Un arrêt très intéressant de la Cour de Justice de l’Union européenne en date du 6 septembre est venu préciser la portée de la protection des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises. Le cadre réglementaire est posé par deux Directives de 1977 et 2001. Pour l’essentiel, le nouvel employeur hérite des droits et obligations relatifs aux contrats de travail existants. Il est tenu de maintenir les conditions de travail définies par les conventions collectives en vigueur à la date de la cession. L’objectif est d’éviter que la cession d’entreprises ne se traduise par un moins-disant salarial pour les travailleurs concernés.
Dans le cas d’espèce (C-108/10), la Cour était appelée à déterminer si le cadre réglementaire défini par les deux Directives peut également être appliqué dans l’hypothèse d’une reprise par une collectivité publique du personnel d’une autre collectivité publique. La requérante était une concierge scolaire transférée d’une collectivité locale italienne vers les services de l’Etat. La Cour a considéré que ce passage relevait bien d’un transfert d’entreprises dès lors que le personnel concerné est appréhendé comme un ensemble structuré d’employés protégés en tant que travailleurs en droit italien, ce qui était le cas.
L’Etat, en l’occurrence le Ministère de l’Enseignement, s’était refusé à prendre en compte l’ancienneté de chaque personne transférée et avait opté pour une ancienneté fictivement déterminée, conduisant ainsi nombre d’entre elles à une régression salariale substantielle, et cela quand bien même que l’ancienneté acquise dans la fonction en cause auprès des collectivités locales était équivalente à celle des travailleurs de l’Etat placés dans la même situation.
Il est heureux que le cadre européen et l’interprétation volontariste qu’en fait la Cour posent ainsi des limites claires aux tentations malheureusement bien réelles qui existent pour certaines directions générales ou même acteurs publics de sabrer dans les droits des travailleurs à l’occasion d’un transfert d’entreprise ou d’administration. La reconnaissance des droits acquis est un sujet sur lequel il est nécessaire d’exercer la plus grande vigilance, en investissant l’échelon européen en sus des mobilisations nationales.