Ce 9 mai sera commémoré le soixantième anniversaire de la Déclaration de Robert Schuman. Ce fut le geste fondateur de l’unification européenne, cinq ans seulement après la fin de la seconde guerre mondiale.
L’histoire de Robert Schuman, lorrain de langue allemande, devenu français après la première guerre mondiale, est celle d’un homme convaincu qu’il n’y aurait de paix durable et de progrès social en Europe qu’au travers d’un projet fédéraliste. Ce sera le cœur de la Déclaration du 9 mai 1950, proposant de placer la production de charbon et d’acier de France et d’Allemagne sous le contrôle d’une Haute Autorité et ouvrant la communauté ainsi imaginée aux autres Etats européens intéressés.
Cette proposition sera concrétisée par la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) quelques mois après. Robert Schuman fut Président du Conseil à deux reprises entre 1947 et 1948 et Ministre des Affaires Etrangères sans discontinuer de 1948 à 1953. Il sera aussi le premier Président du Parlement européen de 1958 à 1960, mandat au terme duquel lui sera reconnue la qualité de « Père de l’Europe ».
La commémoration de la Déclaration Schuman prend un relief particulier cette année en raison de la crise profonde que traverse la zone Euro et du péril que ceci entraîne pour l’unification européenne elle-même. La Déclaration avait un souffle indéniable.
Elle affichait une farouche volonté, partagée par delà les nationalités et les familles politiques. Or, ce sont précisément la volonté politique et la solidarité européenne qui font peu ou prou défaut aujourd’hui, donnant de la zone Euro l’image d’un bateau ivre. Sans en rien nier la responsabilité du précédent gouvernement grec dans le déclenchement de la crise, force est de reconnaître que ce sont les indécisions, les agendas nationaux et le manque de courage des Etats membres de la zone Euro qui l’ont conduite à son paroxysme ces dernières semaines.
Si la solidarité avait été affichée par les Etats membres il y a trois mois au lieu d’être laborieusement mégotée, un signal fort aurait été envoyé aux spéculateurs et le plan d’aide très coûteux mis en place il y a une semaine n’aurait pas été nécessaire.
Le vers est dans le fruit. Les spéculateurs font leur miel des déclarations maladroites, involontaires ou non. Ils jouent la contagion, s’en prenant au Portugal et à l’Espagne avec un bon coup de main des agences de notation. L’Irlande et la Belgique retiennent leur souffle. Comme toujours, Nicolas Sarkozy bombe le torse, mais les déficits de notre pays en font également une cible potentielle.
L’absence de gouvernement économique en appui à la monnaie unique ne s’est jamais fait aussi lourdement sentir. Les divergences de plus en plus marquées de compétitivité entre Etats membres menacent l’union monétaire, mais aucune institution ne dispose ni du pouvoir ni de la volonté de les réduire. Dans la tempête, la Banque Centrale Européenne répugne toujours à s’écarter de ses dogmes, acceptant cependant en début de semaine de financer les banques apportant en garantie des emprunts grecs, malgré la dégradation de la note du pays. Pendant ce temps-là, le peuple grec est à genoux, forcé à une austérité porteuse de terribles injustices et de désespérance sociale.
C’est dans un saut fédéraliste que se trouve la réponse à cette crise, nulle part ailleurs.
Il s’agit d’introduire une coordination budgétaire entre Etats membres, des ressources fiscales propres, la possibilité pour l’Union d’emprunter. Un Fonds Monétaire Européen et une agence européenne de notation doivent être créés. Ce n’est que si ce cadre est posé que pourra être envisagée la définition de sanctions contre un Etat membre s’écartant de la gouvernance économique. Parce qu’il n’existe aucun Etat qui n’ait pas pris des libertés vis-à-vis des règles du pacte de stabilité ces dernières années, à commencer par l’Allemagne et la France, personne n’est fondé à faire la leçon à qui que ce soit, encore moins à souhaiter l’exclusion de la Grèce ou de tout autre pays aujourd’hui en difficulté de la zone Euro.
Le saut fédéraliste nécessaire au sauvetage du projet européen ne pourra se faire sans révision institutionnelle, donc sans réouverture des Traités. Prétendre l’inverse serait ne pas prendre la mesure des risques actuels.
Puisse le soixantième anniversaire de la Déclaration de Robert Schuman, jour de l’Europe, conduire à cette prise de conscience que sans volonté politique, ni solidarité entre ses Etats, l’Union comme communauté de destin court à sa perte.
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