Le succès de la Conférence de Nagoya et celui, espéré, de celle de Cancun au mois de décembre posent la question du rapport de l’économie et de l’environnement. Faut-il nécessairement les opposer ? La décroissance est-elle la clé obligée du développement durable ou bien l’économie doit-elle au contraire être considérée comme un levier au bénéfice d’une protection effective de la planète ? La question se pose de manière régulière et les points de vue varient. Je voudrais ici verser le mien, nourri par les échanges militants et aussi par mon expérience dans le domaine des énergies renouvelables.
La décroissance n’est pas la solution. Les premiers à en souffrir seraient les pays en développement, qui ont un intense besoin d’énergie et d’activités économiques. A l’inverse, l’économie peut être une précieuse alliée dans la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité. Il existe dans le monde un formidable gisement d’emplois verts, qui se libérera si la puissance publique, au plan international comme national, mobilise ses multiples moyens d’intervention pour assurer la profitabilité du recyclage, de la réduction des émissions des gaz à effets de serre ou des économies d’énergie. Ne comptons pas en effet sur la main invisible du marché pour sauver la planète par enchantement.
C’est en temps de pétrole cher que la cause des voitures moins polluantes et des économies d’énergie a le plus progressé, conduisant à de nombreuses innovations dont nous nous félicitons aujourd’hui. Les énergies fossiles ont un coût environnemental qu’il convient de prendre davantage en compte. Le prix de l’énergie ne peut être maintenu artificiellement bas car il ralentit alors toute transition vers des solutions plus respectueuses de l’environnement. Aux subventions au prix de l’énergie, il faut par exemple pouvoir substituer le développement des transports en commun et une forte réduction des tarifs d’accès à ceux-ci.
La taxe carbone est un instrument nécessaire pour encourager la transition vers une croissance économique respectueuse de l’environnement. Pour être efficace, la taxe doit s’appliquer à tous les secteurs industriels, production d’énergie comprise, ainsi qu’aux ménages en proportion de leur empreinte carbone. Pour être juste, elle doit être compensée par un soutien à ceux qui sont les plus exposés à la hausse du prix de l’énergie. Tout l’inverse de ce que la droite avait voté au Parlement l’an passé, ménageant tant d’exceptions que le Conseil Constitutionnel ne pouvait qu’annuler la taxe pour rupture du principe d’égalité. Son produit pourrait être utilisé en soutien à l’isolation thermique des logements, au recyclage ou bien encore à l’investissement dans les transports publics.
Les grands lobbies industriels s’opposent à la taxe carbone au motif qu’ils sont déjà soumis au système européen de quotas d’émission. Ce n’est vrai en réalité que pour certains secteurs. Près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre sont en effet en dehors de ce système, auquel échappent toujours les transports, l’agriculture et nombre de services. L’idée d’un marché de quotas d’émission est bonne en soi : forcer les entreprises excédant leur quota d’émissions à acheter des droits en plus à celles qui sont moins polluantes. Reste que les nombreuses exceptions ménagées là aussi relativisent considérablement l’efficacité de la mesure, de même que le risque, déjà éprouvé, de variations spéculatives. La fiscalité écologique me semble un instrument plus juste et plus sûr que le marché des quotas d’émissions.
L’environnement et le climat créent de la croissance économique. Il existe ainsi dans le secteur de la chimie verte des technologies nouvelles susceptibles de prendre le relais à égal ou même meilleur niveau de performance que nombre de technologies actuelles, certes maîtrisées, mais intrinsèquement dangereuses. Le règlement européen REACH encourage la substitution en leur faveur. C’est un progrès, pas encore suffisant cependant. Sans doute faut-il ajouter une action vigoureuse en faveur de la prise en compte de l’analyse du cycle de vie dans les marchés publics, qui représentent tout de même près de 20% du PIB et ont une influence considérable sur les comportements d’achat en général. C’est en effet sur le cycle de vie dans son entier que le bénéfice de nombre de technologies et produits verts peut être mesuré aujourd’hui. Le mieux-disant environnemental doit être valorisé.
N’oublions pas enfin tout le travail d’amont à conduire en termes d’enseignement et de formation professionnelle. L’Allemagne et l’Autriche ont développé ces dernières années des filières performantes de formation dans le secteur des énergies vertes. Il en est de même de celui de la propreté, notamment dans le traitement et la valorisation des déchets. A l’inverse, la France a encore un très long chemin à accomplir, requérant en particulier d’associer davantage le monde émergent des entreprises vertes et celui de l’enseignement, professionnel comme général. C’est très vrai dans le secteur des énergies renouvelables, notamment de l’éolien et du photovoltaïque, où recruter des professionnels formés est souvent encore un défi surprenant.
Voilà quelques idées et suggestions, non-exhaustives, pour alimenter le débat et surtout l’action afin d’encourager la transition vers ce nouveau modèle de développement qu’il nous faut promouvoir.