Passer au contenu

Changer le monde doit rester le rêve

Bréhat, novembre 2024

Une année s’achève, étrange, enthousiasmante, inquiétante et cruelle à la fois. J’aurais voulu me souvenir de 2024 pour la magie formidable des Jeux Olympiques de Paris. Ces semaines d’été furent un bonheur, une trêve unique au milieu des tumultes du monde, un moment magique que seules les valeurs du sport et l’universalité des Jeux pouvaient offrir. Mais je ne peux enlever de mes souvenirs les souffrances des Ukrainiens, celles des enfants de Gaza, celles des otages israéliens et de leurs familles, celles des Mahorais et des Valenciens victimes du climat déréglé. 2024, cela aura été ceci aussi. Le monde dans lequel nous vivons n’est pas seulement incertain, il est devenu dangereux. Je le regarde comme un ancien politique, comme un dirigeant d’entreprise, comme un père aussi. Il m’arrive de raconter à mes enfants quelques anecdotes sur le monde d’avant, lorsque j’avais leur âge. Je l’ai fait hier encore, pour leur parler de Jimmy Carter. Ce nom ne leur disait rien, bien sûr. C’était si loin et il y a si longtemps. Je leur ai raconté l’histoire d’un Président disparu à 100 ans et dont l’action de toute une vie aura été forgée par ses convictions, sa foi, son humanisme. C’était un temps où l’idéal avait son sens, remuait les cœurs et les foules, rassemblait les peuples et les géographies.

Je suis né optimiste. 2024 m’aura mis singulièrement à l’épreuve. Je n’aime pas le cynisme de la société, la violence des réseaux sociaux, la vulgarité dans le débat public, la mauvaise foi et – pardonnez l’expression – la connerie ambiante. Derrière un écran et souvent aussi un pseudonyme, la pleutrerie et la bêtise prolifèrent misérablement. Insulter, intimider ou menacer en ligne ne relève aucunement de la liberté d’expression. J’essaie de protéger mes enfants, de leur faire découvrir les belles choses et le sens de la vie, à l’écart de tous ces excès. Il y a la mer et les montagnes, les livres et la musique, les saveurs et la cuisine de leurs pays, ceux dont ils possèdent le passeport, ceux qu’ils aiment et qu’ils ont adoptés aussi. Tout cela est réel et doux. C’est cela, la vie. Ces bonheurs-là sont simples et nécessaires. Il faut savoir d’où l’on vient, qui étaient les nôtres, quels étaient leurs idées et leurs rêves. Il faut se construire un esprit critique, constructif et joyeux. Il faut penser librement, généreusement. Tant pis pour les grincheux, les tordus, les dingos et les pisse-vinaigres, qu’on laissera à leurs obsessions. Construire, ce n’est pas baratiner. Vouloir être heureux, c’est un état d’esprit. Je le tiens d’une grand-mère qui aura illuminé mon enfance tant elle aimait la vie.

Il y a quelques semaines, j’avais rassemblé toute ma famille sur l’île de Bréhat pour fêter mon anniversaire. Nous en avons parcouru les côtes et les grèves dans le vent de novembre. Du côté du phare du Paon, tout au nord de l’île, j’essayais de capturer en photo les merveilles des rochers de granit rose lorsqu’apparut dans l’objectif un petit photographe, lui-même à la recherche de la meilleure lumière. C’était mon fils Pablo, 11 ans, qui découvrait son premier appareil photo. Il ne bougeait pas, captivé, concentré, tendu comme un arc. Je l’observai, amusé, et fis la photo du photographe sur fond de côtes découpées, avec les ilots et les rochers dans le lointain. C’est cette photo qui illustre ce post. Pablo est revenu de Bréhat avec ses propres souvenirs, gravés non sur une pellicule, mais dans la mémoire d’un petit instrument offert à sa communion et qui l’accompagnera longtemps. J’ai aimé ce moment, comme j’aime ces matins ou ces soirs qui le voient, avec son frère et sa sœur, ouvrir un livre pour ne plus le lâcher, parce que lire, c’est vivre. Voilà ce qu’il faut faire, ce qu’il faut se souhaiter à la veille de l’année nouvelle : vivre, vivre intensément, vivre positivement. Je revendique ce droit à la vie et aux bonheurs simples. C’est mon idéal et ce sont aussi mes vœux.

2025 commencera demain. Les projets ne manquent pas. Au début du printemps, Marcos, du haut de ses 13 ans, et moi avons bien l’intention de courir en tandem les 10 km de Uccle en moins d’une heure. Il n’y a pas de petits exploits et les meilleurs sont toujours familiaux. J’alignerai mes vieilles jambes dûment entrainées sur quelques autres courses à pied belges, portugaises et bretonnes. Ai-je encore l’énergie pour courir un semi-marathon sous les deux heures ? Je le saurai bientôt. L’important est de participer, ou plutôt de « parcitiper » comme l’assurait ma petite Mariana avec un grand sourire il y a encore quelques années. Il y aura aussi le tour de l’île de Groix en kayak depuis Lorient, quelques cols pentus à escalader à vélo l’été venu, des sorties pédestres sur les terres bigoudènes, des tas d’articles à écrire et bien des bouquins à découvrir. Je crois que c’est la volonté et le cœur qu’il faut opposer à tous les tracas du monde, pour s’en protéger, mais aussi pour changer. Changer le monde doit rester le rêve, même si c’est fou, même si c’est dur, parce que c’est dur. Le plus important est de croire en son idéal, d’y mettre toute son énergie, de convaincre et se laisser convaincre, de prendre le pari de l’intelligence collective et de le gagner en rassemblant. Il n’en tient qu’à nous. L’avenir est toujours à écrire.

A vous tous, chères et chers amis qui me lisez jusqu’à cette ligne, je souhaite une belle et heureuse année 2025.