Comment ne pas s’indigner d’apprendre que la banque d’affaires américaine Goldman Sachs, acteur majeur du jeu financier mondial, guère en reste ces derniers temps dans la spéculation sur la cessation de paiement de la Grèce et l’explosion de la zone Euro, ait pu, comme l’en soupçonne la Securities and Exchange Commission (SEC), vendre à ses clients à la fin 2006 des crédits subprimes qu’elle savait pertinemment toxiques au point de choisir de s’en délester en parallèle ?
Cela a conduit Goldman Sachs à engranger un magnifique bénéfice au moment de l’explosion de la bulle financière et les clients abusés à y laisser plus d’un milliard de dollars… Qu’une banque d’affaires en arrive à jouer sciemment le conflit d’intérêts montre à quel degré de folie la finance en était arrivée. Que l’économie réelle, les investissements productifs et les emplois sont loin dans tout cela!
Et que l’arrogance et le sentiment d’impunité demeurent grands, puisque c’est aussi Goldman Sachs qui, aux côtés d’autres puissantes institutions financières, dépense actuellement sans compter pour faire échouer au Congrès les propositions de Barack Obama sur la législation financière : ne surtout pas interdire aux banques de spéculer pour leur propre compte et de financer ou posséder des fonds spéculatifs. Quelle insupportable intrusion de l’Etat dans le jeu du marché ce serait! Continuer comme avant. C’est insupportable.
Le devoir de l’Europe est ne pas laisser l’administration démocrate mener la charge seule contre Goldman Sachs et d’autres banques soupçonnées des mêmes conflits d’intérêts. Car la bataille sera infiniment rude. C’est la lutte du pot de terre contre le pot de fer tant la puissance de feu du lobby de la finance est grande. Les Européens doivent se défendre et collaborer aussi avec la justice américaine. Tous les recours juridiques doivent être envisagés en Europe contre les conflits d’intérêts avérés.
La mobilisation politique, à commencer par celle des gouvernements de l’Union, est nécessaire également. Ainsi, à l’automne dernier, peu après les élections grecques ayant amené la victoire du PASOK, Goldman Sachs avait dépêché discrètement une délégation à Athènes pour tenter de vendre au nouveau gouvernement de George Papandreou un produit financier aux fins de débudgétiser une part de la dette du service de santé… L’affaire ne s’était pas faite.
Peu de temps après, Goldman Sachs et ses alliés entamaient la spéculation sur la cessation de paiement du pays. Elle se poursuit à ce jour. Songeons qu’il y a une dizaine de jours, le taux des obligations grecques culminait à 7,31%, obligeant le pays à payer deux fois plus que l’Allemagne pour emprunter sur les marchés financiers. Ce n’est pas tenable à terme pour la Grèce, pour les Grecs, soumis à des mesures d’austérité terribles, et pour l’Union européenne elle-même.
La lutte pour l’avenir de l’Union passe par la confrontation sans merci avec les spéculateurs. Par le courage, la volonté politique et la solidarité aussi. Or c’est peu dire que la réponse européenne à la crise grecque est laborieuse. L’accord intervenu entre Etats membres de la zone Euro à la fin mars n’aura pas eu l’effet recherché, la spéculation reprenant de plus belle quelques jours après.
Plus de détails sur l’accord ont été définis depuis, donnant – espérons-le – aux investisseurs la garantie que la Grèce ne se retrouvera en aucun cas en cessation de paiements. Il a été décidé que les 16 Etats membres de la zone Euro prêteront, si la Grèce les sollicite, un total de 30 milliards d’Euros. Le FMI y rajoutera 15 milliards d’Euros.
Les taux consentis par les Etats ont fait débat, à l’image de la difficulté des gouvernements de définir le traitement à accorder à un pays qui, si son précédent gouvernement a bel et bien triché sur les comptes publics, n’en reste pas moins l’acteur parmi d’autres d’une communauté de destins : l’Union européenne.
Les taux consentis par les Etats varieront finalement selon la durée et le montant du prêt, aux alentours de 5% et en tout état de cause au-dessous des taux actuels du marché pour la Grèce.
Le défi est de vouloir affronter une opinion publique hostile et aussi de s’abstraire de considérations électorales nationales, comme le risque pour la CDU de perdre la majorité au Bundesrat à la faveur des élections au Landtag de Rhénanie du Nord – Westphalie au début mai.
N’est-il pas temps, précisément parce que les évènements le requièrent, de réhabiliter l’envie européenne et l’intérêt général, contre la cupidité et la duplicité, contre la myopie d’un marché sans foi ni loi ?
C’est tout le sens de la mobilisation pour le gouvernement économique européen et aussi contre ceux qui, à Wall Street et ailleurs, s’opposent à toute réforme après avoir pourtant mis l’économie à genoux.
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