Les longues semaines de confinement il y a bientôt 5 ans ont fait de moi un amateur de séries. J’avais mes livres – et j’en lis toujours beaucoup – mais j’avais besoin, pour tromper ces journées si particulières qui allaient marquer durablement le cours de nos vies, de voir de l’action, des images, des intrigues. Nous étions à résidence dans nos maisons, réduits à observer l’extérieur, à rêver d’y sortir sans crainte, et les séries étaient comme une bouée, une petite lucarne sur la vie soudainement devenue lointaine. Avant cela, j’avais regardé comme beaucoup quelques titres iconiques, parmi lesquels House of Cards et Borgen, sans cependant m’attacher au format ou au rendez-vous du soir, lorsque la maison s’endort et que le jingle de Netflix peut retentir presque mystérieusement. J’y suis venu de loin en loin, au fil de l’eau dira-t-on, captivé par une histoire ou des personnages, la force d’un scénario ou la puissance insoupçonnée de dialogues. Ainsi, sans en prendre réelle conscience, j’ai reporté peu à peu une part de mon besoin d’imaginaire sur le catalogue des plates-formes, là où le grand écran et les salles obscures avaient longtemps été inégalés. J’avais injustement l’idée que les séries étaient une création de moindre niveau et l’expérience, en vérité, m’a donné tort.
Toutes les séries ne sont certes pas géniales. Il y a pas mal de trucs décevants, voire nuls, mais j’ai vu des séries surprenantes qui m’ont réellement touché. Au mois de mai, j’avais écrit sur ce blog un petit post sur le moment que j’avais passé dans un bar tout simple de Madrid, lieu du tournage de la série Entrevias. J’avais adoré ma petite demi-heure devant un cafe solo, entouré d’habitués du quartier comme dans la série elle-même. J’avais eu envie de voir cet endroit qui m’était familier depuis mon salon à Bruxelles. J’ai l’impression aussi que cette découverte des séries m’a fait faire un tour d’Europe. Je fuis la violence et les scénarios par trop hollywoodiens. Cela m’a conduit vers des séries moins spectaculaires et tellement plus profondes en Finlande, en Suède, au Danemark, en Pologne, en Belgique, au Luxembourg, au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne, toujours regardées en version originale. Et au fond, de séries françaises, je n’en ai vu guère. Il y avait Marseille avec Depardieu et une autre, Le Chalet, que j’ai revue deux fois tant le scénario m’avait bluffé. Pourquoi la France est-elle moins profilée pour les séries que les pays scandinaves ou l’Espagne, par exemple ? Je ne le sais pas vraiment. A l’inverse, la création de certains pays ou de certaines régions comme la Galice m’impressionne.
On croise parfois dans les séries des actrices et acteurs venus du cinéma, mais la plupart des comédiens sont plus fréquents à la télévision. Je me souviens il y a quelques années qu’Alvaro Morte, l’interprète du personnage connu comme El Profesor, le cerveau de La Casa de Papel, ne faisait plus trois pas dans la rue sans déclencher des scènes d’hystérie collective. J’ai adoré La Casa de Papel. Je crois bien que je n’avais jamais vu un tel scénario et une mise en scène aussi impressionnante. Mais cette histoire m’a fait toucher du doigt aussi une interrogation à laquelle je n’ai pas de réponse : comment finir une série ? Les premiers moments de La Casa de Papel sur Antena 3 en Espagne n’avaient pas frappé l’opinion. Le succès national, puis planétaire n’est venu qu’après. Il fallait s’accrocher, se laisser emporter par une intrigue a priori incertaine. La série doit-elle être un filon que l’on exploite jusqu’à l’épuisement ? Je pense que non. La mort de Nairobi, puis celle de Tokyo dans La Casa de Papel ont choqué et peiné, comme si les scénaristes avaient fini par manquer d’idées et décider que pour durer, la violence devait nécessairement s’imposer ou le caractère des personnages changer du tout au tout, jusqu’à l’invraisemblance. Une série est tellement meilleure lorsqu’elle se termine sans suite ni retour.
C’est une ambiance, une atmosphère particulière que je recherche et que j’aime dans une série. Je pense au côté glacé et sombre de Deadwind, une série finlandaise qui m’avait captivé il y a un an ou deux. Ou à l’incertitude crispante qui règne dans Quicksand, une série suédoise adaptée du roman de Malin Persson Giolito, une amie de Bruxelles. J’ai besoin de me sentir pris, captivé par l’atmosphère. Peut-être est-ce là l’une des forces des séries. L’atmosphère s’y crée mieux par la longueur que dans un film. Un moment décisif peut aussi donner corps à une création. Il y a peu, j’allais abandonner la série espagnole La Sagrada Familia, que je trouvais poussive, lorsque deux scènes d’amour parallèles, inattendues et magnifiquement filmées sur la musique du tube Voyage, Voyage de Desireless m’ont maintenu devant l’écran et convaincu d’aller au bout. Ces 3 ou 4 minutes hallucinantes et surprenantes renversent un scénario improbable. Rien au fond ne doit être prévisible, ni des rythmes d’une histoire, ni de son déroulé. Et c’est peut-être là que les séries sont des créations encore jeunes, des champs entiers de réflexion à investiguer quant à l’art et la diversité des récits, les nombreuses manières de les faire vivre, la diversité formidable des styles, entre auteurs et scénaristes.
