La 19ème Coupe du Monde de football commencera demain soir à Johannesburg. C’est la première fois qu’elle se déroule sur le continent africain. Le choix de l’Afrique du Sud comme pays organisateur résulte de l’engagement personnel du Président de la fédération internationale de football (FIFA), Sepp Blatter.
Il ne faisait et ne fait d’ailleurs toujours pas l’unanimité, à en juger par les commentaires grinçants entendus ici et là dans certains milieux européens du football, annonçant une Bérézina organisationnelle. Blatter a-t-il eu raison de s’engager comme il l’a fait pour l’Afrique du Sud ? Oui, n’en déplaise à une certaine bourgeoisie installée du foot. C’est le pari de l’universalité de ce sport qu’a fait la FIFA. Ce n’est que justice que le continent africain, pétri de tant de talents sportifs, reçoive enfin la charge d’organiser le plus grand évènement sportif de la planète.
La personnalité de Nelson Mandela a largement pesé en faveur du choix de l’Afrique du Sud. Reste que cette Coupe du Monde est une chance pour toute l’Afrique, sans doute aussi parce que, au-delà des différences de développement de pays à pays, il existe sur le continent une conscience commune forte liée à son histoire.
Réussie économiquement et sportivement, la Coupe du Monde renverra une autre image de l’Afrique que celle, souvent injustement véhiculée, de conflits sanglants, de corruption, de dictateurs, de pandémies et de famine. Le succès se jouera en particulier sur la sécurité et la participation du public.
Pas loin de 3,5 milliards d’Euros ont été investis, plus du double du coût de la Coupe du Monde en France en 1998. En retour, l’évènement devrait rapporter entre 0,5 et 0,7% de taux de croissance à l’Afrique du Sud, à en juger par l’expérience des précédents pays organisateurs. Et les infrastructures sportives, hôtelières et routières mises en place demeureront.
A l’heure de toutes les dérives du foot business, cette Coupe du Monde en terre africaine peut aussi aider à une prise de conscience en révélant, non seulement les talents qui sans nul doute s’exprimeront à l’occasion des matches, mais aussi la misère et les illusions vendues partout sur le continent par des intermédiaires douteux chargés (ou auto-chargés) de détecter de jeunes footballeurs candidats à l’expatriation vers les rémunérateurs championnats nationaux européens.
Or, tout le monde n’est pas Samuel Eto’o ou Didier Drogba. Pour un Eto’o, combien de jeunes africains n’échouent-ils pas, prestement virés d’un club, sans papier et même parfois à la rue quelque part en Europe ? Aux antipodes des valeurs du sport, il existe dans certains milieux du foot une exploitation éhontée de la naïveté et des rêves de tant de jeunes. Ces réseaux doivent être dénoncés et démantelés. Une Coupe du Monde réussie peut y contribuer.
Il y a en Afrique un ancien international français qui fait un travail formidable. Il s’agit de Jean-Marc Guillou, un nom qui rappellera des souvenirs de beau jeu aux footeux qui, comme moi, suivaient le championnat de France dans les années 1970. Jean-Marc Guillou, fondateur de l’école de football d’Abidjan, puis directeur technique et entraîneur de l’ASEC Abidjan, a créé l’Académie Jean-Marc Guillou il y a plus de 15 ans. C’est un label réunissant des écoles de football sur le continent africain (en Algérie et à Madagascar, notamment) et même au-delà désormais (Thaïlande).
Dans son académie, Guillou prône la formation des joueurs, technique bien sûr, mais aussi morale, arguant que le réalisme du football d’aujourd’hui, en clair son mercantilisme, a perverti tant de joueurs, d’entraîneurs et de dirigeants que les valeurs sportives ont fini par céder la place.
A l’heure où l’équipe de France doit sa présence en Afrique du Sud à un ballon orienté de la main, le travail discret, mais opiniâtre de Jean-Marc Guillou, qui forme peu à peu ces jeunes footballeurs, les dirigeant ensuite vers des clubs formateurs européens solides et sûrs, sonne comme une piqûre de rappel bienvenue.
Puissent donc les valeurs du sport, le respect, la générosité, le beau jeu et plus que tout l’intelligence s’imposer en Afrique du Sud. Le football et le sport doivent éveiller, émanciper et aussi unir.
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