Depuis le 1er juillet et pour un semestre, la Pologne préside aux destinées de l’Union européenne. Triste coïncidence, elle a perdu quelques jours avant le début de sa Présidence l’un des plus influents acteurs de son choix européen : Jan Kulakowski. A la Fédération des Français à l’Etranger, nous avions eu le privilège de recevoir Jan Kulakowski à l’occasion d’une convention fédérale. Jan était un ami cher de notre camarade Dominique Aguessy. Ils avaient travaillé ensemble à la Confédération Mondiale du Travail. Je garde un souvenir fort de nos échanges et surtout de la profondeur historique du choix européen que Jan Kulakowski avait développé devant nous avec une contagieuse passion.
Adolescent, tout juste âgé de 14 ans, Jan Kulakowski avait participé au soulèvement de Varsovie. Sa famille avait payé un lourd tribut à la guerre. Il s’était installé en Belgique à l’âge adulte, étudiant le droit et s’engageant aussi dans le mouvement syndical chrétien. C’est ainsi qu’il devint secrétaire de la Confédération Européenne des Syndicats, puis Secrétaire-Général de la Confédération Mondiale du Travail. Jan Kulakowski avait mobilisé nombre de soutiens dans le monde international du travail en faveur du syndicat Solidarnosc, dont l’action devait contribuer à la chute du pouvoir communiste et aux premières élections libres en Pologne.
Le dirigeant syndical se mua alors en un diplomate de tout premier plan. Tadeusz Mazowiecki, premier chef de gouvernement de la Pologne démocratique, le nomma Ambassadeur auprès des Communautés européennes en 1990. Il exercera cette fonction pendant plus de 6 ans, avant d’entrer dans le gouvernement de Jerzy Buzek comme Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, chargé de la conduite des négociations d’adhésion à l’Union européenne. Il les mènera à bon port. En juin 2004, alors que son pays avait rejoint l’Union le mois précédent, il était élu député européen, siégeant pendant les 5 ans de la mandature au groupe de l’Alliance des Libéraux et Démocrates Européens.
Jan Kulakowski n’était pas socialiste. Sa passion de la justice, son idéal internationaliste et tous ces combats de liberté qu’il a livrés sa vie durant le rapprochait cependant beaucoup de nous. Ces dernières années, il continuait d’œuvrer sur le terrain des idées, de la recherche, de la mémoire, en particulier au Collège d’Europe, sur le campus de Natolin, à proximité de Varsovie. Manière sans doute de transmettre le témoin aux nouvelles générations et de faire vivre la flamme à leur contact. Puisse le souvenir de Jan Kulakowski demeurer et former, au même titre que celui de Bronislaw Gieremek, l’une des sources d’inspiration des militants de la cause européenne pour qui la solidarité est le premier des combats.