Ces sujets-là me passionnent. Notre monde est divers, nos sociétés sont diverses. Les séries doivent l’être aussi. Je suis depuis 5 ans l’un des administrateurs du Groupe Ouest, le laboratoire européen du récit pour la création audiovisuelle. J’adore cette aventure dans le monde de la fiction. Tout au bout de la Bretagne, sur la Côtes des Légendes, près de cet entrepôt d’échalotes rénové de Plounéour-Brignogan-Plages qui est notre repaire, souffle un vent d’aventure et d’imagination sans limite. Nous avons inscrit les séries dans la vie du Groupe Ouest, travaillant avec les meilleurs scénaristes d’Europe. L’art du récit et du scénario permet de toucher à des tas d’histoires et de sujets, en lien avec les mouvements de nos sociétés. Cela relève autant de la découverte des cultures qui font la richesse de l’Europe que des questions contemporaines touchant à la vie, à la liberté, à l’égalité, à la justice, à l’environnement et bien sûr aux belles et ravageuses passions de l’âme humaine. Je ne veux pas opposer le cinéma et les séries, j’ai besoin des deux. Il y a des histoires à écrire et à raconter qui peuvent emprunter bien des chemins. Il y a surtout tant à inventer. Le monde des séries est là pour durer, nous distraire, nous challenger et nous convaincre aussi.
Dans le désordre, mon top 20 des meilleures séries :
La Casa de Papel (Espagne)
Entrevias (Espagne)
O sabor das margaridas (Espagne / Galice)
Vivir sin permiso (Espagne)
Toy Boy (Espagne)
Deadwind (Finlande)
Quicksand (Suède)
Borgen (Danemark)
Bodkin (Irlande)
Capitani (Luxembourg)
Knokke off (Belgique / Flandre)
La Trêve (Belgique / Wallonie)
Le Chalet (France)
La Forêt (France)
Sans un mot (Pologne)
The Crown (Royaume-Uni)
The Queen’s Gambit (USA)
Unorthodox (USA)
House of Cards (USA)
The Perfect Couple (USA)
¿Quién mató a Sara? (Mexique)
Et la vidéo de cette scène de La Sagrada Familia que je trouve très belle :
Ces séries que j’ai aimées
Les longues semaines de confinement il y a bientôt 5 ans ont fait de moi un amateur de séries. J’avais mes livres – et j’en lis toujours beaucoup – mais j’avais besoin, pour tromper ces journées si particulières qui allaient marquer durablement le cours de nos vies, de voir de l’action, des images, des intrigues. Nous étions à résidence dans nos maisons, réduits à observer l’extérieur, à rêver d’y sortir sans crainte, et les séries étaient comme une bouée, une petite lucarne sur la vie soudainement devenue lointaine. Avant cela, j’avais regardé comme beaucoup quelques titres iconiques, parmi lesquels House of Cards et Borgen, sans cependant m’attacher au format ou au rendez-vous du soir, lorsque la maison s’endort et que le jingle de Netflix peut retentir presque mystérieusement. J’y suis venu de loin en loin, au fil de l’eau dira-t-on, captivé par une histoire ou des personnages, la force d’un scénario ou la puissance insoupçonnée de dialogues. Ainsi, sans en prendre réelle conscience, j’ai reporté peu à peu une part de mon besoin d’imaginaire sur le catalogue des plates-formes, là où le grand écran et les salles obscures avaient longtemps été inégalés. J’avais injustement l’idée que les séries étaient une création de moindre niveau et l’expérience, en vérité, m’a donné tort.
Toutes les séries ne sont certes pas géniales. Il y a pas mal de trucs décevants, voire nuls, mais j’ai vu des séries surprenantes qui m’ont réellement touché. Au mois de mai, j’avais écrit sur ce blog un petit post sur le moment que j’avais passé dans un bar tout simple de Madrid, lieu du tournage de la série Entrevias. J’avais adoré ma petite demi-heure devant un cafe solo, entouré d’habitués du quartier comme dans la série elle-même. J’avais eu envie de voir cet endroit qui m’était familier depuis mon salon à Bruxelles. J’ai l’impression aussi que cette découverte des séries m’a fait faire un tour d’Europe. Je fuis la violence et les scénarios par trop hollywoodiens. Cela m’a conduit vers des séries moins spectaculaires et tellement plus profondes en Finlande, en Suède, au Danemark, en Pologne, en Belgique, au Luxembourg, au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne, toujours regardées en version originale. Et au fond, de séries françaises, je n’en ai vu guère. Il y avait Marseille avec Depardieu et une autre, Le Chalet, que j’ai revue deux fois tant le scénario m’avait bluffé. Pourquoi la France est-elle moins profilée pour les séries que les pays scandinaves ou l’Espagne, par exemple ? Je ne le sais pas vraiment. A l’inverse, la création de certains pays ou de certaines régions comme la Galice m’impressionne.
