Elle hait la démocratie, l’Etat de droit et s’applique méthodiquement à les déconstruire. Elle a toujours fait du mal à la France. Elle n’est pas la France.
L’heure est grave. Avec plus de 30% d’intentions de vote au premier tour, le Rassemblement national sera présent partout au second tour le 7 juillet. Contre qui ? Contre un adversaire que j’espère républicain. Cet adversaire-là, s’il/elle est irréprochable sur l’antisémitisme, sur l’Ukraine et par le comportement, aura ma voix. Je suis un homme de gauche. J’ai été député. L’égalité et l’universalisme sont au cœur de mes convictions. Ma gauche est une gauche réaliste, laïque, européenne, à la recherche du compromis social. J’ai voté pour Emmanuel Macron. J’ai apprécié son action durant la pandémie. C’était un temps social-démocrate. J’ai été peiné par la réforme des retraites et la loi immigration. J’aurais aimé qu’il n’oublie pas cette gauche qui l’avait soutenu et dont, je crois, il venait. J’ai attendu des propositions sur le pouvoir d’achat, en réponse aux souffrances sociales et au sentiment ravageur de relégation. J’espérais un front républicain, par-delà les différences politiques, préfigurant peut-être une coalition pour gouverner et un rassemblement inédit pour notre pays parce que la période l’exige. Les propositions ne sont pas venues et le rassemblement ne s’est pas fait. Nous tous qui ne voulons pas de l’extrême-droite allons malheureusement divisés aux élections.
Rien n’est pourtant encore écrit. Levons-nous ! Votons, faisons voter. C’est maintenant que tout se joue. Je sais d’où je viens. Je me souviens des miens, de leurs récits des combats glorieux, depuis la Résistance au militantisme politique et syndical dans le Finistère. Je me souviens de leur humilité aussi. Ils avaient, comme tant d’autres Français, la passion simple et belle de notre pays. Ils savaient se rassembler, se dépasser aussi. Ce souvenir m’oblige autant qu’il m’émeut. Nous sommes certainement des millions, une majorité à partager la même histoire, cette même volonté de préserver la France de l’extrême-droite, du racisme et du rejet de l’autre. Il faudra nous retrouver, si ce n’est au premier tour, certainement au second tour, que l’on soit de gauche, du centre, de droite ou d’ailleurs, et donc d’abord et passionnément de la République. J’ai été inspiré par la campagne européenne de Raphaël Glucksmann. J’ai aussi des amis à Renaissance, au MoDem, à LR, au PS, chez les écologistes. Ces différences, parfois grandes, parce qu’elles sont respectueuses et dignes, sont nos richesses. Nous savons que ce ne sont pas des murs qui construiront l’avenir de la France et du monde, mais le combat pour le développement de tous, contre la misère, l’abandon et le désespoir.
Depuis dimanche, j’ai reçu des messages d’amis, de parents, d’électeurs et d’électrices m’encourageant à me présenter aux élections législatives. J’en ai été touché, surpris, et pour tout dire ébranlé aussi. Je ne les attendais pas. Et, oui, pendant ces quelques jours, j’ai envisagé une candidature. Je suis à l’écart de la vie publique depuis 7 ans, mais l’amour de la France et la disponibilité pour la servir demeurent ancrés en moi. Je ne peux me résoudre à voir notre pays se perdre et cheminer vers l’abîme. Il fallait cependant que ma candidature, si je la présentais, puisse rassembler largement, qu’elle ne divise pas davantage cet espace politique opposé à l’extrême-droite, qu’elle soit utile et mieux, qu’elle soit décisive. C’est parce que le risque de division existait que j’ai choisi de ne pas la présenter. Le plus important n’était pas mon retour à la vie publique, le plus important est notre avenir à tous. Il nous reste si peu de temps d’ici au 30 juin et au 7 juillet pour mobiliser. Chaque voix comptera. Aucune peine ne doit être épargnée pour parler, convaincre, rassembler. C’est une mission qui nous engage et que nous avons en partage. Elle sera difficile, acharnée, mais j’ai confiance que nous saurons, pour notre pays et parce que l’essentiel est en jeu, la mener à bien.
