Les échanges préalables à la désignation des candidates et candidats socialistes aux élections législatives le 2 décembre prochain ont mis en lumière ces dernières semaines plusieurs questions importantes relatives à l’action publique dans les communautés françaises à l’étranger. L’action publique y est-elle nécessaire ? De quelle manière doit-elle être conduite ? Avec quels moyens ? Il est essentiel, me semble-t-il, que les candidats répondent clairement à ces questions et fassent valoir leurs propositions à l’appui. Je vais essayer, dans les lignes qui suivent, de résumer les analyses déjà développées sur mon blog ces derniers mois et de les préciser.
En 10 ans, le nombre de Français officiellement recensés à l’étranger a augmenté de 60%. Nous comptons désormais 1,5 million de compatriotes à travers le monde. Qui sommes-nous ? Des femmes et hommes de toutes conditions, de tous âges, partis à l’étranger, parfois nés à l’étranger, toujours au carrefour des cultures, des nationalités et de l’histoire. Nous sommes ces Français de Waoundé, qui parcourent 10 heures de taxi brousse pour aller voter à Saint-Louis du Sénégal les dimanches d’élection. Nous sommes ces dizaines de milliers de familles franco-allemandes, pour qui transmettre la langue et la culture française est tellement important. Nous sommes toutes ces communautés, proches ou lointaines, qui expriment dans leur diversité la même passion pour la France, son message universel et son avenir.
Les communautés françaises à l’étranger sont une chance pour la France. Notre pays regarde trop souvent le monde entre crainte et nostalgie. La mondialisation, nous la connaissons car nous la vivons au quotidien. Agir pour les communautés françaises à l’étranger, c’est construire l’avenir de la France. C’est à ce titre que l’action publique à l’étranger est, de mon point de vue, une exigence. Or, que constate-on ? Un retrait constant de l’Etat depuis près de 10 ans : 30% de réduction des crédits d’action sociale lorsque la population augmente de 60% ! L’explosion des coûts de scolarité dans toutes les écoles françaises et la fonte de l’activité consulaire qui, dans la 7ème circonscription, a touché Stuttgart, Sarrebruck, Düsseldorf, Hambourg et Cracovie.
L’action publique doit être conduite à l’échelon pertinent pour être la plus efficace. A l’étranger, cela relève d’une dynamique nationale, locale et européenne. Il faut savoir décentraliser ou mutualiser l’action autant que nécessaire et pour autant que ce soit réaliste. Je défends la proposition de recréer les emplois consulaires supprimés par la droite depuis 2002, y compris au sein de l’Union européenne. Non par nationalisme débridé, mais parce que je sais que nous sommes encore malheureusement à des années-lumière d’un réel progrès dans la coopération consulaire intra-européenne. Comment en effet solliciter un passeport français via une mairie allemande lorsque tous les Etats membres de l’Union sont opposés à cette idée et que, difficulté supplémentaire, l’Allemagne ne dispose d’aucun recueil central des données biométriques ?
Le service public consulaire n’est pas au demeurant une simple activité de guichet. C’est aussi un accompagnement. Qui en effet, hormis le Consulat, aidera une famille binationale à constituer un dossier de bourse scolaire, le présentera et le défendra ? La transmission de la langue et de la culture française reposera toujours sur l’intervention de la puissance publique française. Qui viendra en aide à nos compatriotes en difficulté lorsque, faute d’avoir pu ouvrir leurs droits dans le cadre de la législation de l’Etat de résidence, ils auront besoin d’un filet de sécurité pour éviter une rapide descente aux enfers ? Ce sera la France. Or, c’est le gouvernement qui a supprimé en 2010 la plupart des allocations sociales au sein de l’Union européenne et renvoie désormais nos compatriotes vers d’opaques et très privées sociétés de bienfaisance aux relents de dames patronnesses.
Je suis en faveur de la transformation de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE) en une collectivité publique dotée de compétences décisionnelles sur l’action sociale, les bourses, le programme FLAM, la formation professionnelle et l’aide à l’emploi, ainsi que d’une tutelle partagée avec l’Etat sur l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE). Non pas pour rajouter abstraitement un étage supplémentaire au mille-feuille politique déjà existant, mais parce que je suis convaincu à l’expérience que c’est à l’échelon local, celui de l’AFE, que les décisions les plus utiles pourront être prises sur les sujets précités. Cela emporte le transfert de moyens financiers et humains depuis la Direction des Français de l’Etranger (DFAE). Dans la logique même de la décentralisation impulsée par François Mitterrand et Gaston Deferre en 1981-1982, qu’il s’agit d’appliquer à l’étranger.
Se pose légitimement la question du financement de toutes ces réformes. Je veux être clair : la renaissance de l’action publique que je défends pour des communautés françaises à la démographie galopante ne se fera pas à budget constant. Nous devons impérativement aller au-delà des 900 millions d’Euros des programmes 151 et 185 de l’action extérieure de l’Etat qui concernent les Français de l’étranger. C’est une question de priorité politique et d’arbitrage. La modernisation du réseau consulaire sur une législature demandera une bonne dizaine de millions d’Euros par an. Et il faudra, entre autres, se battre pour fondre les crédits de la PEC dans un vaste programme de bourses scolaires à caractère social aux alentours d’une centaine de millions d’Euros.
Je veux terminer par le besoin d’Europe, sur lequel j’ai déjà beaucoup écrit. Nos vies, nos carrières, nos retraites reposent sur plusieurs Etats. L’échelon pertinent d’action est ici européen. Il faut travailler au développement de filières bilingues d’éducation entre réseaux d’enseignement publics à fin de double certification. Il faut aussi s’engager pour une action immédiate, fut-ce par coopération renforcée, en faveur de la reconnaissance mutuelle des diplômes et des cursus professionnels. Enfin, la dimension transnationale du droit européen de la famille devra être développée sur les questions de mariage, divorce, garde d’enfants, obligations alimentaires, dépendance et successions. L’Europe, ce sont déjà 350 000 mariages et 170 000 divorces binationaux par an. Et pas loin de 500 000 successions transnationales !
Voilà le projet que je nourris. Il incarne une ambition, celle de donner à chacune et chacun à l’étranger sa juste place au sein de la communauté nationale. Français à l’étranger, Français à part entière ! La droite a passé par pertes et profits les Français à l’étranger, convaincue sans doute qu’ils lui sont de toute façon électoralement acquis. Nous allons tout mettre en œuvre pour démontrer l’inverse en 2012. C’est en ne lâchant rien, en nous battant pied à pied pour les droits à conquérir, que nous mettrons en œuvre les mesures que tant de nos compatriotes attendent.