On croise parfois dans les séries des actrices et acteurs venus du cinéma, mais la plupart des comédiens sont plus fréquents à la télévision. Je me souviens il y a quelques années qu’Alvaro Morte, l’interprète du personnage connu comme El Profesor, le cerveau de La Casa de Papel, ne faisait plus trois pas dans la rue sans déclencher des scènes d’hystérie collective. J’ai adoré La Casa de Papel. Je crois bien que je n’avais jamais vu un tel scénario et une mise en scène aussi impressionnante. Mais cette histoire m’a fait toucher du doigt aussi une interrogation à laquelle je n’ai pas de réponse : comment finir une série ? Les premiers moments de La Casa de Papel sur Antena 3 en Espagne n’avaient pas frappé l’opinion. Le succès national, puis planétaire n’est venu qu’après. Il fallait s’accrocher, se laisser emporter par une intrigue a priori incertaine. La série doit-elle être un filon que l’on exploite jusqu’à l’épuisement ? Je pense que non. La mort de Nairobi, puis celle de Tokyo dans La Casa de Papel ont choqué et peiné, comme si les scénaristes avaient fini par manquer d’idées et décider que pour durer, la violence devait nécessairement s’imposer ou le caractère des personnages changer du tout au tout, jusqu’à l’invraisemblance. Une série est tellement meilleure lorsqu’elle se termine sans suite ni retour.
C’est une ambiance, une atmosphère particulière que je recherche et que j’aime dans une série. Je pense au côté glacé et sombre de Deadwind, une série finlandaise qui m’avait captivé il y a un an ou deux. Ou à l’incertitude crispante qui règne dans Quicksand, une série suédoise adaptée du roman de Malin Persson Giolito, une amie de Bruxelles. J’ai besoin de me sentir pris, captivé par l’atmosphère. Peut-être est-ce là l’une des forces des séries. L’atmosphère s’y crée mieux par la longueur que dans un film. Un moment décisif peut aussi donner corps à une création. Il y a peu, j’allais abandonner la série espagnole La Sagrada Familia, que je trouvais poussive, lorsque deux scènes d’amour parallèles, inattendues et magnifiquement filmées sur la musique du tube Voyage, Voyage de Desireless m’ont maintenu devant l’écran et convaincu d’aller au bout. Ces 3 ou 4 minutes hallucinantes et surprenantes renversent un scénario improbable. Rien au fond ne doit être prévisible, ni des rythmes d’une histoire, ni de son déroulé. Et c’est peut-être là que les séries sont des créations encore jeunes, des champs entiers de réflexion à investiguer quant à l’art et la diversité des récits, les nombreuses manières de les faire vivre, la diversité formidable des styles, entre auteurs et scénaristes.
Ces sujets-là me passionnent. Notre monde est divers, nos sociétés sont diverses. Les séries doivent l’être aussi. Je suis depuis 5 ans l’un des administrateurs du Groupe Ouest, le laboratoire européen du récit pour la création audiovisuelle. J’adore cette aventure dans le monde de la fiction. Tout au bout de la Bretagne, sur la Côtes des Légendes, près de cet entrepôt d’échalotes rénové de Plounéour-Brignogan-Plages qui est notre repaire, souffle un vent d’aventure et d’imagination sans limite. Nous avons inscrit les séries dans la vie du Groupe Ouest, travaillant avec les meilleurs scénaristes d’Europe. L’art du récit et du scénario permet de toucher à des tas d’histoires et de sujets, en lien avec les mouvements de nos sociétés. Cela relève autant de la découverte des cultures qui font la richesse de l’Europe que des questions contemporaines touchant à la vie, à la liberté, à l’égalité, à la justice, à l’environnement et bien sûr aux belles et ravageuses passions de l’âme humaine. Je ne veux pas opposer le cinéma et les séries, j’ai besoin des deux. Il y a des histoires à écrire et à raconter qui peuvent emprunter bien des chemins. Il y a surtout tant à inventer. Le monde des séries est là pour durer, nous distraire, nous challenger et nous convaincre aussi.
Dans le désordre, mon top 20 des meilleures séries :
La Casa de Papel (Espagne)
Entrevias (Espagne)
O sabor das margaridas (Espagne / Galice)
Vivir sin permiso (Espagne)
Toy Boy (Espagne)
Deadwind (Finlande)
Quicksand (Suède)
Borgen (Danemark)
Bodkin (Irlande)
Capitani (Luxembourg)
Knokke off (Belgique / Flandre)
La Trêve (Belgique / Wallonie)
Le Chalet (France)
La Forêt (France)
Sans un mot (Pologne)
The Crown (Royaume-Uni)
The Queen’s Gambit (USA)
Unorthodox (USA)
House of Cards (USA)
The Perfect Couple (USA)
¿Quién mató a Sara? (Mexique)
Et la vidéo de cette scène de La Sagrada Familia que je trouve très belle :
https://www.facebook.com/watch/?v=1099755377346186