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De toutes les forces de la France
Ce soir, dimanche 30 juin, à l’issue du premier tour des élections législatives, le Rassemblement national n’est plus qu’à une marche du pouvoir. Dans une semaine, il peut conquérir la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale. C’est dire combien l’enjeu des prochains jours est immense. Le vote pour l’extrême-droite est une expression de colère, de désarroi, de rage, de désillusion. Ce ressentiment, je le comprends. Il tient aux inégalités de richesse, aux ruptures territoriales et générationnelles, à l’éloignement des services publics, aux déserts médicaux, à la désindustrialisation, à l’insécurité. Mais la France, pourtant, n’est pas un pays de racistes et de fascistes. Ce serait une erreur, une faute même, de le penser. C’est un pays que mine depuis longtemps la peur sourde du déclassement, de la relégation sociale, de l’invisibilité. Les Français attendent que l’on s’occupe d’eux, de la réalité de leurs vies, qu’on ne leur parle ni de haut ni de loin, mais sincèrement, dignement, en responsabilité et avec des actes. Le Rassemblement national a su s’emparer de cette peur à l’œuvre dans la société, des carences de l’action et de la parole publique, pour alimenter l’illusion que son projet et ses idées sont ce qu’il faut pour la France et les Français.
La vérité est que l’extrême-droite, historiquement, a toujours joué contre les plus fragiles. Le progrès partagé ne l’intéresse pas. Ce n’est pas différent pour le Rassemblement national. L’extrême-droite n’aime pas la démocratie, les droits et libertés, les étrangers. Nous en avons eu le triste exemple avec la proposition d’écarter les binationaux de l’accès à la fonction publique française. A-t-on mesuré à quel point cette différence revendiquée de droits entre Français était révélatrice ? L’extrême-droite divise, discrimine selon la couleur de peau, les opinions et les religions. Elle se défie de la République, qu’elle ne goûte pas davantage aujourd’hui qu’hier. Avec le Rassemblement national, nous n’aurons ni la liberté, ni l’égalité, encore moins la fraternité. Ce n’est pas lui qui construira la solidarité nationale, entrainera l’économie, protègera l’environnement, portera en Europe et dans le monde une parole émancipatrice au nom de la France. Au droit, il opposera la force et l’arbitraire. Il sapera l’indépendance de la justice et la liberté des médias, comme l’ont fait ses alliés en Hongrie et en Pologne. Il confiera à ses protecteurs, les Bolloré et autres, nos chaînes de service public privatisées pour réduire la liberté de pensée, éliminer les contre-pouvoirs et rendre demain l’alternance impossible.
Le péril est immense pour la République. L’illibéralisme ne peut être l’avenir de la France, le renversement des alliances en faveur de Poutine et contre la construction européenne non plus. C’est pourtant cela qui nous attend si, faute de sursaut dans les prochains jours, le Rassemblement national profite des nombreuses élections triangulaires au second tour pour s’imposer et gagner une majorité absolue. Tout se jouera ce soir, cette nuit, demain. Il faut que toutes les formations politiques retirent leur candidat(e) arrivé(e) en troisième position dans chaque circonscription où le succès du Rassemblement national est possible par la division de ses concurrents. Face au Rassemblement national, il ne doit rester qu’un(e)seul(e) candidat(e). Le moment exige de dépasser les divergences politiques et les inimitiés personnelles, de s’élever au-delà des calculs et des ambitions pour protéger notre pays, et de soutenir activement et sincèrement celle ou celui qui affrontera l’extrême-droite. Lorsque tant est en jeu, il ne peut plus être question de « ni, ni ». Il faut se rassembler, sans exclusive, sans mégoter, de la gauche à la droite par un pacte inédit, dans la fidélité à cette grande et belle communauté qui nous unit : la République. C’est possible. Il le faut, de toutes les forces de la France.
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